Accès gratuit
Numéro
Pédagogie Médicale
Volume 19, Numéro 3, Août 2018
Page(s) 113 - 122
Section Recherche et perspectives
DOI https://doi.org/10.1051/pmed/2019021
Publié en ligne 8 novembre 2019

© SIFEM, 2019

Introduction

Dans le contexte du cursus médical, en particulier durant l’apprentissage des sciences fondamentales, la formation à la recherche est souvent considérée comme sous-représentée [1]. The European Science Foundation et The World Federation for Medical Education recommandent pourtant que les programmes d’enseignement médical de premier cycle et les programmes d’enseignement médical spécialisés participent au développement des compétences de recherche et que les principes de l’Evidence-Based Medicine (EBM) soient abordés très tôt [2,3]. Bien que les moyens nécessaires pour atteindre l’objectif ne soient pas toujours explicites, la consultation des différents référentiels de compétences des facultés de médecine confirme cette volonté d’inscrire la formation à la recherche parmi les objectifs pédagogiques [46].

Les études portant sur l’intégration de la recherche biomédicale comme objet d’enseignement au cours du premier cycle en Europe révèlent cependant que si l’offre des universités en ce domaine est effective (trois universités sur quatre offrent des cours de recherche), elle semble éloignée des préoccupations des étudiants, comme l’atteste le fait que moins de 10 % des étudiants choisissent cette option [7]. Les programmes visant à développer des compétences de recherche, via une approche modulaire, devraient donc être plus présents et plus attractifs, de manière à sensibiliser les candidats qui, par la suite, s’orienteraient vers un programme de doctorat à temps plein auquel ils ont actuellement accès très tardivement et sans y être sensibilisés.

Une formation optionnelle, basée sur l’approche « Team-based problem solving », a récemment été mise en place dans le cadre d’un cursus en pharmacie afin de sensibiliser les étudiants aux activités de recherche [8]. Cette approche, principalement basée sur un suivi de la progression à long terme pendant la mise en œuvre d’un projet de recherche en laboratoire, semble avoir amélioré la capacité des étudiants à participer à des activités de recherche. Le développement, à long terme, des compétences réflexives chez les étudiants de premier cycle en médecine participant à des activités de recherche a également été décrit [9].

En 2008, une maîtrise en recherche biomédicale a été créée à l’École de médecine de l’Université JiaoTong à Shanghai, parallèlement au programme d’études des étudiants de premier cycle. Pour former les étudiants à la méthodologie de recherche et préparer les futurs candidats au Master, une nouvelle intervention pédagogique a été initiée. L’originalité de cette intervention est d’être de courte durée tout en développant les capacités réflexives des étudiants et leur capacité d’auto-apprentissage dans le cadre d’un travail de groupe et individuel. Parmi les différentes options pédagogiques, il est apparu que le Team-Based Problem Solving [10,11] répondait particulièrement à ces objectifs de formation. Dans ce contexte, un processus de formation basée sur un format de type Team-Based Learning (TBL) a été appliqué en vue de développer les compétences nécessaires à la conception et à la rédaction d’un projet de recherche, individuellement et en groupe.

Classiquement, le TBL est décomposé en différentes phases successives :

  • les étudiants se préparent à la formation de manière individuelle. Il est conseillé de les aider par un guide d’apprentissage contenant les objectifs ;

  • la qualité de la préparation individuelle est évaluée via un test de type question à choix multiple (QCM) ;

  • le même test est répété par le groupe, suscitant un échange / une discussion entre les étudiants et la révision des propositions individuelles qui ont été formulées. Une discussion avec le professeur permet de clarifier les incompréhensions ;

  • les étudiants mettent en application leurs connaissances, résolvant en groupe des situations-problèmes complexes. À la fin du temps alloué, chaque groupe présente sa prise en charge de la situation en l’argumentant. Le professeur profite de cette phase pour susciter la discussion entre groupes.

À notre connaissance, le développement des compétences en recherche après une formation courte, préparant à des activités à long terme, n’est pas documenté. Tenant compte du contexte, des opportunités d’ajustement pour la mise en place d’une nouvelle intervention et en lien avec le modèle d’évaluation de programme Context, Input, Process and Product (CIPP) de Stufflebeam [12], l’objectif de la présente publication est donc : (1) de décrire le ressenti des étudiants vis-à-vis de cette nouvelle intervention basée sur le principe du TBL ; (2) de vérifier le lien entre cette formation et l’acquisition des compétences nécessaires à la conception et à la rédaction d’un projet de recherche, individuellement et en groupe.

Méthodes

Intervention éducative

La nouvelle intervention éducative a été mise en oeuvre trois fois (2013, 2014, 2015) et incluait un total de 74 étudiants de premier cycle à l’École de médecine de l’Université JiaoTong de Shanghai.

Selon le format d’apprentissage en équipe (TBL) [10,11], cette intervention s’est déroulée en deux temps principaux. Le premier était une préparation individuelle à domicile durant laquelle les étudiants ont réalisé des auto-apprentissages théoriques, socle de prérequis nécessaires au deuxième temps. Ce second temps était constitué de trois sessions successives de formation intensive (S1, S2, S3), de 180 minutes chacune, organisées en une semaine. Un processus d’évaluation des prérequis a été organisé au début de la S1. L’acquisition autonome de ces derniers a permis de consacrer le temps présentiel à la maîtrise de compétences plus complexes et à leur mobilisation concrète dans la construction d’un projet de recherche (temps S1, S2 et S3 ; Fig. 1).

thumbnail Fig. 1

Description de la formation et des interventions.

Préparation individuelle

Une semaine avant la première session (S1), six groupes de trois à six étudiants ont été formés en tenant compte des performances antérieures aux examens, afin d’assurer un niveau homogène entre les groupes [13,14] et hétérogène au sein de ceux-ci.

L’objectif final de la formation a été communiqué aux étudiants. Pratiquement, il s’agissait de rédiger un projet de recherche sur une question pharmacologique spécifique : « Les agonistes bêta-2 adrénergiques peuvent-ils interagir avec les corticostéroïdes afin d’améliorer le contrôle de l’inflammation des voies respiratoires chez les personnes atteintes d’une bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) ? » Le but du projet à rédiger était d’identifier les mécanismes d’action possibles à l’aide de cultures cellulaires et de démontrer ces interactions à l’aide de modèles animaux. Les étudiants ont reçu des instructions écrites quant à la manière de structurer un projet de recherche ainsi que des articles scientifiques, incluant des articles de synthèse sur la BPCO et des articles originaux traitant des interactions pharmacologiques décrites dans d’autres maladies pulmonaires. Ainsi, aucune solution « clé en main » n’était proposée, invitant les étudiants à comparer leurs opinions et à rechercher ensemble des solutions innovantes pour atteindre l’objectif fixé. La recherche personnelle d’articles scientifiques a été encouragée.

Chaque groupe a reçu une tâche spécifique en lien avec le projet global, à savoir :

  • Groupe 1 : résumé du contexte permettant de justifier la question pharmacologique ;

  • Groupe 2 : identification des lacunes dans les connaissances relatives aux interactions entre les différents traitements de la BPCO et identification de deux hypothèses de recherche se référant à la démonstration des effets des médicaments in vivo et à une approche mécanistique in vitro ;

  • Groupes 3 et 4 : choix et justification de modèles expérimentaux utilisant des animaux (groupe 3) ou des cultures cellulaires (groupe 4) ;

  • Groupes 5 et 6 : conception de l’expérimentation à partir de modèles animaux (groupe 5) ou de cultures cellulaires (groupe 6).

Il a été demandé à tous les étudiants de lire en détail les deux articles de synthèse fournis et d’avoir une vue d’ensemble des principales informations issues des publications de recherche mises à disposition. Les publications de recherche contenant les informations les plus pertinentes pour atteindre les objectifs assignés à chaque groupe ont été spécifiées par l’instructeur. Ces publications, au nombre de trois à quatre par groupe, devaient être lues en détail avant la séance S1.

Processus d’évaluation de l’état de préparation

Au début de S1, les 20 premières minutes ont été consacrées à rappeler les objectifs et l’organisation de la formation. Ensuite, le processus d’évaluation de l’état de préparation s’est déroulé en 30 minutes [10,11]. Les étudiants ont répondu individuellement à une série de dix QCM. Cinq réponses étaient proposées pour chaque question avec, parmi elles, une seule bonne réponse. Le même test a ensuite été effectué en petits groupes. Chaque groupe pouvait fournir une ou, en cas de doute, plusieurs réponses, classées dans ce cas selon un degré de certitude. Une discussion avec l’enseignant était alors prévue pour éclaircir les questions émanant des étudiants.

Application des connaissances

Pendant les 130 minutes restantes de S1, chaque groupe a préparé huit à 10 diapositives visant à rassembler et mettre en évidence les informations considérées comme étant les plus pertinentes pour répondre à la tâche qui lui était assignée. Pendant cette période, les étudiants pouvaient poser des questions à l’enseignant afin de clarifier certaines incompréhensions ou envisager la meilleure façon de choisir et de présenter les informations. Ils pouvaient également rechercher des informations complémentaires et demander l’avis des autres groupes. Chaque groupe était libre de poursuivre les travaux après cette première session, notamment via la recherche d’informations additionnelles.

Au cours de S2, 120 minutes étaient allouées aux présentations orales des étudiants. Chaque groupe (20 minutes/groupe) présentait les informations et les connaissances considérées comme étant majeures pour la construction du projet. Une discussion (30 minutes) était menée par l’enseignant après les présentations, principalement pour évaluer la pertinence des informations et les hiérarchiser selon les tâches de chaque groupe et en fonction de l’objectif ultime du processus.

Les groupes étaient ensuite rassemblés en trois équipes, chacune ayant pour tâche de résumer l’information la plus pertinente et de rédiger, respectivement, l’introduction, le matériel et méthodes et les protocoles expérimentaux. Préalablement au travail en équipe, une discussion de classe de 30 minutes répartissait les tâches entre chaque équipe et coordonnait les travaux en donnant à chacun une vue d’ensemble du projet tel que proposé par la classe. Pendant le reste du temps de S2, chaque équipe préparait cinq à huit diapositives ainsi qu’une diapositive récapitulative. Les équipes pouvaient continuer à travailler après la session.

Les équipes finalisaient leur présentation au cours des 90 premières minutes de S3. Ensuite, chaque équipe présentait sa partie du projet à la classe pendant 15 minutes, laquelle activité était suivie d’une discussion de 10 minutes avec deux enseignants extérieurs n’ayant pas suivi le processus de formation.

Pour clore la session, trois étudiants nommés par les équipes résumaient le projet pour l’ensemble de la classe et ce, en cinq minutes. Une discussion de 10 minutes suivait.

Évaluation du niveau de satisfaction des étudiants relativement à l’acquisition des compétences nécessaires à la préparation d’un projet de recherche – Enquête 1

Une première enquête visant à évaluer le niveau de satisfaction des étudiants (n = 21) relativement à l’intervention éducative ainsi que leur perception quant à leur capacité à préparer un projet de recherche a été menée à l’issue de la formation, lors de la première année académique. Le tableau I reprend la liste des questions posées. Les réponses ont été recueillies à l’aide d’une échelle de Likert (1 : fortement en désaccord5 : fortement d’accord).

Tableau I Questions posées aux étudiants afin d’évaluer leur niveau de satisfaction et leur perception quant à leur capacité à préparer un projet de recherche.

Enquête 1

Discussions ouvertes semi-structurées animées par une tierce personne

Afin de mieux comprendre les critiques et les appréhensions exprimées par les étudiants, des discussions ouvertes et semi-structurées, animées par un enseignant indépendant, ont eu lieu la deuxième année avec l’ensemble des étudiants suivant la formation (n = 21). Ces discussions ont été menées en l’absence des responsables de la formation. Les étudiants étaient répartis en équipes (un temps de discussion d’environ 60 minutes/équipe). Un observateur indépendant était chargé de la synthèse. Les questions ouvertes étaient les suivantes : le séminaire était-il bien organisé ? Le temps de préparation était-il suffisant ? Un nombre suffisant d’articles de synthèse et d’articles scientifiques a-t-il été fourni ? La valeur de ces articles était-elle suffisante ? Avez-vous cherché des informations supplémentaires sur Internet et pourquoi ? Quelles sont les compétences acquises grâce à la formation ? Quelle est l’approche la plus efficace : préparer un projet de recherche individuellement ou en groupe et pourquoi ? La formation a-t-elle été utile pour l’acquisition de compétences pour préparer un projet de recherche et la préparation à la profession de chercheur ?

Évaluation du niveau de satisfaction des étudiants relativement à l’acquisition des compétences nécessaires à la préparation d’un projet de recherche – Enquête 2

Sur la base des déclarations recueillies lors des discussions ouvertes, une deuxième enquête a été réalisée au cours de la troisième année académique (n = 32 étudiants). Les questions de cette seconde enquête sont reprises dans le tableau II.

Tableau II Questions posées aux étudiants afin d’évaluer leur niveau de satisfaction et leur perception quant à leur capacité à préparer un projet de recherche.

Enquête 2

Évaluation de la capacité à rédiger un projet de recherche en groupe

Au cours de la seconde année, il a été demandé aux six groupes impliqués dans la formation de rédiger un projet de recherche en groupe sur deux sujets pharmacologiques différents et ce, avant (pharmacologie respiratoire) et après (pharmacologie ostéo-articulaire) la formation, afin de mesurer la progression au cours du processus d’apprentissage. Les étudiants ont reçu les publications 48 h avant chaque test.

L’évaluation des deux projets de recherche a été réalisée en aveugle. Pratiquement, un examinateur indépendant du processus de formation, non informé du moment de rédaction du projet (avant ou après la formation) et des étudiants ayant rédigé le projet remplissaient un formulaire qui comprenait douze critères d’évaluation (Tab. III). Une échelle de six points était utilisée pour chaque critère, correspondant aux niveaux suivants : insuffisant (1), faible (2), acceptable (3), bon (4), très bon (5) et excellent (6).

Tableau III

Formulaire d’évaluation utilisé par un évaluateur indépendant du processus de formation.

Évaluation de la capacité à rédiger individuellement un projet de recherche

En raison des préoccupations exprimées lors des discussions ouvertes au cours de la deuxième année de formation quant à la capacité d’écrire seul certaines parties d’un projet, il a été demandé aux étudiants de rédiger à la fin du processus d’apprentissage organisé pour la troisième fois, un projet de recherche individuel (n = 32) et ensuite de rédiger le même projet dans un cadre collaboratif (n = 6 groupes). Pour ce, de nouveaux articles scientifiques exposant la problématique nécessaire à la construction d’un projet, totalement différent de ceux envisagés dans le cadre de la formation (Fig. 1), ont été distribués 48 h avant le début du processus de rédaction individuel. Les étudiants disposaient de quatre heures pour produire un document écrit décrivant leur projet individuel. Dans la foulée, des groupes (identiques à ceux de la formation) étaient constitués pour mettre en commun les contributions individuelles afin de rédiger un projet collaboratif.

L’évaluation des deux projets de recherche a été réalisée en aveugle. Pratiquement, un examinateur indépendant du processus de formation non informé du mode de rédaction du projet (individuellement ou en groupe) et des étudiants ayant rédigé le projet remplissaient un formulaire qui comprenait douze critères d’évaluation (Tab. III). Une échelle à six points était utilisée pour chaque critère, correspondant aux niveaux suivants : insuffisant (1), faible (2), acceptable (3), bon (4), très bon (5) et excellent (6).

Résultats

Évaluation du niveau de satisfaction des étudiants relativement à l’acquisition des compétences nécessaires à la préparation d’un projet de recherche – Enquête 1

Selon les résultats de la première enquête, une grande majorité d’étudiants étaient satisfaits de la formation et partageaient le même point de vue quant à l’utilité de la formation pour développer les compétences nécessaires à la rédaction d’un projet de recherche (le pourcentage d’étudiants fortement d’accord et d’accord avec la majorité des questions variait de 76 à 100 %). Cependant, 15 % des étudiants considéraient que le temps de consultation des documents fournis n’était pas suffisant (Q3) ; 62 et 67 % des étudiants considéraient que la formation les aidait à, respectivement, identifier la stratégie expérimentale et à concevoir un protocole expérimental (Q11 et Q12). De plus amples détails quant aux résultats sont donnés dans la figure 2.

thumbnail Fig. 2

Réponses des étudiants aux questions (Q) posées dans le cadre de la première enquête (voir Tab. I pour les questions). Les données sont exprimées en pourcentages respectifs des répondants de la cohorte.

Résultats des discussions ouvertes

Les retours des discussions ouvertes étaient très positifs, les étudiants faisant état de la bonne organisation de la formation et suggérant certaines améliorations. Pratiquement, les étudiants déclaraient notamment : « Le séminaire est bien organisé » mais pour certains d’entre eux, « Le temps manque pour la préparation ».

Les étudiants ont exprimé des opinions divergentes quant aux ressources nécessaires pour atteindre les objectifs. Certains d’entre eux ont considéré que « les articles fournis étaient suffisants pour commencer à travailler » tandis que d’autres ont déclaré « qu’il est intéressant pour nous de rechercher des techniques et des informations sur Internet, cela nous permet d’approfondir le sujet dans un laps de temps assez court ».

Les étudiants ont également apprécié le travail en groupe et ont jugé favorablement cette approche pour développer certaines compétences nécessaires à la rédaction d’un projet de recherche. Pratiquement, tous les étudiants, à une exception près, ont déclaré : « La formation nous apprend à mieux travailler en groupe et à nous organiser en groupe ». Les étudiants ont également déclaré : « Tout le monde se sent responsable envers le groupe et la classe ». Concernant l’impact de la formation sur le développement des compétences, les étudiants ont noté : « Le travail en groupe nous permet de mieux comprendre le contexte général de la recherche », « de préparer un protocole de recherche et de structurer un projet plus facilement / rapidement ». Les étudiants ont cependant quelques griefs, déclarant que « le travail en groupe ne nous permet pas de définir une question de recherche plus facilement / rapidement ».

Les étudiants ont, par ailleurs, des appréhensions quant à leur capacité à s’acquitter seuls de cette tâche et ont loué le travail de groupe dans cette perspective. En effet, la grande majorité des étudiants a déclaré : « Travailler en groupe est plus efficace que le travail individuel pour atteindre l’objectif, car nous pouvons échanger pour améliorer nos connaissances et partager les tâches pour aller plus vite » ; « Si j’avais travaillé seul, le projet de recherche final ne serait pas aussi bon qu’en groupe » ; « Nous avons écrit un projet de recherche en groupe, mais nous ne nous sentons pas capables de le faire seul ».

Les étudiants ont également estimé que la formation est utile pour leur futur stage à l’étranger. Cependant, ils ont suggéré que l’apprentissage de la rédaction d’un projet de recherche devrait être poursuivi et renforcé, par le biais d’autres cours ou formations, notamment afin d’être prêt à effectuer la tâche de manière individuelle et autonome.

Évaluation du niveau de satisfaction des étudiants relativement à l’acquisition des compétences nécessaires à la préparation d’un projet de recherche – Enquête 2

Devant l’inquiétude des étudiants relativement à leur capacité à écrire un projet de recherche autonome et sachant qu’il s’agit de la compétence que nous cherchons à développer dans le dispositif, nous avons concentré la deuxième enquête sur cet élément (voir le Tab. II pour l’enquête). Les réponses des étudiants aux questions successives sont illustrées par la figure 3.

Les résultats montrent qu’une grande majorité d’étudiants (82 à 93 %) sont d’accord et fortement d’accord avec le fait qu’à la fin de la formation, agissant en groupe, ils sont : 1) prêts à préparer un projet de recherche ; 2) capables d’identifier les questions de recherche ; 3) capables de préparer le contexte d’un projet de recherche ; 4) capables de préparer le protocole expérimental d’un projet de recherche et : 5) capables de présenter ce projet de recherche. En ce qui concerne leur perception de leur capacité à identifier les techniques les plus appropriées pour répondre aux questions de recherche, seuls 65 % ont répondu positivement.

Les étudiants étaient par ailleurs moins convaincus de leur capacité à atteindre seuls ces objectifs, notamment en ce qui concerne la préparation du protocole expérimental et la présentation du projet de recherche. En effet, seuls respectivement 44 et 48 % des étudiants étaient d’accord ou tout à fait d’accord avec le fait qu’à la fin de la formation, ils étaient en mesure de préparer le protocole expérimental et de présenter, seuls, un projet de recherche. D’importantes préoccupations subsistaient également au sujet des techniques, puisque seulement 35 % des étudiants déclaraient être en mesure, à la fin de la formation, de trouver les techniques les plus appropriées pour répondre à la question de recherche.

thumbnail Fig. 3

Réponses des étudiants aux questions posées dans le cadre de la seconde enquête (voir Tab. I pour les questions).

Évaluation de la capacité à rédiger un projet de recherche en groupe

Les résultats de l’évaluation, en aveugle, des deux projets de recherche collaboratifs (rédigés avant et après la formation) sont présentés dans le tableau IV. Ils confirment l’efficacité de la formation pour développer les compétences nécessaires à la rédaction d’un projet de recherche dans un délai assez court.

D’une manière plus précise, il apparaît qu’avant la formation, l’ensemble des 12 critères utilisés pour évaluer les productions écrites des groupes étaient notés d’un niveau insuffisant. La formation a exercé un effet significatif sur la qualité des productions écrites. En effet, après la formation, l’ensemble des 12 critères utilisés pour évaluer les productions écrites des groupes étaient notés d’un niveau bon.

Tableau IV

Évaluation, en aveugle, des projets collaboratifs réalisés avant et après la formation.

Évaluation de la capacité à rédiger individuellement un projet de recherche

Les résultats de l’évaluation, en aveugle, des projets de recherche rédigés, individuellement ou en groupe, après la formation sont présentés au tableau V. Contrairement aux craintes exprimées par les étudiants, ces données montrent la capacité des étudiants à rédiger, seuls, un projet de recherche.

D’une manière plus précise, pour les projets rédigés individuellement à l’issue de la formation, la majorité des 12 critères utilisés pour évaluer les productions écrites des étudiants étaient notés d’un niveau acceptable. Certains points critiques apparaissent cependant, comme le choix et la description des techniques, et la compréhension des paramètres étudiés (critères 6–8).

Travailler en groupe sur le même sujet a par ailleurs permis aux étudiants d’améliorer significativement leurs résultats. Pour les projets rédigés en groupe à l’issue de la formation, la majorité des 12 critères utilisés pour évaluer les productions écrites des groupes étaient notés d’un niveau bon.

Tableau V

Évaluation, en aveugle, des projets réalisés après la formation, seul ou en groupe.

Discussion

Bien que l’importance de la recherche dans l’enseignement médical soit maintenant reconnue [26] et qu’il existe des cursus médicaux de premier cycle offrant des formations spécifiques, leur efficacité sur le développement des compétences médicales et de recherche reste mal documentée.

Dans ce contexte, l’objectif de ce travail était d’évaluer l’impact d’une intervention originale, basée sur un format TBL modifié et s’inscrivant dans une période de courte durée, sur le développement des compétences nécessaires à la rédaction d’un projet de recherche.

La structure de cette nouvelle approche éducative et de la gestion de groupe, globalement bien appréciée par les étudiants, était très similaire à celle décrite pour les activités de type TBL [10,11] mais se distinguait principalement par le fait que chaque groupe / équipe recevait des tâches complémentaires pour rédiger, à terme, un projet de classe basé sur le partage du travail à chaque étape de la formation. Pour que la procédure soit couronnée de succès dans un laps de temps si court, il était nécessaire de fournir des publications et des explications sur le contexte de la recherche, afin d’orienter les étudiants vers des hypothèses de recherche pertinentes. Auparavant, ces étudiants recevaient des formations sur l’Evidence-Based Medicine ainsi que sur les techniques de lectures d’articles. La principale difficulté de cette formation était de fournir suffisamment d’informations pour permettre aux étudiants d’avoir une vue d’ensemble du problème et de rechercher rapidement des solutions innovantes par eux-mêmes puis de les synthétiser, en structurant un projet de recherche selon les bonnes pratiques reconnues dans le domaine. La quantité d’informations fournies était limitée par le peu de temps disponible et le risque de fournir des publications donnant tous les éléments nécessaires et suffisants pour atteindre l’objectif. D’après notre expérience, il est apparu que la distribution de 20 publications était adéquate. Pour guider les étudiants dans le choix des hypothèses et leurs réflexions, sans imposer des solutions prédéfinies, le meilleur moyen était de fournir des informations sur les questions thérapeutiques liées à d’autres pathologies pour susciter la réflexion et la créativité. La recherche d’articles scientifiques a également été encouragée et a été considérée par de nombreux étudiants comme une tâche positive et utile.

Nos données illustrent le haut niveau de satisfaction des étudiants à l’égard de la formation et montrent que la plupart d’entre eux partagent le même point de vue quant à son utilité pour développer les différentes compétences nécessaires à la rédaction collective d’un projet de recherche. Les étudiants ont cependant émis une réserve sur deux points, à savoir l’identification de la stratégie expérimentale et la conception du protocole expérimental. Ces préoccupations ont été confirmées au cours des discussions ouvertes ainsi que par l’évaluation, en aveugle, par un examinateur indépendant du processus de formation, des projets individuels. Les résultats de ces évaluations ont montré que les notes les plus basses, bien qu’acceptables, étaient notamment associées à la conception du protocole expérimental et à la compréhension des paramètres expérimentaux. Le choix et la description des techniques étaient également associés aux notes les plus basses. La difficulté pour les étudiants n’était pas tant de comprendre les aspects techniques des méthodes expérimentales que de justifier la pertinence du choix des paramètres expérimentaux pour résoudre des hypothèses. Ces points ont été largement pris en compte lors des discussions en classe. Cependant, pour améliorer ces compétences, une formation supplémentaire basée sur l’apprentissage par problèmes et axée sur ces aspects serait nécessaire.

Les étudiants ont, lors du groupe de discussion focalisée et de l’enquête, exprimé leurs doutes, leurs craintes que les compétences acquises par le collectif ne soient pas mobilisables par eux seuls, de manière autonome. Les données du tableau V contredisent ces craintes. Les étudiants atteignent en effet un niveau satisfaisant qui est sensiblement amélioré par le travail en groupe. Comme l’ont déclaré les étudiants, la responsabilisation, le partage du travail et des connaissances semblent être des facteurs de motivation pour assurer une articulation cohérente des résultats respectifs menant à un projet de classe bien noté. Outre les aspects motivationnels, ce dispositif est le reflet d’une structuration pédagogique efficace, permettant d’augmenter sensiblement, et dans un laps de temps bref, les compétences que nous avions ciblées.

Conclusion

En conclusion, l’un des éléments forts de cette étude réside dans le programme de formation offert aux étudiants. Il s’agit d’une intervention originale, basée sur un format TBL, qui prend place dans un temps très restreint et qui permet de développer réellement les compétences nécessaires à la rédaction d’un projet de recherche. Par ailleurs, cela se déroule avec l’assentiment des étudiants qui voient ainsi leur motivation augmentée. Nous n’en sommes pas étonnés. Différents moteurs de la motivation peuvent être mobilisés dans le cadre de ce dispositif. Nous pensons, par exemple, que cette formation augmente le sens que peuvent donner les étudiants aux projets de recherche et qu’elle peut favoriser un plus grand sentiment de compétence voire de contrôlabilité sur de futurs projets individuels qu’ils pourraient nourrir en termes de recherche. Fait marquant, on remarque un décalage entre le sentiment d’efficacité personnelle des étudiants qui, même après la formation, doutent de leur capacité à préparer un protocole expérimental et à la présenter, alors que cette compétence spécifique a été jugée comme acquise par les formateurs. Cette capacité à s’autoévaluer de manière réaliste pourrait faire l’objet d’un apprentissage spécifique dans le cadre de notre formation. Demander aux étudiants de porter un regard réflexif à divers moments du processus, et leur donner un feedback sur ce regard, permettrait à ceux-ci d’ajuster la pertinence de leur jugement d’autoévaluation.

Les apprentissages étant développés dans le cadre d’un format de type TBL, il sera également intéressant de porter un regard sur ce qui s’est passé dans chacun des groupes en termes de dynamique des groupe. En effet, la pertinence des productions fournies est aussi dépendante de la capacité des groupes à travailler en harmonie. Cette notion n’a pas été abordée dans le présent article. Elle devra toutefois faire l’objet d’un dispositif d’observation ad hoc lors de la prochaine itération de cette formation.

Enfin, les résultats de cette étude doivent être situés dans le contexte spécifique dans lequel ils ont été récoltés, à savoir celui qui réunissait des étudiants très motivés et une équipe de formateurs passionnés.

Références

  1. Weston KM, Mullan JR, McLennan L. Building research capacity through community-based project. Med Educ 2010;44:496‐7. [Google Scholar]
  2. Hojgaard L, Hynes M. Medical research education in Europe. Eur Sci Found 2012. Disponible sur http://www.esf.org/fileadmin/Public_documents/Publications/spb46_MedResEurope.pdf. [Google Scholar]
  3. World Federation for Medical Education (WFME). Global standards for quality improvement in medical education. 2007. Disponible sur www.wfme.org. [Google Scholar]
  4. Cumming A, Ross M. The Tuning Project for Medicine-learning outcomes for undergraduate medical medical education in Europe. Med Educ 2007;29:636‐41. [Google Scholar]
  5. Frank JR, Snell LS, Sherbino J, Boucher A. Référentiel de compétences CanMEDS 2015 pour les médecins. Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada. 2015. Disponible sur http://www.royalcollege.ca/rcsite/canmeds/canmeds-framework-f. [Google Scholar]
  6. Simpson JG, Furnace J, Crosby J, Cumming AD, Evans PA, Friedman Ben David M, et al. The Scottish doctor – Learning outcomes for the medical undergraduate in Scotland: A foundation for competent and reflective practitioners. Med Teach 2002;24:136‐43. [Google Scholar]
  7. Van Schravendijk C, Marz R, Garcia-Seoane J. Exploring the integration of the biomedical research component in undergraduate education. Med Teach 2013;35:e1243‐51. [Google Scholar]
  8. Ramsauer VP. An elective course to engage pharmacy students in research activities. Am J Pharm Educ 2011;75:1‐6. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
  9. Devi V, Abraham RR, Kamath U. Teaching and assessing reflecting skills among undergraduate medical students experiencing research. J Clin Diagn Res 2017;11:1‐5. [Google Scholar]
  10. Morison S, Jenkins J. Sustained effects of interprofessional shared learning on student attitudes to communication and team working depend on shared learning opportunities on clinical placement as well as in the classroom. Med Teach 2007;29:450‐6. [Google Scholar]
  11. Hudson JN, Tonkin AL. Clinical Skills Education: Outcomes of relationships between junior medical students, senior peers and simulated patients. Med Educ 2008;42:901‐8. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
  12. Stufflebeam DL. The CIPP Model for Evaluation. In: Evaluation models: Viewpoints on educational and human services evaluation (2nd ed.), Stufflebeam DL, Madaus GF, Kellaghan T, Editors. Kluwer Academic: Boston(MA), 2000, pp. 280‐317. [Google Scholar]
  13. Levine R, O’Boyle M, Haidet P, Lynn D, Stone M, Wolf D, Stone MM, Paniagua F. Transforming a clinical clerkship with team learning. Teach Learn Med 2004;16:270‐5. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
  14. Thomas P, Bowen C. A controlled trial of team-based learning in an ambulatory medicine clerkship for medical students. Teach Learn Med 2011;23:31‐6. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]

Citation de l’article : Zhang W., Cambier C., Zhang Y., Detroz P., Farnir F., Gustin C., Dhem A., Vandeweerd J.-M., Gustin P. Développer les compétences en recherche chez les étudiants en médecine : une intervention éducative d’apprentissage en équipe. Pédagogie Médicale 2018:19;113-122

Liste des tableaux

Tableau I Questions posées aux étudiants afin d’évaluer leur niveau de satisfaction et leur perception quant à leur capacité à préparer un projet de recherche.

Enquête 1

Tableau II Questions posées aux étudiants afin d’évaluer leur niveau de satisfaction et leur perception quant à leur capacité à préparer un projet de recherche.

Enquête 2

Tableau III

Formulaire d’évaluation utilisé par un évaluateur indépendant du processus de formation.

Tableau IV

Évaluation, en aveugle, des projets collaboratifs réalisés avant et après la formation.

Tableau V

Évaluation, en aveugle, des projets réalisés après la formation, seul ou en groupe.

Liste des figures

thumbnail Fig. 1

Description de la formation et des interventions.

Dans le texte
thumbnail Fig. 2

Réponses des étudiants aux questions (Q) posées dans le cadre de la première enquête (voir Tab. I pour les questions). Les données sont exprimées en pourcentages respectifs des répondants de la cohorte.

Dans le texte
thumbnail Fig. 3

Réponses des étudiants aux questions posées dans le cadre de la seconde enquête (voir Tab. I pour les questions).

Dans le texte

Les statistiques affichées correspondent au cumul d'une part des vues des résumés de l'article et d'autre part des vues et téléchargements de l'article plein-texte (PDF, Full-HTML, ePub... selon les formats disponibles) sur la platefome Vision4Press.

Les statistiques sont disponibles avec un délai de 48 à 96 heures et sont mises à jour quotidiennement en semaine.

Le chargement des statistiques peut être long.