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Numéro
Pédagogie Médicale
Volume 23, Numéro 1, 2022
Page(s) 17 - 26
Section Recherche et Perspectives
DOI https://doi.org/10.1051/pmed/2022003
Publié en ligne 11 mai 2022

© SIFEM, 2022

“Nothing is literal; all is metaphor.”

(Hillman, 1975, p. 175).

Introduction

Le raisonnement clinique est habituellement décrit comme l’ensemble des processus de pensée et de décision qui conduisent à une résolution de problèmes cliniques [1]. Ces processus sont au cœur de la pratique médicale et leur compréhension a fait l’objet de nombreuses recherches et débats [16].

Depuis quelques années, une nouvelle question a émergé dans la communauté scientifique : comment décrire le raisonnement clinique des médecins lors du suivi des maladies chroniques ? En effet, ce type de prise en charge nécessite d’aller au-delà du diagnostic et de mettre en œuvre des processus de raisonnement clinique longitudinaux focalisés sur les choix d’investigations, de traitements et de « monitoring » [7,8]. Ces processus de raisonnement sont encore peu étudiés [8] mais des articles récents ont souligné l’importance de mieux les comprendre [911] ; c’est particulièrement le cas lorsqu’il s’agit de patients souffrant de multimorbidité (c’est-à-dire la co-occurrence de deux maladies chroniques ou plus) [8]. Actuellement, plus de 50 % de la patientèle des médecins généralistes souffre de multimorbidité [12,13].

Les médecins généralistes sont au cœur du système de soins et assurent ainsi un rôle de premier plan dans la coordination et la prise en charge de ces patients [1214]. De nombreuses recherches ont mis en évidence les enjeux relatifs à la multimorbidité, que ce soit pour le patient en termes de qualité de vie et d’impact fonctionnel, pour le médecin, en termes de compétences d’accompagnement ou encore pour le système de santé, en termes de coûts et d’organisation [8,13,15,16]. Il existe néanmoins peu de données sur la perception des médecins engagés dans ce type de suivi et encore moins sur leurs processus de raisonnement clinique. Sinnott et al. ont par exemple mis en évidence quatre domaines de difficultés perçues par les médecins généralistes : la désorganisation et la fragmentation du système de soins et des prises en charge, l’inadéquation des recommandations de bonne pratique, les défis de la prise en charge centrée sur le patient et enfin, les obstacles à la décision partagée [12].

Cook et al. ont proposé récemment quelques pistes pour mieux comprendre les distinctions entre un raisonnement clinique à vocation diagnostique ponctuelle et un raisonnement clinique impliquant un suivi longitudinal [10,11]. Ces auteurs soulignent que, dans ce type de raisonnement, il y a plusieurs options de traitements ou différentes priorités de soins à prendre en compte et à pondérer. En outre, les préférences et les valeurs du patient entrent davantage en ligne de compte dans le choix des investigations et l’ajustement de la prise en charge ; enfin, il est nécessaire de surveiller et de s’ajuster en permanence à l’évolution de la condition médicale, mais aussi contextuelle de ces patients.

Les médecins généralistes perçoivent leur raisonnement clinique comme essentiellement « intuitif » ou encore se fondant sur le « bon sens » [17], alors que des résultats de recherche récents auraient tendance à considérer ce raisonnement longitudinal comme plus complexe [6].

Par ailleurs, nos récents travaux nous ont permis de constater que les médecins généralistes ont une perception incomplète, voire dévalorisante de leurs processus de raisonnement clinique dans le cadre du suivi de la multimorbidité [8]. Ainsi, par exemple, le fait de ne pas suivre les recommandations de bonne pratique ou de ne les suivre que partiellement, en raison de la difficile et délicate intégration de multiples recommandations formulées spécifiquement pour une seule maladie, est souvent perçu davantage comme une indication de moindre qualité de soins que comme un choix raisonné [17].

Une recherche précédente [17], et plus précisément l’analyse qualitative qu’elle comportait, d’entrevues semi-dirigées menées avec des médecins généralistes qui suivent des patients souffrant de multimorbidité, nous a conduit à identifier l’existence et la richesse des métaphores utilisées par ces médecins pour tenter de nous faire comprendre leur cheminement et la logique de leurs actions dans cette prise en charge particulière.

Les métaphores sont d’ores et déjà largement utilisées pour mettre en évidence le vécu du patient face à sa maladie [18], la relation médecin-malade [19] ou encore pour souligner certains enjeux en éducation médicale [1822], dans la mesure où leur utilisation permet un accès à un mode de communication plus informel et ancré dans une dimension symbolique [1825]. Dans cette perspective, elles contribuent à structurer nos pensées et peuvent également guider notre comportement [23]. L’utilisation de métaphores facilite donc l’émergence et la verbalisation des perceptions ou des représentations des individus ou des groupes d’individus en regard d’une situation donnée, y compris celles qui ne seraient pas formulées explicitement ou valorisées socialement [24].

L’objectif de la présente étude est d’analyser de manière spécifique et approfondie les métaphores issues des verbatim de la recherche précédente afin de mieux comprendre les processus et les enjeux relatifs au raisonnement clinique longitudinal.

Méthodes

La présente étude fait partie d’un vaste plan de recherche [6,8,17,26] visant à explorer le raisonnement clinique des médecins généralistes lors de la prise en charge de patients souffrant de multimorbidité. Elle a été effectuée à partir d’un ensemble de données pré-collectées [17], ayant pour objectif de comprendre les différences entre le raisonnement clinique à vocation diagnostique et celui s’inscrivant dans un processus de suivi longitudinal. Cette présente étude ancillaire permet la recontextualisation des données et sa méthode favorise leur ré-exploration [23].

Procédure

Les données de la recherche initiale ont été collectées en juin 2018 auprès de neuf médecins généralistes exerçant en milieu ambulatoire à Genève (Suisse). Etant donné la nature exploratoire de l’étude, une approche qualitative [27,28] a été choisie et des entretiens semi-directifs ont été menés à l’aide d’un guide d’entretien [17]. Lors de ces entretiens, il était notamment demandé aux médecins de « raconter leur raisonnement quand ils suivent des patients souffrant de multimorbidité et d’expliquer comment ils pensent dans les situations cliniques évoquées ». Les entretiens ont été menés face à face au cabinet des participants. Ils ont été enregistrés en audio, puis transcrits intégralement (verbatim) en vue des analyses.

Échantillon

Les participants étaient des médecins généralistes (cinq femmes et quatre hommes) âgés entre 34 et 59 ans. Ils exerçaient en milieu ambulatoire dans des hôpitaux publics ou des cabinets privés. Ils ont été choisis selon un échantillonnage intentionnel afin de répondre à nos critères d’inclusion et d’exclusion. Les critères d’inclusion étaient les suivants : 1) avoir participé au cours des cinq dernières années à un atelier sur la supervision du raisonnement clinique organisé par l’Institut universitaire de médecine de famille et de l’enfance (IuMFE) ou par l’Unité de développement et de recherche en éducation médicale (UDREM) de la Faculté de médecine de l’Université de Genève (Suisse), ceci dans le but qu’ils aient une connaissance de base des principes de raisonnement clinique et : 2) avoir au moins dix ans d’expérience clinique, afin que l’on puisse postuler qu’ils aient acquis une certaine aisance dans ce type de prise en charge.

Cadre conceptuel de l’analyse et analyse de nos données

Lakoff et Johnson décrivent l’importance des métaphores dans l’explication des modes de pensées et d’actions dans la vie quotidienne [20,21]. Dans la présente étude, nous avons suivi la méthode de l’analyse systématique des métaphores de Schmitt [25] qui comprend quatre étapes :

Récolter les métaphores qui sont utilisées par la population cible

Schmitt rappelle l’importance d’identifier les métaphores issues de la culture de la communauté de la population cible afin de diminuer les biais potentiels dans l’analyse. Un groupe de discussion focalisé a donc été organisé dans cette unique perspective.

Identifier ses propres métaphores

Lors de la préparation de cette recherche les chercheuses principales (JS et MCA), provenant, elles aussi, de contextes cliniques professionnellement et contextuellement différents, ont à leur tour identifié et explicité leurs métaphores, afin de réduire la subjectivité de l’analyse.

Identifier et coder toutes les métaphores présentes dans les données (issues dans notre cas des entretiens semi-directifs de la recherche initiale)

Pour s’assurer de la plus grande fiabilité possible, trois chercheurs (JS, MCA et MC) ont procédé à une analyse qualitative en suivant une approche inductive et en identifiant et codant séparément les métaphores, avant de discuter des points de convergence ou de divergence. Les neufs verbatim ont été codés à l’aide du logiciel atlas.ti © (version 8.1).

Organiser les métaphores dans des thèmes métaphoriques

Les deux chercheuses principales ont ensuite regroupé les métaphores identifiées dans des domaines et procédé à l’analyse des éléments communs ou divergents dans chacun des thèmes.

Dans cette perspective, l’analyse systématique des métaphores tente de reconstruire des schémas de pensée, de langage et d’action. Elle suit les indicateurs trouvés dans les textes en postulant que le modèle métaphorique détermine la pensée [29], elle suit également les indicateurs issus de la pratique thérapeutique où les métaphores utilisées dans la communication sont un élément essentiel pour pouvoir donner un sens aux choses, surtout dans des circonstances difficiles [30].

Résultats

Neufs médecins généralistes (cinq femmes et quatre hommes) ont participé à la recherche. Ils étaient âgés entre 39 et 54 ans et répondaient à nos critères d’inclusion. Nous avons pu recenser sept thèmes métaphoriques récurrents (plus de quatre généralistes sur neuf les mentionnent en utilisant un terme y relatif à plusieurs reprises). Chacun de ces thèmes évoque la complexité des processus engagés et comporte de ce fait différentes facettes ; pour leur donner sens, nous avons choisi de les présenter en les résumant et les illustrant tels que ci-dessous : ainsi, les médecins généralistes décrivent leurs processus de raisonnement clinique face à la multimorbidité comme : 1) un processus de construction, 2) un sodoku ou un puzzle, 3) une Odyssée, 4) une histoire avec quelqu’un, 5) une course d’orientation, 6) regarder un tableau et : 7) jouer une mélodie.

C’est comme une construction…

Dans ce thème métaphorique, les médecins comparent leurs processus de raisonnement clinique à un processus de construction, qui se déploie étapes par étapes. Pour avancer dans cette construction, ils utilisent leur « boite à outils » dans laquelle ils vont puiser pour gérer au mieux la situation clinique. Ils soulignent l’importance d’enrichir et d’organiser constamment cette « boîte à outils », d’une part pour individualiser leur approche thérapeutique mais, aussi, pour ressentir davantage de satisfaction dans ce type de prise en charge. La collaboration avec les autres professionnels de la santé est également perçue comme un ajout. Les médecins qui utilisent cette métaphore sont aussi bien conscients de la fragilité d’une telle construction, qui devrait s’élaborer selon une suite d’étapes positives et structurantes, mais dont l’équilibre demeure très précaire et menacé.

« Et bien ça je dois régler aujourd’hui, ça, ça peut attendre une semaine, ça, ça peut attendre un mois, ça, ça peut attendre six mois. Et puis comme ça, tu te fais une sorte de, de construction avec un échéancier par patient, dans ta tête hein. » (Généraliste 1, lignes 247–253)

« Enfin au début on a l’impression (…) qu’on peut peut-être tout aborder en une consultation, mais il faut apprendre à fractionner. » (Généraliste 8, lignes 206–208)

« Et puis ensuite, et bien d’essayer d’avoir cet échelonnage pour pouvoir bâtir mon raisonnement clinique. » (Généraliste 8, lignes 210–211)

« Et si on n’étoffe pas un peu les connaissances sur les outils qu’on a à disposition dans notre raisonnement, on va continuer de faire les mêmes choses pas forcément de manière adaptée pour le patient, hein, notamment, et puis avec pas forcément beaucoup de satisfaction non plus. » (Généraliste 1, lignes 50–55)

« Je pense que c’est aussi d’apprendre ce que les autres font, ça te permet aussi d’équiper ta boîte à outils et d’aller dans le même sens. » (Généraliste 5, lignes 61–62)

« Pour ne pas répéter des erreurs, et perdre du temps, ou engendrer de la frustration, mais au contraire bâtir sur des éléments positifs. Mmm, voilà, ce qui me vient en tête. » (Généraliste 9, lignes 352–354)

« Notamment par rapport à ce patient qui a une pneumopathie qui vient tout déséquilibrer l’ensemble de ce petit château de cartes. » (Généraliste 2, lignes 70–72)

C’est comme un sudoku ou un puzzle…

Dans ce thème métaphorique, l’accent est mis sur la notion de stratégie et de résolution de problèmes complexes. Plusieurs solutions sont possibles mais il s’agit de choisir la plus appropriée. De nombreux facteurs, dépendant potentiellement les uns des autres, sont en jeu. La tâche du médecin consiste à les intégrer, voire les prioriser, dans la démarche de résolution de problèmes. Les cliniciens identifient le risque accru d’erreurs, de même que la démarche analytique qui soutient ces stratégies. Cette démarche analytique requiert des moments de réflexion, de vérification et de réévaluation. Cette métaphore souligne également la satisfaction cognitive éprouvée potentiellement dans la résolution de problèmes complexes.

« Quand je dis ce n’est pas du a+b=c, c’est vraiment ça. Ce n’est pas tel problème maintenant, tel moyen de résolution, telle finalité, dossier classé. C’est, non, ce n’est pas comme ça que ça se passe dans mon esprit. C’est plutôt quelque chose qui peut donner du a ou du b ou du c ou du y. » (Généraliste 1, lignes 42–46)

« C’est comme un Sudoku à plusieurs cases. Tu dois intégrer plusieurs colonnes qui vont se croiser en fonctions des interactions, des indications de ce que tu dois viser comme but pour réguler le diabète, (…) donc, il y a toujours plusieurs entrées, et il faut toutes les intégrer pour trouverle chiffre à mettre dans la case du milieu. (…) Mais après, dans la multimorbidité, tu as tout d’un coup six-huit cases autour qui vont interagir et dont il faudra tenir compte pour être sûr que ce que tu mets dans la case joue avec toutes les lignes. » (Généraliste 3, lignes 98–104)

« Et puis, avec ces patients polymorbides, et bien déjà quand ils arrivent, c’est comme si au-dessus de ma tête ou sur mon bout de papier, j’ai quatre-cinq bulles qui sont présentes, et puis je sais que selon le, typiquement le contrôle qu’on a des différentes comorbidités, je vais plutôt m’intéresser à la bulle hypertension ou à la bulle diabète, et puis après je vais moduler ça en fonction de ce qu’il m’emmène comme plainte, et puis de ce qu’il est prêt à discuter ce jour-là, et est-ce qu’il est prêt à bouger ou ne pas bouger. (Généraliste 4, lignes 263–8)

« Donc il y a ces différents niveaux qui sont là, et moi je dois les articuler. C’est vraiment une articulation. » (Généraliste 1, lignes 89–90)

« Et bien, c’est, c’est un raisonnement qui est complexe à chaque fois et qui nécessite en permanence de devoir reposer les choses, reposer les problèmes. On n’est plus dans l’intuitif, même si, même si l’intuitif est évidemment présent parce qu’il y a tout un tas de chose qui, mais il y a des démarches de vérification qui sont, qui sont beaucoup plus, beaucoup plus riches. » (Généraliste 2, lignes 158–161)

« Moi je trouve que c’est plus intéressant parce que ça stimule un peu l’intellect. Ce n’est jamais de la routine, ils te surprennent comme ce que j’ai dit avant, hum, moi j’aime bien quand c’est un peu compliqué. » (Généraliste 4, lignes 251–253)

C’est comme une Odyssée…

Ce thème métaphorique souligne les périples et dangers que les médecins généralistes doivent affronter et gérer avec leurs patients au cours du long voyage que représente le suivi de la multimorbidité. Les cliniciens dans cette métaphore, font référence à un voyage dans la Méditerrannée comme s’ils étaient Ulysse le capitaine, anticipant le voyage et ses dangers, veillant à ne pas être submergés, ni eux, ni leurs passagers, guettant les opportunités et choisissant la meilleure direction possible. Ils identifient la longueur du périple comme un facteur pouvant conduire au découragement. Ils rapportent également que cette prise en charge longitudinale est ponctuée de succès mais, aussi, de moments d’incertitude.

« Il est jeune, il veut absolument avancer, il est comme dans un voyage en continu. (…), je l’implique plus (…) j’ai besoin de quelqu’un qui a des compétences de santé qui tiennent la route parce que lui, il doit gérer beaucoup de choses. » (Généraliste 5, ligne 107–111)

« On le prend en charge, on lui fait des examens,. Mais c’est sur une année, deux ans, voire plus. Certains patients justement, pour la motivation, pour l’arrêt du tabac, la perte de poids, c’est plutôt sur des horizons, j’imagine, de cinq à dix ans. » (Généraliste 7, lignes 198–201)

« Donc c’est toutes des petites choses qui vont assurer sa qualité de vie et son rythme de croisière. » (Généraliste 3, lignes 112–114)

« On n’a pas d’urgence, enfin, on ne va pas noyer le patient sous 60 examens. » (Généraliste 7, lignes 203–204)

« Alors je pense encore à un autre patient, je veux dire, quand on pense prise en charge, (…) il y a le nombre de pathologies, et puis où est-ce qu’on met l’accent, et donc, on a l’impression d’être submergé, enfin c’est, c’est comme si tout d’un coup il y a le, un univers entier qui s’ouvre, et puis on doit faire des choix. » (Généraliste 5, lignes 292–295)

« Tu as des patients où tu te dis, jamais ça ne bougera, et puis tout d’un coup, je ne sais pas, tu l’attrapes au bon moment, où les étoiles sont bien agencées, ou il a avancé dans sa tête, et puis tout d’un coup il te dit, il te pose une question, et puis tu vois que, voilà, tu peux t’engouffrer. » (Généraliste 4, lignes 261–264)

« Et bien c’est clair qu’il y a un moment de flottement où là il peut y avoir vraiment des incompréhensions. Et puis le patient qui ne se manifeste pas tout de suite à la sortie d’un, d’un séjour, tu vois. » (Généraliste 8, lignes 244–247)

C’est comme une histoire avec quelqu’un…

Ce thème métaphorique insiste sur le lien qui se développe entre les médecins et leurs patients. Elle révèle toute l’ambivalence de ce lien, en soulignant d’une part ses aspects positifs, tel qu’une facilitation pour raisonner de manière contextualisée, mais également ses risques relatifs à une trop grande proximité, qui pourrait rendre difficile la prise en compte de tous les éléments à considérer.

« C’est des patients particuliers. C’est des patients avec qui on tisse un lien particulier. Je veux dire, qu’on voit plus fréquemment, auxquels on s’attache. On a un sentiment d’impuissance qui est souvent assez grand. Parce qu’on n’est justement pas dans une résolution, mais dans un accompagnement, et où là, par rapport au raisonnement clinique, je pense que ça peut avoir une influence. Mais alors après, négative ou positive, enfin je veux dire, je pense qu’on peut le voir dans les deux sens parce que je pense que ça enrichit mon raisonnement clinique aussi ce que je vis avec le patient parce que je suis dans une adaptation constante à lui ce qu’il est, et à ses besoins et à ses valeurs. Si je n’avais pas ce lien thérapeutique fort, je serais loin. Après, après ça peut brouiller aussi. » (Généraliste 1, lignes 225–33)

« Oui oui. Mais parce que c’est quelqu’un que je suis depuis longtemps et avec qui j’ai une bonne relation, c’est quelque chose qui est possible, parce que je connais assez bien son, son milieu socio-culturel, je sais à peu près comment, comment parler avec lui, et donc il y a, toutes ces questions qui pourraient être, hum, sur la communication ou sur le, la difficulté pour être certain qu’on entend la même chose, c’est des questions qui se posent moins du fait de l’ancienneté de la relation. » (Généraliste 2, lignes 68–70)

« Je pense qu’une des difficultés c’est de, c’est de ne pas te faire bouffer par le psychosocial, mais c’est de, d’arriver à remettre les problèmes biomédicaux sur le devant de la scène. Tout en respectant, et bien voilà, le stress du patient, ses difficultés, et caetera. Il ne faut pas les négliger, mais voilà, le danger c’est, c’est de se perdre là-dedans, et puis finalement de faire une mauvaise prise en charge. » (Généraliste 4, lignes 204–208).

C’est comme une course d’orientation…

Ce thème métaphorique présente la démarche clinique comme une course d’orientation, composée de plusieurs pistes possibles, et comportant de nombreux obstacles et impasses, qui peuvent provenir tant du côté du patient que du médecin. Les cliniciens ont le souci d’en préparer les différentes étapes, de tracer une direction et d’informer leurs patients de ces potentiels obstacles. La métaphore évoque aussi le risque de se perdre dans son cheminement, ainsi que la nécessité de se contenter parfois du chemin le plus satisfaisant, à défaut du meilleur. Le recours aux autres professionnels de la santé est considéré comme un moyen de se réorienter dans le parcours.

« J’ai l’impression d’être, ce n’est pas un terrain vague parce qu’il y a quand même des accroches qui sont importantes, mais il y a des possibilités, il y a mille et un circuits possibles. » (Généraliste 5, lignes 69–70)

« Tu fais un petit bout ici, un petit bout là, et puis après encore un petit bout ici. Et puis finalement si tu fais un pas en arrière, tu regardes l’ensemble des consultations, il y a quand même une, il y a quand même une ligne directrice. » (Généraliste 4, lignes 60–62)

« Et donc, enfin, d’utiliser aussi les ressources à disposition pour justement surmonter ces barrières. » (Généraliste 8, lignes, 176–7)

« Plus les patients seront au courant des alternatives, mieux ils seront armés au moment de l’impasse, pour trouver d’autres moyens (…) » (Généraliste 6, lignes 302–303)

« C’est de garder le patient avec, hum, d’être au mieux par rapport aux recommandations, mais en regardant le patient, et puis en n’allant pas dans le mur. » (Généraliste 5, lignes 59–60)

« Ça peut brouiller les pistes. Ca peut, un peu comme une contamination où mon cerveau, (…), l’utilisation des bons scripts cliniques au bon moment au bon endroit, ce n’est pas forcément si aisé. » (Généraliste 1, lignes 35–38)

« Et puis après, hum, après, il y a comment on utilise le spécialiste. Et je pense qu’un patient où régulièrement tu tournes en rond, tu n’y arrives pas avec son diabète, et bien, ce n’est pas un mal de le renvoyer une fois chez le diabéto’. Aussi pour débanaliser le problème. » (Généraliste 4, lignes 303–305)

C’est comme regarder un tableau…

Ce thème métaphorique met l’accent sur la compréhension progressive de la complexité des situations cliniques, ainsi que sur la démarche itérative que font constamment les cliniciens, consistant à se centrer sur une demande spécifique, tout en prenant du recul pour mieux appréhender, ou reconsidérer l’ensemble de la situation. Ce processus, lorsqu’il est explicité au patient, semble le rassurer et favoriser son implication. Dans cette même perspective, la collaboration avec les autres professionnels de la santé est perçue comme une invitation à prendre du recul et voir les choses différemment.

« Donc je pense que c’est trois choses, c’est, au début il y a un morceau, après il y a des choses, c’est comme un tableau, tout d’un coup ça s’éclaire, les pixels commencent à hum, rétrécire, ça devient plus précis. Et puis de temps en temps, il y a un bout du tableau, tu ne comprends pas très bien ce qu’il y a comme image là, alors là tu demandes, une question précise, pour éclairer ce morceau du tableau que tu ne comprends pas. » (Généraliste 4, lignes 66–71)

« Tout en sachant qu’il y a toujours plein de flou, il y a des zones d’incertitude qu’on essaie de limiter, limiter, limiter, limiter. » (Généraliste 5, lignes 296–297)

« Donc, en tout cas je m’apprète à devoir gérer cette zone un peu grise, d’une certaine manière, où il faut faire au mieux pour intégrer les différentes recommandations avec le sens clinique en fait, comme élément de décision principal. » (Généraliste 9, lignes 331–334)

« Il y a ce genre de plaintes. Et donc, il y a eu des investigations, et chaque fois, faire un arrêt sur image régulièrement. À un moment donné, qu’est-ce que j’ai fait pour ça, qu’est-ce qu’on a exclu ? Et hum, où on en est ? Pour pouvoir aussi mieux expliquer au patient notre raisonnement. Expliquer un raisonnement c’est aussi, des fois c’est vraiment de rassurer le patient quoi. » (Généraliste 8, lignes 273–76)

« Et puis, ouais, des fois tu te dis, ça serait bien d’avoir un œil neuf sur ce patient. Des fois tu es presque content de devoir l’envoyer chez le spécialiste parce que tu dis : « Ah et bien c’est un autre œil dessus ». (Généraliste 4, lignes 279–83)

C’est comme jouer une mélodie…

Ce thème métaphorique illustre le rôle du clinicien qui s’adapte à son patient ; même s’il connaît « la mélodie », c’est-à-dire l’évolution potentiellement connue de la maladie, le clinicien suit le patient dans les étapes successives de sa condition médicale et psychosociale. Cette métaphore souligne que le clinicien peut décider aussi de varier son « tempo », en choisissant de moduler et de personnaliser ses interventions. La démarche de gestion de la situation clinique dans « l’ici et maintenant » s’accompagne également d’une anticipation de sa potentielle évolution sur le long terme.

« Je vais plutôt avec le rythme du patient, et puis de temps en temps je change de style quoi. » (Généraliste 4, lignes 116–17)

« Et bien je pense qu’il y a un travail, enfin je ne sais pas (…), si on met un parallèle, le musicien par exemple, un pianiste il peut travailler verticalement, c’est-à-dire chaque note, chaque accord etcetera. Et puis, ensuite travailler une, la mélodie, et puis donc faire un travail plus horizontal. Je le vois un petit peu comme ça. » (Généraliste 8, lignes 183–90)

« Il y a un bruit de fond. Oui. (…) Je pense que d’ailleurs on le voit, quand on est par exemple, on remplace un collègue ou on est de garde, ou quelqu’un d’autre regarde dans nos dossiers parce qu’il est de garde. » (Généraliste 6, lignes 311–314)

Discussion

L’analyse des métaphores utilisées par les cliniciens nous a permis d’expliciter comment ils perçoivent leur raisonnement clinique longitudinal et la représentation qu’ils se font de leur rôle dans la prise en charge des patients souffrant de multimorbidité. Ces résultats nous permettent également de souligner les enjeux et défis qu’il reste à relever dans ce contexte. Ces thèmes métaphoriques partagent tout d’abord un certain nombre de points communs, qui contribuent à définir le raisonnement clinique dans le suivi des patients souffrant de multimorbidité. Tous soulignent la démarche longitudinale, constituée de différentes étapes, de différentes variations, ou encore de zones qu’il va s’agir de parcourir, en s’assurant du maintien de la qualité de vie et de l’équilibre clinique du patient. Cette perspective est cohérente avec la littérature qui relève que le but premier du raisonnement clinique des médecins généralistes dans le contexte de la multimorbidité et du suivi longitudinal, est bien de préserver et optimiser la qualité de vie des patients, plutôt que celui d’établir des diagnostics [8,10,15,23,26,3133].

Tous ces thèmes illustrent également la complexité des processus de raisonnement à l’œuvre, qui nécessitent particulièrement une démarche réflexive et analytique, et ceci malgré la perception des généralistes d’une approche essentiellement intuitive. Ces résultats confirment nos données de recherche [6,17], ainsi que les travaux de Cook et al. [10], qui postulent également que ce raisonnement longitudinal est plus complexe que le raisonnement diagnostique. Tous évoquent également les difficultés potentielles rencontrées par les cliniciens, que ce soit du point de vue de la gestion de leurs émotions, de la gestion de la relation, ou encore du point de vue de la clarté de leur raisonnement clinique. Ces résultats sont consistants avec plusieurs recherches qui soulignent les sentiments de frustration, de débordement ou encore d’impuissance que peuvent ressentir les cliniciens face à la multimorbidité [34]. Quelques études ont par ailleurs mis en évidence le risque d’influence de ces difficultés sur les décisions cliniques, conduisant par exemple à une « clinical inertia », c’est-à-dire une reconnaissance du problème, associée à une absence d’actions [13,35].

Si les thèmes métaphoriques que nous avons identifiés partagent des perspectives communes et confirment les données de la littérature, certains font néanmoins émerger des défis spécifiques.

Le goût pour la complexité grâce à l’expertise et à l’enrichissement des scripts cliniques

Le thème métaphorique de la construction et l’évocation des « boîtes à outils » mettent l’accent sur l’importance, pour les cliniciens, de faire appel à leur expertise, et à l’enrichissement continu de leurs scripts cliniques [36], pour gérer la complexité et l’incertitude relatives à la multimorbidité. La qualité de leurs scripts cliniques semble en effet favoriser, non seulement une prise en charge centrée sur le patient, mais aussi davantage de satisfaction dans la gestion de ce type de situations cliniques.

Le thème métaphorique du sudoku ou du puzzle aborde lui aussi ce thème pour relever le plaisir cognitif que les cliniciens d’expérience peuvent ressentir. Il s’agit de réfléchir à des stratégies, de les anticiper, de les combiner ou encore de les prioriser ; la métaphore du sodoku est particulièrement illustrative de cette notion de résolution de problèmes complexes. Sans surprise, ce thème métaphorique est centré sur le clinicien et son habileté à mobiliser ses processus cognitifs, plutôt que sur le patient.

Ces aspects mettent en lumière les enjeux relatifs à l’enseignement de ce type de prise en charge, à savoir comment entraîner des étudiants ou des internes à raisonner dans cette complexité [32,37,38] alors que leurs scripts cliniques sont encore relativement peu enrichis, et qu’ils expriment leurs difficultés à tolérer l’incertitude [3940].

La littérature en éducation médicale reconnaît néanmoins que les expériences d’incertitude sont potentiellement des catalyseurs importants pour un apprentissage plus approfondi [4144]. Ces auteurs soulignent toutefois que l’incertitude n’est « productive » que dans certaines circonstances, c’est-à-dire lorsqu’elle n’ébranle pas la confiance du jeune professionnel. C’est dire l’importance de la supervision clinique [45].

L’importance, pour le clinicien, de valoriser son raisonnement clinique et de l’expliciter

Le thème métaphorique de la course d’orientation souligne les multiples obstacles et les risques d’erreurs en suivant les différentes pistes qui font partie du suivi des patients. Qu’il s’agisse d’interactions entre diverses médications, de divergences entre les préférences des patients et les recommandations de la littérature, ce sont autant de décisions, parfois sous-optimales, qu’il faut prendre, et qui conduisent les cliniciens à évoquer un sentiment de moindre performance. Sinnott et al. ont à ce propos repris un concept qui, au contraire, décrypte et met en valeur les processus de raisonnement et de priorisation que les cliniciens mettent en œuvre. En proposant le mot-valise « satisficing », mot anglais constitué des deux notions de satisfaction (satisfying) et de suffisance (sufficing), les auteurs expliquent comment les cliniciens cherchent un équilibre suffisamment bon pour un patient donné entre les différentes options possibles [12].

Cette approche est intéressante car elle permet non seulement de conceptualiser les processus, mais aussi de valoriser tant leur complexité que leur pertinence. Il n’en reste pas moins que l’explicitation de leur propre raisonnement clinique demeure un enjeu de taille pour les cliniciens qui, de par leur expertise et la richesse de l’organisation de leurs connaissances compilées, ont potentiellement de la difficulté à déplier et verbaliser les étapes de leur raisonnement clinique [46,47]. Cette capacité d’explicitation nous semble néanmoins déterminante pour l’implication du patient, non seulement dans la compréhension de son tableau clinique et des enjeux relatifs à la multimorbidité, mais aussi dans la gestion au long cours de ses maladies. Rappelons aussi que les stratégies de supervision centrées sur le raisonnement clinique reposent non seulement sur la verbalisation du raisonnement clinique de l’apprenant, mais aussi sur celle du superviseur [36,48].

L’implication du patient et sa participation au raisonnement du clinicien

Presque tous les thèmes métaphoriques contiennent un élément concernant l’implication du patient dans sa prise en charge. Mais les métaphores utilisées nous permettent d’entrevoir quelques nuances dans la place qui lui est donnée.

La métaphore de l’Odyssée évoque le médecin comme un capitaine engagé, pilotant et faisant avancer les choses, tout en veillant sur chacun. Celle de l’histoire avec quelqu’un témoigne d’un lien étroit, probablement plus symétrique, avec ses avantages mais aussi ses risques. La métaphore de la course d’orientation présente le clinicien comme une sorte de coach qui avise son patient des dangers potentiels, et le prépare à affronter les difficultés. La métaphore du tableau que l’on regarde, quant à elle, renforce l’idée du clinicien qui individuellement, développe peu à peu sa représentation globale de la situation clinique et qui ponctuellement invite le patient à un « arrêt sur image », l’intégrant pour un temps dans son raisonnement, soit pour mieux comprendre un aspect précis, soit pour le rassurer, ou encore favoriser l’adhésion au suivi.

Ces différentes nuances témoignent à notre sens de l’enjeu crucial relatif aux processus de raisonnement partagé avec le patient. Si le modèle de communication centré sur le patient a fait ses preuves [33,49], les processus de raisonnement partagé entre le patient et son médecin restent encore à clarifier. Ainsi par exemple, le niveau de littératie du patient pourrait avoir son importance [35]. Par ailleurs, selon Lussier et al. [50], les caractéristiques du problème clinique, de même que son contexte, ont également un impact et modifient l’amplitude de la collaboration, et donc du partage du raisonnement. En fonction de la nature du problème et de son degré de gravité, ces auteurs suggèrent la présence de quatre types de relations dans lesquelles le rôle du médecin varie : depuis « expert en charge » dans les cas aigus et graves à « expert-guide », puis « partenaire » ou « facilitateur », lorsqu’il s’agit de problèmes plus bénins ou chroniques.

L’implication des autres professionnels et le raisonnement clinique collaboratif

Trois domaines métaphoriques, évoquent la collaboration avec les professionnels de la santé. Dans la métaphore de la construction, le recours aux autres professionnels de la santé fait partie de l’enrichissement de la boite à outils et représente donc autant de pistes de compréhension ou de solutions possibles. Dans celle de la course d’orientation, l’aide des autres professionnels de la santé est considérée comme un moyen de changer de stratégies, et dans le même ordre d’idées, la métaphore du tableau que l’on regarde souligne leur utilité pour prendre du recul et reconsidérer les choses d’un autre point de vue.

Les cliniciens semblent donc être bien conscients de la pertinence de partager leur raisonnement clinique avec les autres professionnels impliqués, en développant la notion de réseau autour du patient, plutôt que la seule dyade médecin-patient. Néanmoins, plusieurs recherches ont relevé les défis et enjeux qui y sont associés [8,14,19,5054]. Les perspectives différentes entre professionnels, leur implication envers le patient ou encore les difficultés de communication sont ainsi fréquemment évoquées [11]. Il semble ainsi que la plupart du temps, le raisonnement clinique des différents professionnels de santé impliqués dans une situation clinique se fasse encore en silo [17]. Tel que le relève Wagner et al. afin de répondre au défi que représente la réponse aux besoins complexes des patients et de leurs proches, les soins médicaux doivent être transformés en un modèle plus proactif, holistique et collaboratif [55] ; cette approche pourrait favorablement inclure le raisonnement collaboratif.

Forces et limites de l’étude

Le processus d’analyse des métaphores est toujours subjectif, et constitue un réel défi pour les chercheurs qui s’engagent dans ce processus d’interprétation ; pour y répondre, nous avons choisi d’intégrer un regard pluridisciplinaire dans nos analyses, grâce à une équipe constituée de cliniciens travaillant dans différents contextes cliniques et de chercheurs en éducation médicale. Nous avons également été attentifs à la crédibilité de nos conclusions en utilisant avec rigueur la méthodologie proposée par Schmitt [5]. La tenue d’un journal de bord nous a permis de conserver une vision globale de notre processus de recherche et d’analyse, et d’en assurer une plus grande fiabilité.

La transférabilité de nos résultats est une question importante : il est en effet possible que ces thèmes métaphoriques soient imprégnés de la culture suisse, ou genevoise, puisque c’est là qu’a eu lieu la récolte de données. Et il est aussi vraisemblable de penser que ces métaphores puissent trouvent un écho différent suivant le lecteur ou la lectrice, sa formation, et son expérience. Néanmoins, nous postulons qu’elles témoignent d’enjeux actuels et qu’elles apportent une pierre à l’édifice de la prise en charge adéquate des patients souffrant de multimorbidité et nécessitant une prise en charge longitudinale.

Conclusion

L’analyse systématique des métaphores offre une méthodologie innovante au sein de la communauté en éducation médicale [31]. Elle nous a permis, dans notre plan de recherches, de mettre en évidence des enjeux relatifs notamment au raisonnement clinique partagé avec les patients souffrant de multimorbidités, mais aussi avec les autres professionnels de la santé [5661]. Elle nous a aussi conduit à révéler la complexité et la richesse du raisonnement dans ces conditions d’incertitude et de constants changements, ainsi qu’à rendre ce raisonnement longitudinal plus explicite. Ceci pourrait aider les praticiens à augmenter leur satisfaction, leur confort clinique, et enrichir leurs supervisions. D’autres recherches sont nécessaires pour mieux comprendre les processus de raisonnement clinique en jeu lors de la prise en charge au long cours de patients souffrant de multimorbidité, mais aussi pour mieux savoir comment les enseigner, et les superviser.

Contributions

Julia Sader, Sarah Cairo Notari, Matteo Coen et Marie-Claude Audétat ont participé à l’interprétation des résultats. Julia Sader, Sarah Cairo Notari, Claire Ritz, Nadia Bajwa, Mathieu Nendaz et Marie-Claude Audétat ont participé à l’écriture du manuscrit. Julia Sader a participé à la conception du protocole de recherche et l’analyse statistique.

Approbation éthique

Le président de la Commission cantonale d’éthique de la recherche de Genève nous a donné une exemption en confirmant que cette étude n’avait pas besoin d’une approbation préalable par la commission d’éthique selon la législation suisse. Néanmoins, les participants ont tous signé un formulaire de consentement et la confidentialité et l’anonymat des données de recherche ont été également assurés.

Liens d’intérêts

Aucun auteur ne déclare de conflit d’intérêts en lien avec le contenu de cet article.

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Citation de l’article : Sader J, Notari SC, Coen M, Ritz C, Bajwa N, Nendaz M, Audétat M-C. Métaphores : une porte d’entrée pour accéder à la richesse du raisonnement clinique des médecins généralistes. Pédagogie Médicale, 2022:23;17-26

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