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Numéro
Pédagogie Médicale
Volume 19, Numéro 2, Mai 2018
Page(s) 65 - 76
Section Recherche et Perspectives
DOI https://doi.org/10.1051/pmed/2019013
Publié en ligne 17 juillet 2019

© EDP Sciences / Société Internationale Francophone d’Education Médicale, 2019

Introduction

Contexte et problématique

Quelle que soit la profession exercée, les professionnels concernés sont amenés à prendre des décisions. Dans le domaine de la santé, ces choix concernent par exemple la sélection d’un traitement ou d’un mode d’intervention [1,2]. Certains de ces choix peuvent être faits par une personne seule (p.ex. : valider une ordonnance d’antalgique de palier I chez un patient adulte sans comorbidité) tandis que d’autres sont plus complexes et doivent être faits de façon multidisciplinaire (p.ex. : choix de traitement pour traiter des pathologies malignes en hématologie).

Les programmes de formation des professionnels de la santé ont évolué, en intégrant de plus en plus de connaissances compte tenu des progrès de la science, mais également des compétences [3]. Toutefois, nous ne disposons pas de données quant à la place donnée à la dynamique des choix dans le cadre de ces programmes de formation [4]. En dépit de ces changements, on soupçonne qu’un certain nombre de cliniciens ne se sentent pas forcément très à l’aise pour prendre des décisions quand il existe plusieurs options, par exemple au regard d’un grand niveau d’incertitude, de coûts élevés ou d’impacts imprévisibles [57].

Pour devenir pharmacien au Québec, une formation de quatre ans est nécessaire (doctorat professionnel de 1e cycle, Pharm. D.). Cette formation est composée de six modules : le médicament et l’homme, le médicament et la société, les laboratoires, le projet d’intégration et de collaboration, des stages et des cours à option. En dehors de deux stages obligatoires de quatre semaines en première et en deuxième années, l’étudiant est formé par le biais de cours magistraux, de cours en petits groupes, de cours en auto-apprentissage, de laboratoires de pratique professionnelle. La quatrième année ne comporte que des stages en milieu de pratique incluant l’officine, l’hôpital, un stage à thématique optionnelle et un stage d’intégration [8]. Pour être pharmacien en établissement de santé, le diplôme de pharmacien doit être complété par une maîtrise en pharmacothérapie avancée qui s’obtient en 16 mois. Les étudiants inscrits à cette maîtrise sont appelés résidents ; ils sont l’équivalent des internes en pharmacie en France. Comme le doctorat de premier cycle, la maîtrise en pharmacothérapie avancée est pratique, avec quatre mois d’enseignements théoriques suivis de 12 mois de stages en milieu hospitalier [9].

Objectifs

L’intention générale de la présente étude est de recueillir des informations visant à mieux préparer les étudiants en pharmacie à faire des choix dans le cadre de l’exercice de leur profession. L’objectif principal est d’évaluer la perception du niveau d’aisance d’une cohorte d’étudiants en pharmacie exposés à un dispositif didactique contextualisé organisé en 10 étapes, portant sur l’analyse et la délivrance d’un nouveau médicament à l’hôpital. L’objectif secondaire est d’évaluer les perceptions des étudiants en ce qui concerne leur formation entourant la prise de décision.

Méthodes

Il s’agit d’une étude descriptive transversale. L’étude cible une population d’étudiants en pharmacie dans le cadre d’un cours de troisième année de doctorat professionnel en pharmacie, à la Faculté de pharmacie de l’Université de Montréal. Il n’existe pas de groupe contrôle. Les étudiants de troisième année ont effectué et validé un stage de quatre semaines en pharmacie d’officine en première année et un stage en pratique hospitalière en deuxième année. Outre les cours théoriques, le programme comporte plusieurs activités de laboratoire incluant des ateliers de validation d’ordonnances, préalablement à la tenue de ce dispositif didactique contextualisé. En outre, de nombreux étudiants travaillent en assistance-technique en pharmacie pendant leur temps libre.

Afin de répondre aux deux objectifs, cette étude recourt à deux outils : d’une part un dispositif didactique, d’autre part un questionnaire d’évaluation.

Le dispositif didactique

Il s’agit d’un dispositif didactique contextualisé à type de situation-problème scénarisée en 10 étapes, présentée comme un « cas clinique » répondant globalement aux formats de type « Patient Management Problem » [10] ou « Sequential Management Problem » [11], tels qu’ils sont décrits dans la littérature.

Les 10 étapes ont été définies à partir d’une séance de remue-méninges et de travaux préliminaires [12,13] comme correspondant aux étapes vraisemblables d’un processus de validation d’une ordonnance d’un nouveau médicament (Rx A) et d’activités complémentaires pour une maladie théorique (ABCD). Nos travaux ont été partagés avec l’autorité réglementaire qui s’en est inspiré pour la production de son guide d’application des standards de pratique [14]. De plus, un autre médicament a également été introduit dans le dispositif didactique contextualisé (Rx B). Pour chaque étape, des informations sont données (p.ex. : le prix du médicament ou l’existence d’effets indésirables). Chaque étape se termine par une action concrète applicable à l’étudiant en pharmacie. Il faut noter que les étapes 1 à 8 portent sur un cas type qui progresse dans le temps, tandis que les étapes 9 et 10 portent sur des situations complémentaires au cas patient présenté. Seules des informations sous forme de texte sont données (Annexe 1). Les étudiants ont accès à ces informations et répondent aux questions via un ordinateur. Ils doivent répondre au dispositif didactique contextualisé en se projetant comme pharmacien-résident, autorisé à réaliser l’action légalement.

Les étudiants doivent évaluer leur niveau d’aisance selon cinq paramètres en lien avec l’action professionnelle concernée : l’efficacité du médicament, l’innocuité du médicament, le coût du médicament, la conformité aux règles en vigueur et l’aisance à réaliser l’action proposée, ressentie de façon générale. Ils doivent donc évaluer 50 fois leur niveau d’aisance sur l’ensemble du dispositif didactique contextualisé. Afin d’évaluer ces niveaux d’aisance, une échelle discrète de 1 à 10 a été utilisée, 1 signifiant « je ne suis pas du tout à l’aise », 5 signifiant « je suis plus ou moins à l’aise », 10 signifiant « je suis totalement à l’aise » ; la mention NSP (ne sais pas) permet à l’étudiant d’indiquer qu’il ne sait pas répondre à cette question. Aucune indication supplémentaire n’était donnée sur la manière dont les étudiants devaient évaluer leur niveau d’aisance.

Afin d’analyser le niveau d’aisance, nous avons choisi de regrouper les réponses proposées en trois catégories : pas à l’aise (choix NSP, 1, 2, 3), moyennement à l’aise (choix 4, 5, 6), très à l’aise (choix 7, 8, 9, 10). Afin de commenter l’évolution du niveau d’aisance pour chaque étape, nous avons le plus souvent ciblé notre analyse sur la variation du pourcentage de répondants se disant très à l’aise pour un écart absolu d’au moins cinq pour cent entre deux étapes. En outre, nous avons calculé le score moyen pondéré du niveau d’aisance de tous les répondants par étape du dispositif didactique contextualisé, en excluant les réponses NSP de ces calculs.

Le questionnaire d’évaluation

Dans le but de recueillir l’appréciation des étudiants sur leur formation, nous avons identifié des énoncés entourant la formation à la prise de décision. Une échelle de Likert à cinq choix a été retenue (très en accord, plutôt en accord, plutôt en désaccord, très en désaccord, ne sais pas). Aux fins de l’analyse, les résultats ont été regroupés selon deux modes, en accord et en désaccord.

Déroulement

Les règles de participation sont présentées en classe. L’ensemble de l’étude (informations données et collecte des réponses) est réalisé via un outil de collecte en ligne (SurveyMonkey, Palo Alto (CA), USA). Tous les étudiants sont tenus d’utiliser leur ordinateur pour participer au dispositif didactique contextualisé de façon individuelle. Au terme de la période d’enseignement qui suit, (c’est à dire la semaine suivante), une rétroaction et un débriefing sont menés en grande classe, à partir de la présentation des résultats obtenus qui sont commentés.

Les étudiants n’ont pas la possibilité de passer à une question sans avoir répondu à la précédente. Ils n’ont pas non plus l’autorisation de communiquer entre eux. Le temps requis pour répondre à l’ensemble des questions (dispositif didactique contextualisé et questionnaire sur la formation à la prise de décision) est estimé à environ 20 minutes.

L’ensemble du dispositif didactique contextualisé a été pré-testé sur un échantillon de quatre internes en pharmacie français afin de vérifier la clarté des énoncés et la fluidité du dispositif didactique contextualisé. Des modifications mineures ont été apportées aux énoncés afin de clarifier le tout.

Seules des statistiques descriptives ont été effectuées.

Résultats

Cent soixante-seize répondants au total ont fourni des réponses complètes et exploitables (taux de participation : 95 %, 176/185).

Le tableau I présente la répartition des niveaux d’aisance par paramètre pour les 10 étapes du dispositif didactique contextualisé.

Les pourcentages de répondants par catégorie sont variables : 14 % à 74 % pour les étudiants qui ne sont pas à l’aise, 21 % à 54 % pour les étudiants qui sont moyennement à l’aise et 2 % à 51 % pour les étudiants qui sont très à l’aise.

Le tableau II et la figure 1 présentent le niveau d’aisance moyen par paramètre pour les 10 étapes du dispositif didactique contextualisé. Le niveau d’aisance médian sur l’ensemble du dispositif didactique contextualisé est 4,1 (minimum 2,6 à l’étape 7 pour la conformité aux règles ; maximum 6,2 aux étapes 1 et 6 pour l’efficacité).

Les répondants rapportent avoir déjà été confrontés à une ordonnance non raisonnable (c’est à dire pour laquelle ils avaient des doutes quant à l’efficacité, l’innocuité, le rapport coût/avantage ou la conformité par rapport aux règles en vigueur) dans des proportions très variables : jamais (26,7 %), moins de 10 fois (54,5 %), de 10 à 100 fois (18,8 %), plus de 100 fois (0 %). Le tableau III présente les autres perceptions des répondants quant à la formation reçue. Dans un contexte clinique, 74 % des étudiants se trouvent adéquatement formés pour évaluer l’efficacité d’un médicament, 69 % se trouvent adéquatement formés pour évaluer la sécurité d’un médicament, 45 % se trouvent adéquatement formés pour évaluer le rapport coût/efficacité d’un médicament et 78 % se trouvent adéquatement formés pour évaluer si une ordonnance est conforme aux règles en vigueur ; 62 % se sentent outillés pour refuser la délivrance d’un médicament à un patient ; 61 % pensent que quand deux thérapies d’efficacité équivalente existent, le prix doit être le critère de choix et 84 % pensent que l’enseignement de la pharmacothérapie devrait inclure systématiquement une mise en contexte des coûts associés aux différentes approches thérapeutiques.

Tableau I

Répartition des niveaux d’aisance par dimension pour les 10 étapes du dispositif didactique contextualisé.

Tableau II

Niveau d’aisance moyen des étudiants au regard de chaque paramètre situationnel pour les 10 étapes (E) du dispositif didactique contextualisé.

thumbnail Fig. 1

Niveau d’aisance moyen au regard de chaque paramètre situationnel pour les 10 étapes explorées dans le cadre du dispositif didactique contextualisé.

Tableau III

Perceptions des répondants quant à la formation reçue.

Discussion

À notre connaissance, il s’agit de la première expérience de ce type, utilisant un dispositif didactique contextualisé pour apprécier le niveau d’aisance d’un étudiant en troisième année de pharmacie vis-à-vis de la validation d’ordonnances pharmaceutiques au Québec. Ce dispositif didactique contextualisé d’une vingtaine de minutes expose l’étudiant à 10 étapes vraisemblables entourant la validation d’une ordonnance d’un nouveau médicament (Rx A) et d’activités complémentaires pour une maladie théorique (ABCD). En ce qui concerne le profil du niveau d’aisance par catégories et par étapes, la proportion de répondants très à l’aise ne dépasse 50 % qu’une seule fois sur 50 (à l’étape 6 pour l’efficacité). Il est raisonnable qu’une minorité d’étudiants en troisième année de pharmacie se sente très à l’aise de procéder à la validation d’une ordonnance et sa délivrance compte tenu de leur formation et du caractère théorique du dispositif didactique contextualisé. En revanche, la proportion d’étudiants non à l’aise dépasse les 50 % 16 fois sur 50 : une fois pour l’efficacité, une fois pour l’innocuité, huit fois pour le coût, trois fois pour la conformité aux règles et trois fois pour le niveau global d’aisance. Ces données suggèrent un inconfort relatif à la dimension économique de la situation simulée. L’inconfort relatif par rapport à la prise en compte du prix des médicaments est aussi retrouvé dans des études faites chez des médecins [15,16].

Contrairement à ce qui est attendu dans d’autres dispositifs, il n’y avait ici généralement pas de bonne ou de mauvaise réponse [17]. Les niveaux d’aisance plutôt bas ne sont pas le reflet d’un manque de connaissances. En effet, ce dispositif didactique contextualisé n’a pas été conçu de manière à vérifier que les étudiants avaient acquis des connaissances précises. C’est pour cette raison qu’il a été décidé de créer à la fois un médicament fictif et une pathologie fictive. Cela a permis de mettre les étudiants sur un pied d’égalité sans mettre plus à l’aise ceux qui connaissaient le médicament ou la pathologie.

À l’étape 1, un total de 46 % des répondants se dit à l’aise (très à l’aise) pour réaliser l’action en ce qui concerne l’efficacité. Cette proportion pourrait être plus élevée considérant que le Rx A est approuvé aux États-Unis et qu’il est indiqué pour la maladie ABCD. Toutefois, le patient visé par le dispositif didactique contextualisé présente une forme ABCD-like en répondant à quatre des cinq critères diagnostiques. Sans surprise, seulement 11 % des répondants se disent à l’aise en ce qui concerne l’innocuité compte tenu du risque de nombreux effets indésirables évoqué incluant des dyscrasies sanguines imprévisibles et des hypotensions. Un total de 15 % des répondants se dit à l’aise en ce qui concerne le coût alors qu’aucune mention relative au prix n’est évoquée à la première étape. Un total de 39 % des répondants se dit à l’aise en ce qui concerne la conformité aux règles. Il s’agit de la première étape et les participants ont peu d’expérience de terrain et sont probablement déstabilisés par l’utilisation d’un dispositif didactique contextualisé pour évaluer leur niveau d’aisance. Enfin, 29 % se disent à l’aise de façon générale, ce qui constitue le point de départ de notre dispositif didactique contextualisé.

À l’étape 2, le principal élément d’information modifié informe le participant que le médicament doit être obtenu via le programme d’accès spécial, une procédure particulière d’importation au Canada qui constitue un mécanisme d’exception dans le circuit du médicament. De façon surprenante, le niveau d’aisance passe de 46 % à 36 % en ce qui concerne l’efficacité du médicament, sans nouvelle donnée, tandis que le niveau d’aisance vis-à-vis de l’innocuité du médicament passe de 11 % à 15 %. Le niveau d’aisance demeure inchangé pour les coûts (15 % vs. 14 %). Par contre, le niveau d’aisance entourant la conformité aux règles baisse (de 39 % à 8 %) ainsi que le niveau d’aisance globale (29 % vs. 9 %). Ainsi, deux facteurs contribuent à la baisse du niveau d’aisance ; en l’occurrence, il s’agit de la mention du recours à une procédure d’exception ou la demande du médecin de faire signer le formulaire par le pharmacien à sa place. De façon générale, les cliniciens détestent les mesures administratives de contraintes visant à justifier leur conduite clinique [18,19]. De plus, le recours à des ressources non-médicales lors de ces procédures n’offre pas forcément de meilleure issue [20]. Il est important que les contraintes administratives appliquées à la sélection et l’encadrement de l’utilisation des médicaments soient pleinement justifiées [21].

À l’étape 3, le principal élément d’information ajouté est la nécessité d’ajuster la dose du Rx A en tenant compte de l’interaction avec le Rx B. L’étape propose d’ajuster la dose du Rx A à la baisse, de documenter l’ajustement dans le dossier du patient et d’aviser le médecin. Ainsi, l’élément proposé ne fait pas varier le niveau d’aisance pour l’efficacité (36 % à l’étape 2 vs. 35 % à l’étape 3), pour l’innocuité (15 % vs. 18 %) et pour le coût (14 % à l’étape 2 vs. 16 %). De façon logique, le niveau d’aisance pour la conformité aux règles retourne au niveau de base (39 % à l’étape 1 vs. 39 % à l’étape 3). Le niveau d’aisance globale atteint son seuil le plus élevé du dispositif didactique contextualisé à 39 %.

À l’étape 4, trois éléments d’information sont proposés, soit la nécessité de remplir une demande de justification hors-formulaire, l’existence de refus pour des demandes antérieures de Rx A à cause d’une efficacité marginale pour le type 1 de la maladie ABCD et la présence d’une offre de gratuité du fabricant pour les premiers mois de traitement. L’existence de refus pour des manques de justification de l’efficacité entraine une baisse du niveau d’aisance pour l’efficacité (35 % à l’étape 3 vs. 21 %). En absence de nouvelles informations sur l’innocuité, le niveau d’aisance pour l’innocuité est similaire au niveau de base (11 % à l’étape 1 vs. 12 %). Le fait que les premiers mois de traitement soient gratuits entraîne une légère augmentation du niveau d’aisance en ce qui concerne le coût (16 % à l’étape 3 vs. 25 %). Il faut noter que le prix réel d’acquisition du Rx A est encore inconnu. La mention de refus lié à l’incapacité de justifier l’utilisation pour d’autres patients inquiète les répondants et réduit leur niveau d’aisance en ce qui concerne la conformité aux règles (19 %). Le fait de remplir le formulaire devrait accroître la conformité car cette procédure est requise pour accéder aux médicaments. Toutefois, le fait que des demandes aient été refusées peut contribuer à réduire l’aisance, les étudiants anticipant un refus à leur propre démarche. En outre, le niveau d’aisance globale demeure bas (19 %).

À l’étape 5, quatre éléments d’information sont proposés ; ils concernent respectivement le fait que le patient n’est pas éligible au programme compassionnel, que le coût estimé pour 12 mois de traitement est de 145 000 $ CAD, que la décision de traiter revient au personnel de l’hôpital et qu’une fois ce traitement instauré, il sera très difficile de l’arrêter par la suite. La non éligibilité au programme compassionnel et le coût estimé à 145 000 $ CAD pour 12 mois de traitement entrainent une forte baisse du niveau d’aisance en ce qui concerne le coût (25 % à l’étape 4 vs. 7 %). Le niveau d’aisance chute pour l’innocuité (12 % vs. 6 %), la conformité aux règles (19 % vs. 10 %) et de façon générale (19 % vs. 14 %) à l’exception de l’efficacité (21 % vs. 29 %).

À l’étape 6, cinq éléments d’information sont proposés ; ils concernent respectivement le fait que le patient s’améliore, qu’il a eu quelques épisodes d’hypotension dont le médecin n’a toutefois pas entendu parler, qu’il y a un décès attribué au Rx A dans un autre centre, qu’il faut utiliser le formulaire de suivi et que le médecin refuse de changer de traitement. L’amélioration de l’état de santé du patient entraine une augmentation du niveau d’aisance en ce qui concerne l’efficacité pour atteindre son seuil le plus élevé du dispositif didactique contextualisé (29 % à l’étape 5 vs. 51 %).

À l’étape 7, cinq éléments d’information sont proposés ; ils concernent respectivement le fait que le Rx A doit être conservé entre 4 et 8 °C, qu’une dose coûte environ 12 000 $ CAD, que le patient habite à plus de six heures de route de l’hôpital, que la température actuelle du réfrigérateur est de 13 °C et qu’elle dépasse le seuil maximal de huit degrés Celsius, qu’il n’y a pas de registre de température en continu et que le fabricant n’a pas de données de stabilité pour la conservation du Rx A en dehors d’un réfrigérateur. La température du réfrigérateur à 13 °C et l’absence de données de stabilité hors réfrigérateur entrainent à la fois une baisse du niveau d’aisance en ce qui concerne l’efficacité (51 % à l’étape 6 vs. 6 %) et l’innocuité (11 % à l’étape 6 vs. 5 %). L’élément d’information en ce qui concerne le coût est en fait similaire à ce qui est proposé en combinant les éléments d’information des étapes 1 et 5 (le pharmacien affecté à la distribution reçoit une ordonnance pour une dose par mois à l’étape 1, le coût estimé pour 12 mois de traitement est de 145 000 $ CAD à l’étape 5 et une dose coûte environ 12 000 $ CAD à l’étape 7). À cette étape on atteint les seuils les plus bas du dispositif didactique contextualisé pour le niveau d’aisance en ce qui concerne l’efficacité (6 %), l’innocuité (5 %), la conformité aux règles (2 %) et l’aisance globale (7 %).

À l’étape 8, deux éléments d’information sont proposés ; ils concernent respectivement le fait qu’une revue de littérature confirme que le traitement est indiqué pour le type 1 de la maladie mais que les données probantes sont très limitées, que le médecin veut définitivement continuer le traitement compte tenu du risque de poursuite du patient en cas d’arrêt. Il y a une légère augmentation du niveau d’aisance en ce qui concerne l’efficacité (13 %) par rapport l’étape précédente mais une diminution par rapport aux étapes 1 à 6. En l’absence de nouvelles données en ce qui concerne l’innocuité et le coût, les niveaux d’aisance sont similaires à ceux observés respectivement aux étapes 6 et 7 (innocuité : 11 % à l’étape 6 vs. 9 % ; coût : 14 % à l’étape 7 vs. 8 %). Les niveaux d’aisance en ce qui concerne la conformité aux règles et l’aisance globale reviennent à des valeurs similaires à celles de l’étape 5 (conformité aux règles : 10 % à l’étape 5 vs. 11 % ; aisance globale : 14 % vs. 12 %).

Les étapes 9 et 10 élargissent le débat à d’autres patients et intègrent un nouvel élément situationnel lié à la nomination comme chef de département, en ciblant des actions relatives au Rx A. Des gains sont notés au niveau de l’aisance par rapport à chaque paramètre par rapport à l’étape 7 mais ces niveaux n’atteignent pas les valeurs notées jusqu’à l’étape 6.

Le niveau d’aisance médian sur l’ensemble du dispositif didactique contextualisé est de 4,1 (minimum 2,6 à l’étape 7 pour la conformité aux règles ; maximum 6,2 aux étapes 1 et 6 pour l’efficacité). On note un score moyen d’aisance plus élevé pour l’efficacité que pour l’innocuité et le coût. Il existe généralement davantage d’incertitude entourant les effets indésirables d’un médicament, particulièrement s’il est commercialisé depuis peu de temps. C’est le cas du médicament qui a été utilisé dans ce dispositif didactique contextualisé. En ce qui concerne le coût, les participants ont exprimé un niveau d’aisance moins élevé, compte tenu des données limitées qui leur sont partagées, mais également compte tenu de leur niveau moins élevé de familiarité vis-à-vis de cette dimension. En effet, au cours des études de pharmacie au Québec, les cours sont axés principalement sur la thérapeutique [8].

Les niveaux d’aisance moyens sont proches pour la conformité aux règles et l’aisance globale. En dehors des étapes 1 et 9, pour lesquelles les différences des niveaux d’aisance moyens relativement à ces deux paramètres sont de 0,5, les différences vont de 0 à 0,3. Cette similitude de résultats fait penser que la conformité aux règles pourrait être une dimension qui influence plus que les autres l’aisance globale des étudiants.

Les réponses NSP sont utilisées quand les étudiants ne savent pas estimer leur niveau d’aisance ; c’est donc qu’ils ne sont pas à l’aise aves les informations qui leur sont données. Le nombre d’utilisations de la réponse NSP est parfois élevé (p.ex. pour l’évaluation de l’aisance vis-à-vis du coût aux étapes 1, 2 et 3). Le fait d’exclure les réponses NSP du calcul des moyennes a notamment pour conséquence de surévaluer le niveau d’aisance moyen des étudiants par rapport à la réalité.

En ce qui concerne la perception des étudiants vis-à-vis de la formation reçue, environ les trois-quarts se disent adéquatement formés pour évaluer l’efficacité et la sécurité d’un médicament tant à partir de la littérature que dans un contexte clinique. De même, une proportion similaire de répondants se dit adéquatement formée pour déterminer si une ordonnance est conforme aux règles en place tant du point de vue théorique que pratique. Toutefois, dès qu’on évoque le rapport coût/efficacité d’un médicament, la proportion d’étudiants se disant adéquatement formés chute à 65 % dans un contexte théorique et à 45 % dans un contexte pratique. Ainsi, 84 % des répondants pensent que l’enseignement de la pharmacothérapie devrait inclure systématiquement une mise en contexte des coûts associés aux différentes approches thérapeutiques. À la fin de ce dispositif didactique contextualisé, plusieurs participants ont d’ailleurs exprimé leur envie d’avoir plus de cours consacrés au coût des traitements. Seuls 61 % pensent que le prix doit être un critère de choix quand il existe deux thérapies d’efficacités équivalentes. Il est en effet important de prendre d’autres facteurs en compte comme l’efficacité du traitement et la qualité de vie du patient.

Il y a des différences importantes entre les niveaux d’aisance retrouvés dans le dispositif didactique contextualisé et l’évaluation de la formation. En effet, les étudiants ne sont généralement pas à l’aise avec les informations du dispositif didactique contextualisé mais s’estiment plutôt bien formés. Ce décalage s’explique entre autres par le fait que les situations du dispositif didactique contextualisé sont parfois loin de la pratique courante. Au cours de leurs études, les étudiants sont formés avant tout à réagir face à des situations classiques. Si le dispositif didactique contextualisé avait inclus uniquement ce type de situations, on peut faire l’hypothèse que les niveaux d’aisance auraient été plus élevés et qu’il y aurait moins eu ce décalage entre les niveaux d’aisance dans le dispositif didactique contextualisé et l’évaluation de la formation.

Les répondants rapportent avoir déjà été confrontés dans leur pratique à une ordonnance non raisonnable dans des proportions très variables : jamais (26,7 %), moins de 10 fois (54,5 %), de 10 à 100 fois (18,8 %), plus de 100 fois (0 %). L’expression « ordonnance non raisonnable » fait référence à des ordonnances qui ont mis les étudiants mal à l’aise, que ça soit par exemple pour une raison d’efficacité, d’innocuité, de rapport coût/avantage ou de conformité aux règles. Il n’est pas possible de définir précisément ce qui est raisonnable car ce concept dépend du point de vue de la personne [13] (p.ex. le prix d’un médicament pourra être jugé raisonnable par un patient mais non raisonnable par l’étudiant). L’objectif de cette question est de faire prendre conscience aux étudiants qu’ils ont déjà pu être confrontés dans la pratique à des ordonnances qu’ils jugent non raisonnables. Les réponses obtenues sont difficilement interprétables, compte tenu du fait qu’on ne sait pas à combien d’ordonnances les résidents ont été confrontés. Ces résultats sont cependant cohérents avec le peu d’expérience des étudiants : ils ont pour la plupart été peu confrontés à des ordonnances, donc ils ont également été peu confrontés à des ordonnances qu’ils jugeaient non raisonnables. Cependant, quelle que soit la proportion que représentent ces ordonnances non raisonnables parmi toutes celles auxquelles ils ont été confrontés, les résidents ont bien conscience que de telles ordonnances existent dans la pratique.

Aucune analyse statistique n’a été faite afin de déterminer si le niveau d’aisance des étudiants augmente au fur et à mesure de l’avancée du dispositif didactique contextualisé. En effet, l’enchaînement des étapes n’a pas été fait de manière à faire progressivement augmenter le niveau d’aisance des étudiants. On ne peut donc pas s’attendre à ce qu’ils expriment des valeurs traduisant des niveaux d’aisance plus élevés à la fin du dispositif didactique contextualisé qu’au début. On peut cependant noter que certains étudiants n’ont jamais choisi une réponse faisant partie de la catégorie « pas à l’aise » (6/176), tandis que d’autres n’ont jamais choisi une réponse de la catégorie « très à l’aise » (16/176). Seul un étudiant n’a jamais choisi une réponse faisant partie de la catégorie « moyennement à l’aise ».

L’ensemble des données recueillies dans le cadre de ce dispositif didactique contextualisé met en évidence la nécessité d’intégrer davantage de données relatives à l’économie de la santé dans la formation des cliniciens incluant les pharmaciens. À notre avis, plusieurs facteurs contribuent à limiter la place donnée à l’économie de la santé en pharmacie. Dans les facultés de pharmacie, la majorité des contenus présentés dans le cadre du doctorat professionnel en pharmacie porte sur la pharmacothérapie [8]. Bien que des enseignements soient dédiés à la législation et au remboursement des médicaments et que des ateliers permettent de comprendre l’ensemble de ces modalités à partir de cas pratiques, l’enseignement de la pharmacothérapie par système évoque peu les considérations économiques. Au Québec, où se déroule ce programme, une majorité des médicaments est remboursée par un tiers payeur public ou privé en vertu des règles du régime général d’assurance médicaments et un plafond maximal annuel d’environ 1000 $ CAD est fixé quel que soit le niveau de consommation de médicaments par patient [22]. Ainsi, pour un prescripteur, le prix des médicaments n’est généralement pas une considération importante si le traitement est remboursé par le régime général d’assurance-médicaments. Pour le pharmacien, le prix est visible et omniprésent dans le cadre de chaque transaction, mais les discussions tenues entre le pharmacien et le patient portent plutôt sur la pharmacothérapie et la contribution de l’usager plutôt qu’à l’ensemble des coûts. Outre le prix du médicament, il faut souligner l’importance de tous les coûts à considérer. Plusieurs médicaments comportent des coûts d’acquisition plus élevés qui peuvent s’accompagner d’économies auprès d’autres ressources (p. ex. : réduction du risque de réhospitalisation, réduction de la durée d’hospitalisation, réduction des effets indésirables, amélioration de l’observance et des résultats de santé). Une véritable analyse du rapport coût/avantage devrait tenir compte de l’ensemble des coûts pour une perspective d’analyse donnée.

Ce dispositif didactique contextualisé a aussi été réalisé auprès de résidents en pharmacie du Québec [23]. On note des réponses similaires pour certaines questions comme à l’étape 5 où 2 % des étudiants de troisième année et 7 % des résidents se sentent très à l’aise vis-à-vis du coût du Rx A. Il existe aussi des différences importantes comme pour l’étape 5 où 8 % des étudiants de troisième année et 29 % des résidents se sentent très à l’aise avec les informations données sur l’efficacité du Rx A. Les niveaux d’aisance face aux situations présentées dans le dispositif didactique contextualisé varient en fonction des connaissances des répondants et de leur nombre d’années de pratique. Compte tenu des informations présentées dans le dispositif didactique contextualisé, le niveau d’aisance ne doit pas systématiquement augmenter en fonction de l’expérience. Par exemple à l’étape 7, un pharmacien expérimenté ne serait probablement pas plus à l’aise que les étudiants vis-à-vis des paramètres d’efficacité et d’innocuité du Rx A après conservation dans de mauvaises conditions de température. Au contraire, de par leur expérience plus grande, des pharmaciens seraient probablement plus à l’aise avec certaines situations. Ce dispositif didactique contextualisé a permis de mettre des étudiants face à des situations auxquelles ils n’avaient encore jamais été confrontés. Ces situations ont été choisies volontairement afin de mettre les étudiants mal à l’aise. Le dispositif didactique contextualisé les aurait en effet moins fait réfléchir s’ils avaient été confrontés à des situations plus classiques.

Si, dans le domaine de la santé, l’objectif d’une simulation ou d’un dispositif didactique contextualisé est généralement d’acquérir des connaissances sur un domaine précis [24,25], l’objectif de ce dispositif didactique contextualisé était différent. Les étudiants ont ici pris conscience de la difficulté de certains choix qu’ils seront amenés à faire dans leur pratique. Dans ce dispositif didactique contextualisé, les participants n’avaient pas la possibilité de communiquer entre eux. Cette absence de possibilité de communication est un facteur qui a pu les mettre mal à l’aise. Il est essentiel que les étudiants apprennent à réagir quand ils sont face à des situations complexes en utilisant au mieux les connaissances qu’ils ont acquises au cours de leurs études mais aussi en sachant reconnaitre que leurs connaissances sont limitées et qu’il peut être nécessaire de discuter de ces situations avec d’autres personnes (p.ex. lors de réunion de concertation pluridisciplinaires).

Ce dispositif didactique contextualisé met en évidence la nécessité d’envisager une intégration plus systématique des aspects relatifs à l’efficacité, l’innocuité, les coûts et d’autres éléments de conformité aux choix dans la formation en santé. Cet objectif est d’autant plus important que l’information fournie par les fabricants de médicaments ne permet pas nécessairement d’atteindre cet objectif [26]. Afin de soutenir les équipes d’enseignants et de tuteurs, il apparaît souhaitable de réfléchir aux stratégies. On peut notamment envisager de partager systématiquement les prix d’acquisition des produits par un tableau comparatif et informatif dans le cadre de chaque enseignement. Outre l’enseignement des principes de pharmacoéconomie déjà enseignés, on peut envisager des discussions de cas impliquant davantage le caractère économique des décisions, en impliquant les étudiants et les amenant à s’exprimer. De plus, d’autres travaux sont nécessaires afin d’explorer les meilleures approches pédagogiques permettant d’y arriver.

Cette étude comporte des limites. Il s’agit d’un premier dispositif didactique contextualisé de ce type réalisé chez des étudiants en pharmacie. En dépit du pré-test effectué, nous avons réalisé qu’aucune des 10 étapes ne permettait d’utiliser pleinement l’échelle de niveau d’aisance proposée (aucune étape n’était clairement concluante en termes d’efficacité, d’innocuité, de coût et de conformité aux règles). Ainsi, un nombre limité de répondants a évoqué un niveau d’aisance élevé et le dispositif didactique contextualisé montre une distribution au centre de l’échelle de mesure. Une version améliorée du dispositif didactique contextualisé devrait permettre de se déplacer plus clairement sur l’échelle pour discriminer davantage le niveau d’aisance des participants. Il serait aussi nécessaire de limiter le nombre d’éléments d’information proposés par étape pour mieux évaluer l’impact qu’une information peut avoir. Comme tout dispositif didactique contextualisé, il est difficile de créer une séquence d’étapes vraisemblables en peu de mots. Certaines étapes manquaient de clarté et les informations ont pu être interprétées de plusieurs façons comme pour l’étape 3, où l’interaction entre le Rx A et le Rx B est présentée mais sans la décrire précisément. Ces différentes interprétations possibles rendent l’analyse des réponses difficile. L’exclusion des réponses NSP des calculs de moyennes et la répartition des réponses en trois catégories qui ne contiennent pas toutes le même nombre de réponses (4 pour la catégorie « pas à l’aise », 3 pour « moyennement à l’aise » et 4 pour « très à l’aise ») tend à surévaluer l’aisance des étudiants. Les réponses données concernant la formation reçue sont probablement biaisées. En effet, ce questionnaire devait être rempli juste après avoir fait le dispositif didactique contextualisé et il est probable que celui-ci ait influencé la manière dont ils perçoivent leur formation, notamment en ce qui concerne le coût. Il aurait été intéressant de leur demander de répondre à ce questionnaire à la fois avant et après le dispositif didactique contextualisé pour voir s’il a un impact sur leurs réponses. Seul un débriefing de groupe a pu être réalisé sous forme de rétroaction lors d’une période d’enseignement subséquente. Bien qu’aucune réponse n’ait été offerte aux questions des participants durant le dispositif didactique contextualisé, certains ont exprimé le désir d’obtenir des précisions avant de se prononcer. Toutefois, en dépit de ces limites, les participants ont apprécié le dispositif didactique contextualisé.

Conclusion

Cette étude descriptive transversale illustre la faisabilité de concevoir et réaliser un dispositif didactique contextualisé en 10 étapes portant sur l’analyse et la dispensation d’un nouveau médicament à partir d’un outil en ligne. En ce qui concerne le dispositif didactique contextualisé, les données recueillies mettent en évidence la capacité de faire varier le niveau d’aisance des répondants à réaliser différentes actions à partir d’éléments d’information. Le dispositif didactique contextualisé permet de sensibiliser les participants au caractère raisonnable des actions à réaliser en pharmacie (p.ex. choisir ou non de valider d’une ordonnance). En ce qui concerne la perception des étudiants vis-à-vis de la formation qu’ils ont reçue, une majorité de répondants se dit assez formée pour évaluer l’efficacité d’un médicament, sa sécurité et la conformité aux règles mais beaucoup moins pour évaluer le coût d’un médicament. Il apparaît utile d’envisager davantage de formation sur la prise de décision incluant le coût en pharmacie.

Contributions

Claire Lambert de Cursay, Denis Lebel et Jean-François Bussières ont participé à l’élaboration du questionnaire, à l’interprétation des résultats et à l’écriture du manuscrit. Tous les auteurs ont approuvé la version finale du manuscrit et assument la responsabilité du contenu.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêts en lien avec le contenu de cet article.

Approbation éthique

Non sollicitée.

Annexe 1 Libellé des 10 étapes du dispositif didactique contextualisé.

Étape 1
La maladie ABCD est une maladie chronique qui comporte 5 critères diagnostiques et 2 présentations cliniques (type 1 et type 2). Certains critères diagnostiques sont controversés et les patients qui n’ont que 4/5 critères portent souvent le diagnostic ABCD-like. Le Rx A (médicament A) est indiqué pour le traitement de la maladie ABCD. Il est nouvellement commercialisé aux États-Unis mais n’est pas commercialisé au Canada. Le Rx A peut causer de nombreux effets indésirables incluant des dyscrasies sanguines imprévisibles (p.ex. pancytopénie) et des hypotensions. Toutes les administrations de doses doivent être faites à l’hôpital. Un pharmacien à la distribution reçoit une ordonnance : Rx A, 500 mg IV perfusé sur 6 h × 1 dose par mois :
     Le patient est atteint de la maladie ABCD-like 1 et est hospitalisé à l’étage pour encore quelques jours ;
     L’ordonnance est conforme à la monographie américaine (FDA) ;
     Il y a un stock suffisant à la pharmacie pour commencer le traitement.
Action : Valider l’ordonnance vers 14:00 pour débuter en soirée le traitement avec le Rx A.
Étape 2
     Le Rx A est disponible via le programme d’accès spécial de Santé Canada (PAS) ;
     Le médecin n’a pas rempli la demande de médicament PAS et demande au pharmacien de la remplir et de la signer en son nom.
Action : Remplir et signer la demande de médicament PAS.
Étape 3
Un collègue pharmacien qui travaille à l’étage où est hospitalisé ce patient contacte le pharmacien et lui fait part d’éléments additionnels suivants :
     Le Rx A interagit avec le Rx B actif au dossier du patient ; compte tenu de cette interaction, la dose du Rx A devrait être réduite de moitié pour éviter une hypotension sévère ;
     L’interaction n’a pas été détectée à la validation informatique à l’étape précédente parce que ce médicament n’est pas commercialisé actuellement au Canada et qu’il ne fait pas partie de la base de données permettant la détection automatisée des interactions médicamenteuses.
Action : Ajuster la dose du Rx A à la baisse, documenter l’ajustement au dossier du patient et aviser le médecin.
Étape 4
Le chef de département de pharmacie contacte le pharmacien sur son téléavertisseur pour l’aviser des éléments suivants :
     Ce médicament n’est pas inscrit à la liste de l’hôpital et une demande de justification hors-formulaire par écrit aurait dû être complétée par le médecin et le pharmacien traitant à l’étage ou même à la distribution ;
     Le chef indique que des ordonnances de ce médicament ont été refusées pour d’autres patients parce que les prescripteurs n’étaient pas en mesure de justifier clairement la pertinence du recours à ce médicament importé d’un autre pays (i.e. efficacité marginale pour le type 1 de la maladie ABCD) ;
     Le médecin a appris que la compagnie offre le Rx A gratuitement pour les premiers mois de traitement grâce à un programme compassionnel.
Action : Remplir la demande de justification hors-formulaire pour les éléments disponibles à la distribution et rejoindre le médecin et l’aviser qu’il doit compléter sans délai le reste de la demande avant que le traitement ne soit amorcé.
Étape 5
La pharmacie reçoit une communication par courriel du fabricant du Rx A qui indique que le patient n’est pas éligible au programme compassionnel car il lui manque un des 5 critères de diagnostic. Le coût estimé pour 12 mois de traitement est de 145 000 $ CAD :
     Comme le médicament n’est pas commercialisé au Canada, il ne peut être évalué par l’INESSS et la décision de traiter revient au personnel de l’hôpital (i.e. au pharmacien qui valide l’ordonnance, au chef du département de pharmacie de l’hôpital qui est responsable de l’approvisionnement et à la direction de l’établissement pour le financement de l’acquisition du Rx A) ;
     En amorçant ce traitement, il sera très difficile de l’arrêter par la suite ;
     Le médecin insiste car des collègues lui ont dit que le médicament avait des effets positifs même chez les patients qui n’avaient pas tous les critères ;
     La famille met beaucoup d’espoir dans ce traitement et vous le rappelle lors de votre rencontre de suivi quotidienne.
Action : Tenter de convaincre le chef de département d’autoriser un essai.
Étape 6
     Après quelques mois de traitement, le patient s’améliore. Il a eu toutefois quelques épisodes d’hypotension dont un qui a contribué à une chute ;
     On apprend un décès attribué au Rx A dans un autre centre ;
     Santé Canada nous envoie cet avis ainsi qu’un rappel d’utiliser le formulaire C (formulaire de suivi) ;
     Le médecin refuse de changer le traitement considérant déjà 2 mois de traitement avec le Rx A, amélioration de l’état clinique et aucun effet indésirable.
Action : Maintien du Rx A et validation à nouveau de l’ordonnance ; transmission du formulaire C complété à Santé Canada.
Étape 7
     Le Rx A doit être conservé entre 4 et 8 °C ;
     Une dose coûte environ 12 000 $ CAD ;
     Le patient est présent pour recevoir une dose de médicament en début de journée ; le patient habite à plus de 6 h de route de l’hôpital ;
     En allant chercher la dose au réfrigérateur, un technicien note sur l’indicateur que la température actuelle du réfrigérateur est de 13 °C ; elle était de 6 °C hier à 16h00 et il n’y a pas de registre en continu (seulement 2 lectures visuelles par jour retranscrites sur un registre) ;
     On contacte le fabricant qui confirme ne pas avoir de données de stabilité hors réfrigérateur pour le Rx A ;
     Si on choisit de commander le médicament, il ne sera disponible que dans 2 jours et le patient devra revenir.
Action : Administrer le Rx A malgré la conservation à plus de 8 °C.
Étape 8
Une série de cas vient d’être publiée avec le Rx A et montre un effet très limité chez les types 1 de la maladie ABCD contre un effet très clair chez les types 2 :
     Quelques mois plus tard, votre chef de département vous invite à discuter du cas (ABCD, type 1) avec le médecin et venir présenter au comité de pharmacologie un état des lieux (i.e. revue de littérature, évolution du cas du patient, efficacité, innocuité, conduite à tenir) ;
     Votre revue de littérature confirme que le traitement est indiqué pour les types 1 et 2 mais les données probantes sont très limitées pour le type 1 ;
     Le médecin veut définitivement continuer le traitement compte tenu du risque de poursuite du patient en cas d’arrêt.
Action : Poursuivre le Rx A.
Étape 9
     On vous apprend que deux autres patients atteints de la maladie ABCD (type 2) ont été diagnostiqués au cours des derniers mois ;
     Compte tenu de leur âge, la dose requise est plus élevée et le coût est d’environ 200 000 $ CAD/patient/an ;
     L’hôpital n’a pas le budget pour traiter les trois cas (i.e. 200 000 $ CAD × 2 + 145 000 $ CAD pour un total 545 000 $ CAD/an) ;
     La direction de l’hôpital demande de prioriser les cas en tenant compte des données probantes et de l’évolution clinique.
Action : Cesser le Rx A au patient de type 1 et ne débuter que pour un des deux patients de type 2 (celui qui a le meilleur pronostic).
Étape 10
Vous devenez chef du département de pharmacie et êtes invité à siéger au comité de direction de votre établissement :
     Dès les premiers, vous êtes confrontés à plusieurs décisions difficiles ;
     Compte tenu des ressources de l’hôpital, plusieurs listes d’attente existent et des interventions sont reportées (p.ex. semaines, mois, années) ;
     Compte tenu des ressources de l’hôpital, des activités cliniques ont été éliminées afin de financer d’autres activités émergentes incluant de nouveaux médicaments ;
     Conscient des gains marginaux associés à certains traitements, vous proposez de remettre en question le recours à certains médicaments ;
     En discutant avec l’INESSS, vous vous convainquez de ne plus soutenir de médicaments dont le rapport $ CAD/QALY est supérieur à 50 000 $ CAD/QALY ;
     Le Rx A coûte 75 000 $ CAD/QALY.
Action : Recommander de ne plus utiliser le Rx A au sein de votre établissement.

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Citation de l’article : Lambert de Cursay C., Lebel D., Bussières J.-F. Évaluation du niveau d’aisance d’étudiants en pharmacie face à la validation des ordonnances. Intérêt d’un dispositif didactique contextualisé. Pédagogie Médicale 2018:19;65-76

Liste des tableaux

Tableau I

Répartition des niveaux d’aisance par dimension pour les 10 étapes du dispositif didactique contextualisé.

Tableau II

Niveau d’aisance moyen des étudiants au regard de chaque paramètre situationnel pour les 10 étapes (E) du dispositif didactique contextualisé.

Tableau III

Perceptions des répondants quant à la formation reçue.

Liste des figures

thumbnail Fig. 1

Niveau d’aisance moyen au regard de chaque paramètre situationnel pour les 10 étapes explorées dans le cadre du dispositif didactique contextualisé.

Dans le texte

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