Accès gratuit
Numéro
Pédagogie Médicale
Volume 23, Numéro 4, 2022
Page(s) 193 - 203
Section Recherche et Perspectives
DOI https://doi.org/10.1051/pmed/2022025
Publié en ligne 23 décembre 2022

© SIFEM, 2023

Introduction

Problématique

Le développement des compétences en pédagogie pour des professionnels de la santé devient un élément incontournable pour l’accès à des postes académiques dans les établissements de formation en médecine. La motivation des enseignants à s’inscrire et à persévérer dans la formation à la pédagogie joue un rôle crucial pour la qualité de l’enseignement dans les établissements, notamment pour l’adaptation aux changements de fonction (par exemple pour évoluer de clinicien à clinicien-enseignant) et pour l’efficacité des dispositifs de formation à la profession [1,2]. D’ailleurs, les réformes curriculaires échouent souvent dans leurs efforts d’amélioration des pratiques des enseignants en raison d’un manque d’attention portée à la motivation des cliniciens [3].

Dans le contexte d’apprentissage, la motivation affecte le dynamisme de l’apprenant ainsi que son niveau d’engagement et de persévérance dans les activités pédagogiques proposées. Elle l’oriente vers certains objectifs, et encourage ou décourage la prise d’initiatives. Elle affecte également la stratégie d’apprentissage et les processus cognitifs [4]. Il existe une multitude de théories de la motivation ; certaines mettent l’accent sur le type de motivation alors que d’autres se penchent sur sa force relative.

Le défi se situe dans la répartition à effectuer entre les tâches d’enseignement et les tâches cliniques qui sont en concurrence en raison d’un temps disponible et de ressources limités. Une approche prometteuse pour comprendre au regard de quels facteurs les cliniciens-enseignants attribuent leur temps et leurs efforts est d’étudier la dynamique de motivation qui détermine leur engagement et persévérance dans une tâche d’enseignement. Cela devient d’autant plus critique lorsqu’il s’agit de se former dans un domaine nouveau et différent de la compétence primaire – comme c’est le cas pour des professionnels de la santé qui se forment à la pédagogie.

La théorie de l’auto-détermination, l’une des théories les plus souvent utilisées dans le domaine de la pédagogie des sciences de la santé, suggère que la qualité de la motivation dépend de la source. Celle-ci peut être interne ou externe à l’individu [5]. Ainsi, cette théorie décrit des états de motivation pouvant osciller entre motivation intrinsèque et absence de motivation – un état d’amotivation [6]. Conséquemment, la théorie de l’auto-détermination propose deux sources de motivation en fonction du locus de causalité perçue : autonome (locus interne à l’individu) et contrôlée (locus externe à l’individu). La figure 1 présente ce continuum d’états de motivation au cœur de la théorie de l’auto-détermination.

Bien que la motivation des apprenants scolaires et universitaires ait été abondamment étudiée [7], peu d’études se sont penchées sur des enseignants qui s’engagent dans un parcours de développement professionnel continu en pédagogie. À cet égard, comprendre davantage la motivation du clinicien-enseignant qui construit un savoir enseignant [812], complémentaire à son savoir clinique, dans le cadre d’une formation continue, pourrait contribuer à améliorer la formation continue en pédagogie ainsi qu’à rehausser la qualité de l’enseignement offert aux étudiants en sciences de la santé. Le continuum de l’auto-détermination présenté sur la figure 1 contient des éléments conceptuels qui pourraient servir à identifier différentes sources de motivation chez ces cliniciens, ce qui permettrait de cerner des leviers pour renforcer l’engagement et la persévérance de ces professionnels dans leur parcours de formation en pédagogie.

thumbnail Fig. 1

Le continuum d’auto-détermination, avec les formes de motivation, les styles de régulation et les locus de causalité. Adapté de Ryan et Deci [6].

Objectif

L’objectif de cette étude est la mise en évidence des sources de motivation selon la théorie de l’auto-détermination, auprès des cliniciens-enseignants qui choisissent de s’engager dans la formation pour le diplôme inter-universitaire (DIU) en pédagogie médicale, proposée par la Faculté de médecine et de pharmacie de Marrakech, au Maroc.

Méthodes

Il s’agit d’une étude exploratoire avec collecte de données quantitatives et qualitatives permettant de documenter les éléments sous-jacents au modèle de l’auto-détermination.

Échantillon

La collecte de données s’est déroulée du 10 mars au 30 mai 2020. Les participants invités à participer sont toutes les personnes inscrites au DIU organisé à la Faculté de médecine et de pharmacie de Marrakech, au cours de l’année universitaire 2018–2019 et 2019–2020. Le nombre et la liste des participants ont été fournis par le service responsable de la formation continue. Un courrier électronique d’invitation contenant le lien Internet du questionnaire en ligne a été envoyé aux 110 participants inscrits. Le lien a été actif pendant une période de trois mois. Deux relances de rappel ont été effectuées par courriel électronique. Le nombre total de questionnaires recueillis à l’issu de la collecte des données est de 80, sur un nombre total de participants de 110, soit un taux de réponse de 72,7 %.

Instruments de recueil des données

Le questionnaire composé de quatre sections (trois sections sont des questions à réponses fermées et la dernière section est une question à réponses ouvertes) a été mis en ligne et a servi à recueillir les données. La première section portait sur les caractéristiques personnelles (sexe, âge, situation familiale, nombre d’enfants, profil, ancienneté en profession, nombre d’heures de travail, nombre d’heures dédiées pour étudier dans le cadre du DIU de pédagogie). La deuxième section questionne les facteurs incitatifs pour les participants à postuler pour une formation médicale continue en pédagogie. La troisième section correspond à l’échelle de motivation en éducation adapté aux études universitaires (ÉMÉ-U 28), basée sur 28 items, développée par Vallerand et al. [13]. La quatrième est composée d’une seule question ouverte permettant de recueillir des données de type qualitatif.

La mesure de la motivation

L’échelle ÉMÉ-U 28 mesure sept construits différents liés à la motivation : les motivations intrinsèques à la connaissance (MICO), à l’accomplissement et à la stimulation, ainsi que la régulation externe, introjectée, identifiée, et, enfin, l’amotivation. La motivation intrinsèque à l’accomplissement (MIAC) découle du plaisir que l’individu ressent à se surpasser dans une activité qui représente pour lui un défi optimal [5]. La motivation intrinsèque à la stimulation (MIST) survient quand un individu éprouve des sensations agréables (amusement, excitation, plaisir sensoriel) lors d’une activité particulière [5]. La motivation extrinsèque par régulation identifiée (MEID) implique que « le sujet s’engage parce qu’il juge l’activité valable et qu’il a identifié l’importance de son engagement » [5]. La motivation extrinsèque par régulation introjectée (MEIN) implique que l’individu s’engage dans une activité pour éviter des sentiments négatifs, tels que la culpabilité, ou pour chercher l’approbation des autres [5]. La motivation extrinsèque par régulation (MERE) caractérise l’individu qui est motivé par des éléments extérieurs à l’activité comme des récompenses matérielles ou l’évitement de punitions [5]. L’amotivation se définit comme l’absence de toutes motivations chez l’individu [9].

Elle contient 28 énoncés, soit quatre énoncés par construit. Les répondants sont invités à indiquer sur une échelle de Likert à sept points allant de 1 (tout à fait en désaccord) à 7 (tout à fait en accord) dans quelle mesure chacun des énoncés correspond à sa pensée. Cette échelle a été adaptée à notre contexte de formation médicale continue (voir Tab. I).

Les réponses au questionnaire ont été analysées dans un premier temps afin de vérifier la fidélité de notre échelle. Le coefficient alpha de Cronbach calculé à partir des réponses au questionnaire était de 81,3 %, ce qui traduit une bonne consistance interne.

Tableau I

Composition des items de l’échelle de motivation en éducation adapté aux études universitaires (ÉMÉ-U 28).

Analyses descriptives

L’analyse statistique a été effectuée à l’aide du logiciel SPSS13.0. L’analyse descriptive a consisté au calcul des fréquences absolues et relatives et des paramètres de position et de dispersion pour les variables quantitatives (moyenne, écart-type). Ainsi, une moyenne et un écart-type ont été calculés pour chacune des dimensions de l’échelle de la motivation afin de documenter chacune des dimensions et d’obtenir un portrait de la dynamique motivationnelle des cliniciens-enseignants répondants.

Analyses croisées

Afin d’investiguer davantage les résultats descriptifs, des croisements ont été réalisées avec les données sociodémographiques recueillies dans la deuxième section du questionnaire. Les calculs ont été interprétés en recourant au test t de Student et aux tests de Chi2, de corrélation de Pearson ou de Fisher exact, selon les conditions d’application de chacun des tests. Le seuil de signification de la valeur de p a été fixé à 0,05.

Analyse qualitative

La question ouverte « À votre avis d’après votre expérience en enseignement, quelles solutions pourriez-vous proposer pour motiver les enseignants à suivre le développement de la pédagogie médicale ? » servait à sonder les idées concernant la motivation qui ne seraient pas prises en compte par l’instrument de mesure. L’analyse des données qualitatives des réponses à la question ouverte a été effectuée par la méthode d’analyse de contenu manifeste. Le contenu manifeste est « ce qui est dit ou écrit explicitement dans le texte », en opposition au contenu latent, « qui réfère à l’implicite, à l’inexprimé, au sens caché » [14]. L’analyse de ces réponses a été effectuée manuellement.

Considérations éthiques

En cliquant sur le lien inclus dans le courriel d’invitation, les participants donnaient automatiquement leur consentement à participer au projet de recherche. La confidentialité des données a été assurée par une conservation anonyme stricte des données, accessibles uniquement par la première auteure à l’aide d’un mot de passe. Aucune des données recueillies ne permet l’identification du répondant.

Résultats

Au total, 80 participants (sur un total de 110) ont complété le questionnaire en ligne.

Caractéristiques de l’échantillon

La répartition des répondants selon le sexe n’a pas montré de prédominance d’un sexe (40 femmes et 40 hommes). L’âge moyen des participants était de 39,10 ± 5,97 ans (extrêmes : 24 à 56 ans). La médiane du temps d’expérience en profession médicale était de deux années avec un intervalle interquartile de 1 à 10 ans. Soixante-neuf pour cent des participants sont mariés (n = 55) avec un nombre d’enfants qui varie de 0 à 3 enfants (27 % ont deux enfants). Parmi les participants, 75 % sont des enseignants (n = 60) avec prédominance de professeurs assistants (52,5 % ; n = 42). L’ancienneté des participants en profession médicale était de deux ans (extrêmes : 1 à 10). La figure 2 présente la distribution des répondants selon leurs statuts académiques respectifs.

thumbnail Fig. 2

Distribution des participants à l’étude selon leurs statuts académiques. PA : professeurs assistants ; PAG : professeurs agrégés ; PES : professeurs de l’enseignement supérieur.

Heures de travail

La moyenne des heures de travail en profession médicale était de 36,6 ± 8 heures par semaine. La médiane des heures consacrées au DIU de pédagogie était de deux heures (extrêmes : 1 à 3). par semaine.

Assistance à des séminaires pédagogiques en dehors du DIU de pédagogie médicale

Trente-neuf participants avaient assisté auparavant à des séminaires dédiés à la pédagogie médicale (un séminaire pour 31 % ; n = 11 ; deux ou trois séminaires pour 19 % ; n = 7).

Facteurs incitatifs à l’inscription au DIU de pédagogie médicale

La figure 3 présente la distribution des réponses quant aux facteurs incitatifs rapportés par les répondants. Les résultats qui se démarquent sont l’utilité du DIU (100 % des répondants), l’intérêt pour le contenu (97,5 % des répondants), la possibilité d’améliorer les compétences académiques (96,3 % des répondants) et l’amélioration des perspectives de carrière (95 % des répondants).

thumbnail Fig. 3

Facteurs incitant les enseignants à postuler pour la formation continue en pédagogie médicale (en pourcentage de l’effectif des répondants ayant mentionné chaque facteur). Les participants pouvaient sélectionner plus d’une réponse.

La mesure de la motivation

Les types de motivation

La répartition des types de motivation mesurés sur le continuum d’auto-détermination (échelle de Likert à 7 points) est présentée sur la figure 4.

thumbnail Fig. 4

Distribution des réponses concernant la mesure des différentes composantes de la motivation selon la théorie de l’auto-détermination. L’axe des ordonnées concerne la somme des rangs sur les quatre échelles de Likert pour chaque composante de la motivation ; les chiffres mentionnés dans les petits carrés rouges sont la moyenne. Les mesures rapportées résultent de l’administration du questionnaire de l’échelle de motivation en éducation adapté aux études universitaires − ÉMÉ-U 28. MICO : motivation intrinsèque à la connaissance ; MIAC : motivation intrinsèque à l’accomplissement ; MIST : motivation intrinsèque à la stimulation ; MEID : motivation extrinsèque par régulation identifiée ; MEIN : motivation extrinsèque par régulation introjectée ; MERE : motivation extrinsèque par régulation externe ; AMOT : amotivation. Notons la prédominance de la MICO (moyenne = 5,4 ± 0,9) et de la MIAC (moyenne = 5 ± 1,2), ainsi que les faibles scores de l’amotivation (moyenne = 1,4 ± 0,6).

La motivation selon le locus de contrôle

La théorie de l’auto-détermination propose deux sources de motivation : autonome (locus interne à l’individu : MICO, MISR, MIAC et MEID) et contrôlée (locus externe à l’individu : MEIN et MERE).

Dans notre étude, les moyennes des rangs de réponse sur les échelles de Likert correspondant aux quatre dimensions concernées étaient de 4,8 ± 1 (extrêmes : 2,9 et 6,7) pour la motivation autonome et de 3,6 ± 1,3 (extrêmes : 1,7 et 6) pour la motivation contrôlée (Tab. II).

Tableau II

La motivation selon le locus de contrôle.

L’analyse des corrélations entre les composantes motivationnelles

L’analyse des corrélations a été effectuée en fonction des composantes motivationnelles dégagées par l’analyse de composante principale (Tab. III).

Tableau III

Corrélation entre les différentes composantes motivationnelles.

Croisements entre données sociodémographiques et dimensions de la motivation

Relation entre le sexe et les types de motivations

Le tableau IV montre des différences significatives concernant l’amotivation entre les sexes féminin et masculin : les hommes sont plus amotivés. Toutefois, les résultats comparant le locus de contrôle entre hommes et femmes ne sont pas significatifs (Tab. V).

Tableau IV

Contraste entre le sexe et les types de motivation.

Tableau V

Relation entre le sexe et la motivation autonome et contrôlée.

Relation entre le statut de l’enseignant et les types de motivations

Il n’existe pas de différence statistiquement significative entre les différents scores de motivation selon le grade de l’enseignant (Tab. VI).

Tableau VI

Relation entre le statut de l’enseignant et les types de motivation.

Relation entre l’âge et les types de motivations

L’âge est statistiquement corrélé à la motivation externe à type de MICO, MIST, MEID et motivation autonome (Tab. VII). Cette corrélation est faible et négative. Cela signifie que quand l’âge augmente la motivation externe et la motivation autonome diminuent.

Tableau VII

Relation entre l’âge et les types de motivation à suivre le diplôme interuniversitaires de pédagogie médicale.

Croisement entre statut de l’enseignant avec des facteurs incitatifs à suivre le DIU en pédagogie médicale

Il existe une différence statistiquement significative entre les facteurs incitatifs selon le grade de l’enseignant (Tab. VIII).

Tableau VIII

Relation entre grade de l’enseignant avec des facteurs incitatifs à suivre le diplôme interuniversitaires de pédagogie médicale.

Analyse des réponses de nature quantitative

Vingt-trois répondants (36 %) ont fourni des réponses à la question ouverte. Les cinq énoncés qui suivent résument les idées exprimées :

  • le DIU de la pédagogie médicale doit être une formation obligatoire pour tous les enseignants ;

  • les séminaires dédiés à la pédagogie médicale doivent être programmées tout au long de l’année universitaire ;

  • l’échange inter-universitaire national et international des expériences en pédagogie médicale et encourager les publications dans ce domaine ;

  • l’évaluation des enseignants dans leur pratique en pédagogie médicale ;

  • l’organisation d’un congrès de pédagogie médicale de façon annuelle.

Discussion

Le travail enseignant, par sa nature et par son contexte d’exercice, incite le personnel à s’engager activement dans son développement professoral ainsi que professionnel. Ainsi, soutenir le personnel enseignant dans sa démarche d’apprentissage professionnel peut influencer positivement son engagement dans l’exercice de sa profession et contribuer à améliorer la qualité de l’enseignement et de l’apprentissage [1].

Les déterminants de la motivation tant au niveau du contexte des études qu’au niveau de la situation de l’activité pédagogique se situent dans les perceptions des apprenants. Au niveau contextuel, la motivation est qualifiée et quantifiée selon un continuum (motivation intrinsèque, motivation extrinsèque, amotivation) alors qu’au niveau situationnel, ce sont les perceptions qui nous servent d’indicateurs quantitatifs influençant l’engagement cognitif et la persévérance.

Type de motivation

Dans notre étude, au regard des mesures rapportées, la motivation autonome est plus élevée que la motivation contrôlée. Ainsi, une très grande majorité des participants indiquent souhaiter poursuivre des études avancées pour le plaisir de découvrir des choses jamais vues auparavant et une majorité significative pour approfondir leurs connaissances en pédagogie médicale. La plupart d’entre eux se sont engagés dans le DIU pour le plaisir et pour la satisfaction personnelle liée à la recherche de l’excellence dans leur profession. Seul un tiers des participants justifie l’inscription au DIU de pédagogie par des éléments externes de motivation, liés à la contrepartie espérée de pouvoir décrocher la titularisation et l’agrégation plus tard. Enfin, le nombre de répondants amotivés, n’identifiant aucune raison valable pour persévérer dans le programme du DIU, est anecdotique.

Par ailleurs, les motivations autonome et contrôlée sont distribuées de façon égale dans les deux sexes, alors que pourtant, Ferguson et al. [15] ainsi que Yates et al. [16] postulaient que le caractère intrinsèque de la motivation était plus souvent observé chez les femmes.

Implications pédagogiques de la théorie de l’auto-détermination

Les recherches prenant pour cadre la théorie de l’auto-détermination sont nombreuses dans beaucoup de domaines autres que l’enseignement médical et elles indiquent une corrélation entre le degré d’autodétermination et la performance. Dans l’enseignement général, Grolnick [17] a trouvé une relation positive entre la motivation autonome des enfants pour l’apprentissage, le degré de performance et les rapports avec les enseignants. Black et Deci [18] ont montré que les étudiants d’université qui ont une motivation plus auto-déterminée apprécient plus les cours et ont de meilleures notes que ceux dont la motivation est plus contrôlée. Dans l’enseignement médical, Sobral [19] rapportait qu’un niveau élevé de motivation autonome est positivement corrélé à la réussite universitaire ainsi qu’a plus d’implication dans l’apprentissage.

Grolnick et Ryan [20] ainsi que McGraw et McCullers [21] estimaient que la motivation autonome était associée à des performances accrues pour des tâches relativement complexes. Dans ce sens, Baard et al. suggéraient que la motivation intrinsèque induit une meilleure performance sur des tâches qui sont intéressantes, alors que la motivation extrinsèque autonome (MEID) suscite une meilleure performance sur des tâches qui ne sont pas intéressantes, mais plutôt importantes et qui nécessitent de la discipline et de la détermination [22]. Dans le même ordre d’idées, Losier et Koestner estimaient que la MEID peut s’avérer utile pour susciter un certain gain de performance dans les tâches qui ne sont ni importantes ni intéressantes mais qui doivent tout de même être réalisées [23]. Il apparaît donc clairement que la motivation autonome est un facteur important de réussite académique. Ainsi, les apprenants dont l’enseignant encourage l’autonomie montrent une plus forte motivation à faire une activité dans le but d’acquérir de nouvelles compétences, et ont une motivation intrinsèque pour des apprentissages plus exigeants. Ils apparaissent également plus engagés dans leurs tâches, réussissent mieux, comprennent mieux les concepts et persistent davantage dans leurs études, comparativement aux autres, dans le cadre d’un enseignant plus directif [24,25].

À la Faculté de médecine de Marrakech, le DIU de pédagogie médicale est basé sur des séances d’apprentissage au raisonnement ainsi que des séances de jeu de rôles et de pratique, afin de favoriser chez les apprenants l’acquisition d’une autonomie vis-à-vis de la pratique pédagogique. Cette autonomie est indispensable pour l’acquisition de nouvelles connaissances et favorise la perception par l’apprenant des liens existant entre les connaissances théoriques et pratiques, et de la pertinence du cours pour sa formation professorale en pédagogie médicale [26].

Limites de notre étude

Bien que la validité et la fidélité de l’instrument de mesure aient été validées, les données recueillies pourraient être biaisées par le phénomène de désirabilité sociale [27]. L’échantillon est composé de personnes ayant déjà choisi de s’inscrire au diplôme de pédagogie. De plus, ils savent que les chercheurs sont des enseignants de leur faculté. Ces considérations peuvent avoir influencé leurs réponses. Cependant, les énoncés du questionnaire étaient clairs et directs et le positionnement sur l’échelle de Likert permettait de refléter des perceptions très personnelles et indépendantes en lien avec leur projet de formation. En ce sens, nous considérons que les résultats produits sont suffisamment robustes pour être pris en compte dans la réflexion à conduire sur les futures stratégies de développement professoral dans notre institution et, sans doute, dans d’autres facultés caractérisées par des éléments contextuels comparables.

Conclusion

De nombreux chercheurs et responsables académiques se sont intéressé au développement professoral des enseignants en s’interrogeant d’abord sur le continu des activités de formation pédagogique et sur la manière de le dispenser. Or, la motivation est probablement le facteur le plus important sur lequel les responsables académiques devraient se pencher afin d’améliorer la qualité de l’enseignement. Une meilleure compréhension des déterminants et des indicateurs de la motivation pourrait permettre, dans une certaine mesure, d’améliorer la formation des apprenants. Nos résultats indiquent que la motivation autonome est le type de motivation prédominant chez les cliniciens-enseignants.

Ce travail de recherche contribue à notre compréhension de la dynamique motivationnelle qui pousse des cliniciens à initier un processus de formation professorale afin de devenir des cliniciens-enseignants. Nos résultats semblent indiquer que bien au-delà des récompenses liées à une statut ou titularisation, les cliniciens entament le développement professoral parce qu’ils s’intéressent à la pédagogie et parce qu’ils sont conscients de l’importance de bien former de nouveaux collègues.

Contributions

Soukaina Wakrim a participé à la problématisation de l’étude, à la recherche documentaire et à la rédaction du manuscrit. Laila Lahlou a participé à l’analyse statistique des données. Radia Chakiri a participé à la relecture critique du manuscrit. Mohamed Bousakraoui a participé à la correction et à la validation du manuscrit.

Liens d’intérêts

Aucun auteur ne déclare de conflit d’intérêts en lien avec le contenu de cet article.

Approbation éthique

Non sollicitée car sans objet.

Références

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Citation de l’article : Wakrim S, Lahlou L, Chakiri R, Bouskraoui M. Motivation à enseigner : enquête auprès des participants du diplôme inter-universitaire en pédagogie médicale de la Faculté de médecine et de pharmacie de Marrakech. Pédagogie Médicale 2022:23;193-203

Liste des tableaux

Tableau I

Composition des items de l’échelle de motivation en éducation adapté aux études universitaires (ÉMÉ-U 28).

Tableau II

La motivation selon le locus de contrôle.

Tableau III

Corrélation entre les différentes composantes motivationnelles.

Tableau IV

Contraste entre le sexe et les types de motivation.

Tableau V

Relation entre le sexe et la motivation autonome et contrôlée.

Tableau VI

Relation entre le statut de l’enseignant et les types de motivation.

Tableau VII

Relation entre l’âge et les types de motivation à suivre le diplôme interuniversitaires de pédagogie médicale.

Tableau VIII

Relation entre grade de l’enseignant avec des facteurs incitatifs à suivre le diplôme interuniversitaires de pédagogie médicale.

Liste des figures

thumbnail Fig. 1

Le continuum d’auto-détermination, avec les formes de motivation, les styles de régulation et les locus de causalité. Adapté de Ryan et Deci [6].

Dans le texte
thumbnail Fig. 2

Distribution des participants à l’étude selon leurs statuts académiques. PA : professeurs assistants ; PAG : professeurs agrégés ; PES : professeurs de l’enseignement supérieur.

Dans le texte
thumbnail Fig. 3

Facteurs incitant les enseignants à postuler pour la formation continue en pédagogie médicale (en pourcentage de l’effectif des répondants ayant mentionné chaque facteur). Les participants pouvaient sélectionner plus d’une réponse.

Dans le texte
thumbnail Fig. 4

Distribution des réponses concernant la mesure des différentes composantes de la motivation selon la théorie de l’auto-détermination. L’axe des ordonnées concerne la somme des rangs sur les quatre échelles de Likert pour chaque composante de la motivation ; les chiffres mentionnés dans les petits carrés rouges sont la moyenne. Les mesures rapportées résultent de l’administration du questionnaire de l’échelle de motivation en éducation adapté aux études universitaires − ÉMÉ-U 28. MICO : motivation intrinsèque à la connaissance ; MIAC : motivation intrinsèque à l’accomplissement ; MIST : motivation intrinsèque à la stimulation ; MEID : motivation extrinsèque par régulation identifiée ; MEIN : motivation extrinsèque par régulation introjectée ; MERE : motivation extrinsèque par régulation externe ; AMOT : amotivation. Notons la prédominance de la MICO (moyenne = 5,4 ± 0,9) et de la MIAC (moyenne = 5 ± 1,2), ainsi que les faibles scores de l’amotivation (moyenne = 1,4 ± 0,6).

Dans le texte

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