Accès gratuit
Numéro
Pédagogie Médicale
Volume 20, Numéro 4, 2019
Page(s) 155 - 162
Section Recherche et perspectives
DOI https://doi.org/10.1051/pmed/2020018
Publié en ligne 30 avril 2020

© SIFEM, 2020

Introduction

La communication en santé est une forme particulière de la communication interpersonnelle [1]. Cette compétence diffère d’une habileté sociale, plus ou moins innée, utilisée lors d’échanges en famille ou entre amis. Elle est une compétence clinique, professionnelle, essentielle à la pratique de la médecine. La communication professionnelle en santé comporte deux fonctions : récolter de l’information et, pour que celle-ci soit optimale, développer une relation de qualité avec son patient [1]. Bien qu’il n’existe pas de consensus concernant la définition de la communication professionnelle en santé, nous nous inscrivons dans le cadre élargi proposé par Richard et al. [1], selon lequel, « la communication interpersonnelle réussie, dans une relation professionnelle, suppose une coopération entre les participants. Elle repose sur : 1) la maîtrise d’un répertoire de comportements communicationnels ; 2) la capacité d’adaptation aux différents interlocuteurs et aux contextes communicationnels ; 3) la capacité d’atteindre ses buts professionnels et relationnels d’une manière compatible avec les buts et besoins du patient ou de tout autre interlocuteur rencontré dans l’exercice de ses fonctions » [1].

Nous nous retrouvons dans cette définition, car elle insiste sur le fait qu’il n’existe pas « une seule et bonne » façon de communiquer, mais à l’inverse, elle indique que l’art de communiquer implique une capacité d’adaptation aux caractéristiques propres à chaque situation (particularités du patient, du contexte de soin, buts de chaque interlocuteur, etc.), toujours unique. Afin d’insister sur cette dimension, nous ne parlerons d’ailleurs plus de « communication professionnelle » au singulier, mais bien de compétences communicationnelles (CC) au pluriel.

Des études ont montré qu’il est possible d’entraîner les compétences communicationnelles d’étudiants [2,3] et de médecins [4,5]. Il s’agit de développer un savoir, savoir-faire et savoir-être [6]. Dès lors, des connaissances ne suffisent pas. Une pratique de celles-ci est essentielle pour qu’elles se transforment en comportements [7]. Une revue de la littérature [8] a montré que les méthodes d’apprentissage expérientielles (comme des jeux de rôle ou des interactions avec des patients standardisés, simulés ou réels), associées à la résolution de problèmes cliniques et comprenant un feedback immédiat sont les plus efficaces, comparées à des méthodes « transmissives » comme des cours magistraux [9]. Toutefois, la littérature portant sur les entraînements à la communication révèle que ces entraînements peuvent être délétères pour certains étudiants [1013]. En effet, des étudiants ont rapporté avoir développé des attitudes négatives envers la communication médecin–patient après avoir reçu des cours sur la communication, lors desquels on leur a fait ressentir qu’ils étaient de mauvais communicateurs [13]. Cela soulève des questions importantes concernant l’impact des entraînements à la communication, les débriefings donnés par les formateurs et donc la formation des formateurs [14,15].

Le débriefing est un moment clé en simulation. Certains auteurs affirment d’ailleurs que « toute la simulation est un prétexte pour le débriefing » [16]. Le débriefing est la troisième et dernière étape de la simulation, qui suit le briefing et l’exercice de simulation. Il consiste en une discussion visant à analyser l’exercice de simulation où les participants sont invités à un exercice de réflexivité. Il s’agit d’exprimer ses émotions, identifier ses actions et les processus de pensées les sous-tendant afin d’améliorer sa performance dans la pratique réelle [17]. Le rôle du formateur est alors important car plus les participants se sentent impliqués au moment du débriefing, plus les apprentissages issus de l’exercice de simulation seront clarifiés, consolidés et transférés dans la pratique [17]. Donner un débriefing de qualité est une tâche complexe. Comme dans la vraie vie, il est difficile d’être confronté à ses propres erreurs en simulation et, de ce fait, les participants manifestent souvent des émotions intenses (anxiété et sentiment d’intimidation, dus à la présence des caméras, évaluateurs et pairs [1820]). Il s’agit de renforcer l’apprenant afin de l’aider à développer un sentiment d’efficacité personnelle (SEP) dans la compétence entraînée [10]. Le SEP a été décrit par Bandura [21] comme les croyances d’un apprenant quant à sa capacité à adopter avec succès un comportement requis. C’est un concept important en raison de son lien avec l’engagement de l’apprenant et l’utilisation des compétences apprises après une formation [21]. Cependant, des recherches indiquent que rendre l’apprenant trop confiant peut le rendre plus vulnérable lors de confrontations futures avec la pratique [10]. En effet, des étudiants évalués comme très compétents lors d’entraînements aux CC (ECC) rapportent également avoir développé des attitudes négatives envers la communication lorsqu’ils ont tenté, sans succès, d’appliquer dans la pratique les comportements pour lesquels ils avaient été valorisés lors des exercices de simulation. En pratique, dans le milieu clinique, d’autres éléments avaient été ajoutés, comme la présence de leur tuteur de stage ou la pression temporelle, rendant la communication plus complexe. Les étudiants qui s’étaient sentis très opérationnels lors de leur jeu de rôle se sentaient alors plus vulnérables dans cette situation réelle, réalisant qu’ils n’étaient pas aussi prêts que prévu [10].

Objectifs

Notre objectif est triple. Premièrement, nous souhaitons faire évaluer par nos étudiants la qualité du climat instauré par le formateur lors du débriefing. Deuxièmement, nous souhaitons connaître le SEP et les attitudes des étudiants envers les CC après le débriefing et enfin, voir s’il existe des corrélations entre ces variables et l’évaluation qui est faite du climat de débriefing.

Méthodes

Contexte

En 2016, nous avons développé un cours de communication pour les étudiants de troisième année de médecine de l’Université de Namur. En Belgique, le cursus universitaire de base en médecine – avant toute spécialisation – est organisé sur six années (3 premières années de « baccalauréat » et 3 dernières années de « master »). Il n’existait pas de programme visant spécifiquement les compétences communicationnelles au sein du cursus médical proposé par notre université. La particularité de notre contexte est que notre université ne propose que les trois premières années d’étude précliniques en médecine. Après celles-ci, les étudiants changent d’université pour réaliser leur master. En fonction de l’université choisie, l’accent mis sur la communication peut fortement varier (en Flandre, son apprentissage est systématique et longitudinal), ce qui n’est pas le cas chez nous en Wallonie. Ainsi, nous ne nous inscrivons malheureusement pas dans une démarche longitudinale d’entraînement aux CC. Nous devons considérer l’entraînement que nous leur proposons comme une « première approche, introductive aux compétences communicationnelles ».

Concrètement, nous avons implanté cet entraînement aux CC au sein du cours de « psychologie médicale » qui a lieu au premier quadrimestre de la troisième année de baccalauréat. Ce cours consiste en 15 heures de cours magistraux sur la psychologie médicale, dont cinq sont à présent exclusivement dédiées à l’entraînement de la communication médecin–patient. Les objectifs de cet entraînement sont de : 1) améliorer les connaissances des étudiants sur le rôle central de la communication dans leur pratique future ; 2) leur faire prendre conscience de leurs attitudes et croyances à l’égard de ces compétences ; 3) entraîner leurs compétences communicationnelles tout en les initiant à une démarche d’analyse rétroactive de leurs comportements de communication et : 4) se concentrer sur ces compétences juste avant leur premier stage (qui a lieu au deuxième quadrimestre de leur troisième année), afin qu’ils puissent immédiatement observer et mettre en pratique ce qu’ils ont appris pendant le cours.

Le contenu de cet entraînement est basé sur les guides de Calgary-Cambridge [22,23]. Les leçons théoriques sont couplées à un enseignement expérientiel (tous les élèves sont invités à jouer un jeu de rôle par deux). La structure du cours a été largement développée ailleurs et nous invitons les lecteurs qui souhaiteraient plus de détails à s’y référer [24]. Cependant, quelques changements ont été apportés et sont détaillés ici : la temporalité de chaque étape a été quelque peu modifiée, le débriefing n’ayant pas été effectué en séance plénière mais individuellement pour chaque paire d’étudiants, juste après leur jeu de rôle. De plus, tous les élèves ont eu l’occasion de regarder la vidéo de leur jeu de rôle. La structure de notre ECC et ses quelques aménagements sont brièvement résumés sur la Figure 1.

Concernant plus particulièrement le déroulement du débriefing, il est encadré par un formateur (psychologue clinicien, formé à la pédagogie par simulation) et implique deux acteurs : l’étudiant ayant joué le rôle du professionnel de santé et l’étudiant ayant joué le rôle du patient. Pour des raisons logistiques (taille du local) et afin de diminuer le stress induit par la première situation de simulation, les étudiants ne sont pas observés par des pairs pendant leur jeu de rôle. Le débriefing se déroule donc à trois et est structuré en quatre grandes étapes qui visent à : 1) permettre aux deux acteurs d’exprimer leurs émotions ; 2) les inviter ensuite à lister ce qui s’est déroulé ; 3) le cas échéant, attitrer l’attention des acteurs vers un aspect que le formateur aurait jugé pertinent et qui n’a pas été soulevé ; 4) relier les points abordés à la matière théorique pour offrir une synthèse des apprentissages et un potentiel transfert dans la pratique. Le formateur clôture le débriefing et la séance de simulation en demandant à chaque acteur de citer ce qu’il retient de cet exercice. Tout au long du débriefing, le formateur a pour objectif de laisser au maximum la parole aux participants, en les relançant le cas échéant, à l’aide de questions ouvertes. Notons qu’un rappel des particularités de la simulation (l’erreur y est admise) et l’instauration d’un climat de « sécurité psychologique » (confidentialité, empathie, bienveillance, non-jugement) sont effectués dès le briefing et rappelés en début de débriefing.

thumbnail Figure 1

Structure des cinq heures d’entraînement aux compétences communicationnelles.

Procédure

Après la réalisation du jeu de rôle, il a été demandé à tous les étudiants de remplir un questionnaire. Ce dernier a été présenté comme la dernière étape des travaux pratiques afin de ne pas risquer d’avoir uniquement des réponses provenant des étudiants les plus satisfaits ou les plus déçus (les « extrêmes »), en espérant avoir un échantillon représentatif. Un formulaire de consentement libre et éclairé leur a été présenté au préalable. Au sein du questionnaire, une mention indiquait que les réponses ne seraient pas utilisées à des fins d’évaluation (afin que les étudiants se sentent libres de répondre ce qu’ils pensaient réellement), et qu’elles avaient pour finalité d’améliorer le dispositif pédagogique. Le lien vers le questionnaire était en libre accès sur le « laboratoire virtuel » (site web du département de psychologie proposant différentes enquêtes aux étudiants).

Instruments

Des questions démographiques (âge et sexe) ont été posées ainsi que des questions quantitatives investiguant la perception des étudiants à l’égard de la qualité du climat de débriefing, leurs SEP et attitudes.

Debriefing Assessment for Simulation in Healthcare (DASH)

Nous nous sommes inspirés du DASH [25] pour construire un item évaluant la qualité du climat instauré par le formateur. Le DASH a, entre autres, pour visée de vérifier si le formateur a établi et maintenu un climat favorable à l’apprentissage tout au long du débriefing. L’item que nous avons présenté aux étudiants était le suivant : « Lors du débriefing, le formateur a-t-il établi un climat favorable à l’apprentissage ? ». Les étudiants devaient indiquer leur réponse sur un continuum allant de 0 (pas du tout) à 100 (tout à fait).

Sentiment d’efficacité personnelle et attitudes

Des items, inspirés de l’étude de Saslaw, et al. [26] ont été créés afin d’évaluer le SEP et les attitudes de nos étudiants envers les CC. L’ensemble des items est repris dans le Tableau I. Afin de connaître l’évolution du SEP de nos étudiants, le format d’enquête « rétrospective avant-après » a été choisi au lieu du format classique d’enquête « avant/après entraînement » afin de minimiser le biais de déplacement de la réponse – « response shift bias ». S’il est présent, ce biais peut provoquer une sous-estimation de l’efficacité de programmes dans les enquêtes classiques « avant/après entraînement », car les participants peuvent surestimer leurs connaissances avant une formation [2629].

Tableau I

Variables évaluées, items et options de réponses associées.

Participants

Cent soixante-dix-neuf étudiants étaient inscrits au cours de psychologie médicale au cours de l’année 2018–2019. Avant ce cours, aucun étudiant n’a bénéficié d’un entraînement ciblant les compétences communicationnelles dans le cadre de son cursus médical formel. Sur les 179 étudiants inscrits au cours de psychologie médicale, 171 ont entamé le questionnaire après les jeux de rôle et 167 ont répondu à toutes les questions. Après avoir supprimé les réponses partielles, le taux de participation est donc de 93,3 %. Ces 167 étudiants étaient en moyenne âgés de 20,25 ans (ET = 1,05). L’échantillon est constitué de 118 femmes (70,7 %) et 49 hommes (29,3 %).

Analyse de données

Les données ont été analysées à l’aide du logiciel Statistical Package for the Social Sciences (SPSS), version 24 d’IBM. Des analyses descriptives et corrélationnelles (coefficients de corrélation de Pearson) ont été effectuées. Les scores rétrospectifs de SEP avant/après les entraînements aux CC ont été analysés par un test t pour échantillons appariés après vérification des conditions d’application et confirmation d’une distribution normale de la différence des scores. Une valeur de p inférieure à 0,05 a été considérée comme statistiquement significative.

Résultats

L’analyse descriptive a permis de calculer les moyennes et écarts-types (ET) des réponses rapportées concernant l’évaluation du climat de débriefing, le SEP et les attitudes des étudiants envers les CC. Premièrement, la moyenne du score d’évaluation du climat de débriefing est de 95,58 (ET = 7,4). Concernant les attitudes des étudiants, ceux-ci ont répondu en moyenne 92,89 (ET = 8,89) à la question leur demandant si la simulation était une expérience d’apprentissage pertinente pour développer les CC des étudiants en médecine. Ils ont répondu en moyenne 92,86 (ET = 9,8) à l’item leur demandant si ces jeux de rôle et l’ensemble de l’ECC leur donnent envie de continuer à développer leurs CC. Enfin, concernant leur SEP, la moyenne est de 84,13 (ET = 12,58) à l’item investiguant leur impression selon laquelle le jeu de rôle a permis d’augmenter leur confiance en leur capacité à communiquer efficacement avec un patient. Le SEP rapporté par les étudiants avant l’ECC est en moyenne de 65,81 (ET = 15,78) et en moyenne de 73,93 (ET = 8,6) après l’ECC. Un test t pour échantillons appariés a permis de conclure que la différence entre ces deux moyennes était significativement différente (t = 7,19 ; p < 0,000), nous informant d’une augmentation significative du SEP des étudiants envers les CC après l’entraînement (voir Figure 2).

En termes de fréquence, 135 étudiants ont répondu « oui » (80,8 %) à la question « pensez-vous que vos compétences communicationnelles doivent-être améliorées ? ».

Enfin, des corrélations positives significatives ont été trouvées entre les scores rapportés à l’item évaluant la qualité du climat de débriefing, et les scores de SEP et d’attitudes. Concrètement, plus les étudiants ont apprécié le climat de débriefing :

  • plus ils ont envie de continuer à développer leurs CC (r = 0,25 ; p < 0,01) ;

  • plus ils considèrent que la simulation est une expérience d’apprentissage pertinente pour entraîner les CC (r = 0,40 ; p < 0,01) et ;

  • plus ils ont l’impression que la simulation (jeu de rôle) leur a permis d’augmenter leur confiance en leur capacité à communiquer efficacement avec un patient (r = 0,35 ; p < 0,01).

thumbnail Figure 2

Moyennes des scores rétrospectifs de sentiment d’efficacité personnelle avant/après entraînement aux compétences communicationnelles. Note. *p < 0,05.

Discussion

Notre étude visait à vérifier que notre débriefing et notre entraînement aux CC de manière plus générale ne détérioraient pas le SEP et les attitudes de nos étudiants envers les CC.

Premièrement, les étudiants rapportent que le dispositif pédagogique leur a permis d’augmenter leur SEP à l’égard des CC. Ceci est encourageant puisqu’un fort SEP est lié à une meilleure performance d’une compétence acquise [21]. Comme indiqué dans l’introduction, il est positif que le dispositif ait permis aux étudiants de développer ou maintenir un SEP envers les CC, mais il peut être délétère de les rendre trop confiants à cet égard [10]. Bien qu’ils rapportent un niveau élevé de CC, ils rapportent également en grande majorité devoir encore améliorer leurs CC. En outre, des corrélations positives significatives ont été retrouvées entre le fait de rapporter une amélioration de son SEP envers les CC et d’évaluer favorablement le climat de débriefing. Des corrélations positives significatives ont également été identifiées entre cette évaluation favorable du climat de débriefing et des attitudes positives envers l’entraînement des CC. Ces résultats nous informent de l’importance du climat de débriefing. Comme annoncé dans l’introduction, ceci soulève la question de la formation des formateurs à la simulation et plus spécifiquement au débriefing. Selon la théorie de l’attachement de Bowlby, une qualité essentielle d’un bon instructeur pour promouvoir l’apprentissage en simulation serait la capacité de construire un espace sûr et sécurisé dès le briefing et maintenu à la fois pendant le scénario et le débriefing afin de limiter l’anxiété des apprenants [30]. Cela requiert, comme pour une bonne entrevue médicale, l’établissement d’un cadre de sécurité, confidentialité et confiance [31]. Une mesure du SEP à plus long terme est à envisager afin de connaître son maintien dans le temps et surtout au moment des premiers contacts avec la pratique. Dans le cadre de notre dispositif, cela correspondrait à une échéance de six mois après la fin de leur ECC (début de leur premier stage clinique).

Le fait que les attitudes des étudiants envers l’apprentissage des CC soient en moyenne très positives est une bonne chose puisqu’on sait que la valeur perçue d’une formation [32] est associée à son transfert dans la pratique. S’intéresser aux attitudes de nos étudiants envers les CC et pas uniquement à leurs comportements de communication nous semble pertinent. En effet, il arrive que certains étudiants réalisant un bon jeu de rôle (selon les standards des guides Calgary-Cambridge [22,23]) fassent ensuite preuve, lors du débriefing, de comportements opposés à ceux enseignés dans ces guides (par exemple : interrompre le patient, montrer des signaux non verbaux d’impatience, etc.). Cela soulève la question de ce qu’on évalue en simulation : des comportements réels ou des comportements simulés ? Et si les comportements adoptés lors du jeu de rôle sont simulés, seront-ils ensuite transférés dans la pratique ? Il nous semble qu’outre l’analyse des comportements présents en jeux de rôle, inviter les étudiants à des activités réflexives lors du débriefing et proposer des questionnaires évaluant leurs attitudes peut s’avérer un bon complément [33]. Surtout, si la simulation est destinée à des fins d’évaluation, varier les outils d’évaluation et ne pas se limiter à des listes de vérification comportementales (par exemple, en examinant également les attitudes des apprenants) nous semble essentiel. Dans le cadre de cette étude, nous avons investigué les attitudes des étudiants envers l’entraînement aux CC à l’aide de deux items qui nous ont permis de conclure que nos étudiants accordent de la valeur à l’entraînement et que cette initiation leur a donné envie de continuer à développer leurs CC. Toutefois, d’autres outils plus complets de mesure des attitudes envers les CC existent. Le « Communication Skills Attitude Scale » (CSAS [34]) a par exemple été fortement utilisé et de nombreuses fois validé [3539]. L’utiliser nous permettrait de mieux percevoir l’effet de notre dispositif d’entraînement aux CC sur les attitudes de nos étudiants envers les CC. En outre, puisque le deuxième objectif visé par notre ECC est de faire prendre conscience aux étudiants de leurs croyances et attitudes envers les CC, cet outil pourrait être intéressant au sein de notre dispositif pour les aider à prendre conscience de leurs attitudes préexistantes envers les CC, et avoir ainsi une base sur laquelle pouvoir discuter avec eux. Toutefois, ce questionnaire n’existe pas en version francophone et une perspective future serait de le faire valider en français.

Cette étude possède des limites. Premièrement, les réponses des étudiants pourraient être influencées par un biais étant donné que les enseignants sont également les chercheurs. Toutefois, nous avons pris des précautions afin de minimiser ce biais ; nous avons précisé aux étudiants que leurs réponses n’auraient aucune incidence sur leurs notes, mais qu’elles avaient pour unique objectif d’évaluer le dispositif pédagogique en vue de l’améliorer. En outre, il leur a été garanti que les réponses seraient analysées au quadrimestre suivant, après la remise de leur note finale pour le cours de psychologie médicale. Enfin, une limite inhérente à notre dispositif pédagogique est que les particularités de notre contexte d’enseignement ne permettent pas une continuité de l’entraînement des CC de nos étudiants. Or, des auteurs [14] constatent justement un déclin des compétences et attitudes en matière de communication malgré l’implantation d’apprentissages expérientiels, résultant d’un manque d’intégration des dispositifs précliniques d’entraînement aux CC avec l’apprentissage clinique, en milieu professionnel. Une perspective serait donc de mieux intégrer l’entraînement des CC dans des situations cliniques réelles [40].

Conclusion

Le climat de débriefing instauré dans notre entraînement semble avoir été évalué de manière positive par la majorité des étudiants. La qualité de ce climat semble liée à des scores élevés de SEP et d’attitudes positives rapportés après l’entraînement. Cette étude exploratoire invite à s’intéresser davantage à ces variables (évaluation du débriefing, SEP, attitudes des étudiants) et leur lien avec le transfert des compétences communicationnelles entraînées vers la pratique.

Contributions

Hélène Givron a écrit le manuscrit, recueilli les données, effectué les analyses statistiques et procédé à l’interprétation des résultats. Martin Desseilles a coordonné la démarche de sollicitation de l’approbation éthique par le comité d’éthique, conçu le protocole de recherche et participé à la révision du manuscrit

Approbation éthique

Cette étude a été approuvée par le comité d’éthique local des Cliniques Universitaires Université catholique de Louvain – Site de Mont-Godinne et menée conformément à la déclaration d’Helsinki.

Liens d’intérêts

Aucun auteur ne déclare de conflit d’intérêts en lien avec l’objet de cet article.

Remerciements

Nous remercions Marcy Rosenbaum d’avoir pris connaissance de notre matériel de travail et de nous avoir recommandé l’utilisation d’une méthodologie rétrospective avant/après pour mesurer le sentiment d’efficacité de nos étudiants. Merci également à nos étudiants pour le temps qu’ils ont passé à remplir notre questionnaire.

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Citation de l’article : Givron H., Desseilles M. Entraînement aux compétences communicationnelles : évaluation d’un débriefing et analyse de son lien avec le sentiment d’efficacité personnelle et les attitudes d’étudiants en médecine. Pédagogie Médicale 2019:20;155-162

Liste des tableaux

Tableau I

Variables évaluées, items et options de réponses associées.

Liste des figures

thumbnail Figure 1

Structure des cinq heures d’entraînement aux compétences communicationnelles.

Dans le texte
thumbnail Figure 2

Moyennes des scores rétrospectifs de sentiment d’efficacité personnelle avant/après entraînement aux compétences communicationnelles. Note. *p < 0,05.

Dans le texte

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