Numéro |
Pédagogie Médicale
Volume 20, Numéro 1, 2019
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Page(s) | 35 - 42 | |
Section | Concepts et Innovations | |
DOI | https://doi.org/10.1051/pmed/2019029 | |
Publié en ligne | 20 janvier 2020 |
Concepts et Innovations
Portée pédagogique de Facebook à travers un programme de formation à base de caricatures
Educational value of Facebook through a training program based on caricatures
1
Faculté de médecine de Sousse, Université de Sousse,
Sousse, Tunisie
2
Service d’anesthésie réanimation, CHU Sahloul de Sousse,
Sousse, Tunisie
3
Service de médecine de travail, CHU Farhat Hached de Sousse,
Sousse, Tunisie
4
Service d’hygiène, CHU Sahloul de Sousse,
Sousse, Tunisie
5
Service de microbiologie, CHU Sahloul de Sousse,
Sousse, Tunisie
* Correspondance et offprints: Imène KACEM, Faculté de médecine Ibn Jazzar de Sousse, 4000 Sousse, Tunisie. Mailto : kacem.imane@live.fr.
Reçu :
11
Janvier
2018
Accepté :
7
Novembre
2019
Commentaires éditoriaux formulés aux auteurs le 21 octobre 2018 et le 1er décembre 2019
Contexte : Les technologies de l’information et de la communication (TIC) offrent des nouvelles avenues pédagogiques dont la portée demeure peu connue. Leur combinaison avec les caricatures, dotées d’une grande attractivité humoristique, pourrait favoriser la mémorisation et l’apprentissage. But : Évaluer la portée pédagogique de Facebook à travers un programme de formation basé sur les caricatures. Méthodes : Il s’agit d’une étude interventionnelle pré-expérimentale réalisée sur une période de 3 mois et incluant tous les internes et les résidents exerçant dans les services chirurgicaux et de réanimation. Après une évaluation initiale sur la transfusion sanguine, un groupe a été créé sur « Facebook » incluant tous les participants et via lequel 25 messages clés sous forme de caricatures ont été diffusés à raison de 3 messages par jour durant une période d’un mois. Finalement, l’évaluation initiale a été refaite. Le critère de jugement principal était le taux de bonne réponse (TBR) par participant. Résultats : Le taux de participation était de 84,6 % lors de la première évaluation et de 80,2 % lors de la deuxième. Au terme de notre intervention, le TBR par participant a augmenté de façon significative (de 52,3 à 66,5 % ; p < 0,001. Concernant les questions considérées comme dangereuses, le TBR a également significativement augmenté passant de 49,5 à 65,9 % avec p < 0,001. Conclusion : L’utilisation d’un moyen de communication tel que Facebook associé à un support d’information tel que les caricatures permettraient d’améliorer significativement les connaissances et constitueraient des outils pédagogiques intéressants et efficaces.
Abstract
Context: Information and communication technologies (ICT) are opening new possibilities as educational tools. Their combination with humorous caricatures could have a greater appeal and could promote memorization and learning. Aim: To evaluate the impact of a training program using caricatures through the Facebook social network on young doctors’ knowledge of transfusion safety. Methods: A peri-experimental interventional study was performed over a 3-month period and included all interns and residents exercising in surgical and reanimation services in Teaching Hospital of Sahloul Sousse. An assessment of young doctors’ knowledge through a questionnaire containing 20 questions related to blood transfusion was performed. Then, a group on the social network "Facebook", including all participants was created. During a one-month period, 25 key messages in the form of caricatures were broadcast on this group due to 3 messages per day. Finally, the initial investigation was redone. The primary endpoint was the correct response rate per participant. Results: The participation rate was 84.6% at the first assessment and 80.2% at the second assessment. After intervention, the rate of correct response was significantly increased from 52.3% ± 15 to 66.5% (P < 0.001). Concerning the questions considered as dangerous, the rate of correct response have also increased significantly from 49.5% in pre-intervention to 65.9% in post-intervention (P < 0.001). Conclusion: The use of a means of communication such as Facebook associated with an information medium such as caricatures can significantly improve knowledge and seem like interesting and effective educational tools.
Mots clés : réseaux sociaux / Facebook / technologies de l’information et de la communication / caricatures / apprentissage
Key words: social networks / Facebook / information and communication technologies / caricatures / learning
© SIFEM, 2020
Introduction
L’évolution considérable des technologies de l’information et de la communication (TIC) au cours de ces dernières années a apporté une nouvelle perspective pour concevoir les dispositifs pédagogiques, notamment au regard de leur impact potentiel sur la motivation intrinsèque des apprenants [1]. Ainsi, en lien avec les éclairages que les théories constructivistes apportent pour penser les activités d’enseignement et d’apprentissage, de nouveaux environnements didactiques et pédagogiques se développent, à la fois conçus à l’aide des TIC et visant à favoriser leur intégration [2].
L’intégration des TIC se manifeste en particulier dans le cadre des réseaux sociaux (RS) qui sont devenus très influents dans notre vie quotidienne et qui touchent toutes les catégories d’âge, notamment les jeunes [3]. Ces RS sont des sites Web dédiés ou des applications, qui permettent aux utilisateurs de communiquer entre eux, de partager des informations en publiant des textes, des vidéos ou des images, ou en postant des commentaires et des messages [4]. Actuellement, parmi le large éventail d’outils des médias sociaux, Facebook est, de loin, considéré comme le plus populaire et connaît le plus fort taux d’utilisation dans le monde [5–7]. En effet, depuis octobre 2012, il est consulté par plus d’un milliard d’utilisateurs actifs par mois et, en 2014, il a été utilisé par 71 % de l’ensemble des internautes [8,9]. L’exploitation des réseaux sociaux comme outil d’apprentissage a suscité beaucoup d’intérêt [6,10,11]. Le type d’activités d’apprentissage qu’ils suscitent se caractérise non seulement par l’autonomie de l’apprenant, mais également par un changement des rôles, l’apprenant pouvant donner la priorité à ses études, choisir ses stratégies d’apprentissage, organiser son horaire, choisir l’information pertinente parmi les ressources offertes, observer, analyser, critiquer ses actions, vérifier son rythme de progression, nommer ses difficultés et surtout maintenir sa motivation tout au long de l’apprentissage [7]. De telles activités sont considérées comme établissant un pont entre les apprentissages informel et formel, permettant ainsi aux étudiants de s’engager dans un processus d’auto-formation quand ils ne sont pas dans la salle de classe et leur offrant la possibilité de l’apprentissage collaboratif [11].
Les RS ont été utilisés à des fins éducatives dans différentes disciplines, à différents niveaux d’apprentissage et sur différents continents [12]. La médecine a aussi été touchée par la révolution de ces réseaux. Selon une étude américaine, 94 % des étudiants en médecine, 79 % des résidents en médecine et 42 % des médecins en exercice utilisent les médias sociaux [13].
L’intérêt de Facebook pour soutenir les apprentissages a fait l’objet de plusieurs publications avec des résultats encourageants [11,14]. Dans une étude syrienne, des étudiants en médecine dentaire recevaient 61 ressources postées à travers un groupe Facebook, dans le cadre d’un programme de formation d’un mois. Deux tiers des étudiants jugeaient cette formation utile permettant une amélioration conséquente de leurs connaissances [10]. Combe Celic [15] a évalué l’intérêt d’un groupe Facebook dans l’enseignement du français à des apprenants de langue étrangère. La grande liberté offerte par cet espace a permis un apprentissage communautaire informel permettant aux apprenants de partager leurs humeurs et goûts, et d’approfondir leur apprentissage de la langue et de la culture française. Selon Madge et al. [14], Facebook est un outil potentiellement utile pour la promotion d’une pratique académique efficace qui favorise la réflexion, le travail avec les pairs et la collaboration. Il est particulièrement attractif par la facilité des interactions et des échanges entre les étudiants et renforce l’esprit de collaboration en développant en parallèle des habiletés sociales.
Ces constatations restent valables pour les apprentissages en médecine. La perception positive des étudiants de deuxième année médecine à l’égard de l’utilisation d’une page Facebook pour soutenir l’apprentissage par problème sur le système urogénital va dans ce sens [3]. La même expérience a été menée par Abood [6] pour l’apprentissage de l’anatomie humaine en recourant aux ressources d’une page Facebook. La plupart des apprenants ont perçu cette approche comme efficace offrant un environnement coopératif sans stress.
Ainsi, la place de Facebook dans l’éventail des TIC mérite-t-elle d’être prise en considération, en raison de sa facilité de mise en place, de l’absence d’administration technique, de sa gratuité, de sa diffusion large, de son interaction avec les autres technologies du web et de sa maîtrise préalable par le plus grand nombre des étudiants. Sa mise en application dans le cadre d’un enseignement hybride présentiel et non présentiel lui confère un potentiel motivationnel [5,12].
D’autre part, l’utilisation d’un outil multimédia lors d’une activité d’apprentissage peut améliorer la compréhension des textes grâce à la présentation d’illustrations [2]. Ces constatations, rapportées par une grande revue de littérature, s’expliquent par l’effet de la présentation simultanée du texte et de l’image sur la construction de la cohérence de la représentation verbale et donc sa mémorisation. Elle favorise également la construction intermodale d’une représentation référentielle, c’est-à-dire à la fois verbale et imagée, ce qui permet de servir de base pour des activités de traitement plus profond comme celles impliquées dans les tâches de transfert [16]. Dans ce contexte, l’image peut revêtir plusieurs aspects tels qu’une figure, un graphique, une carte conceptuelle ou une caricature. Cette dernière se distingue par une grande attractivité grâce à ses dimensions émotionnelle et humoristique, ce qui explique sa large utilisation dans la diffusion des messages et d’informations au public, notamment par la presse écrite.
Dans son article « La bande dessinée peut-elle être pédagogique ? », Tisseron [17] a décrit son expérience avec les caricatures lors de la soutenance de sa thèse en médecine. Convaincu de l’importance des caricatures en tant que « véritable moyen de communication », il a choisi de présenter sa thèse sous forme de bandes dessinées. Il s’est justifié par l’expérience américaine en matière de « caricature en médecine » depuis les années 1900. Le manuel de thérapies comportementales adopté et conseillé par plus de 350 institutions scolaires américaines est rédigé en bandes dessinées. Ce même moyen est employé dans certains hôpitaux pour décrire les problèmes d’une équipe, introduire de nouveaux programmes thérapeutiques ou exposer à des parents les comportements souhaitables à l’égard de leurs enfants [17]. Les caricatures ont été également utilisées afin d’illustrer certaines pathologies. En 1991, Pantoja [18] a caricaturé une radiographie standard comportant une fracture de crâne en insistant sur les principaux signes radiologiques, à savoir une solution de la continuité de l’os, une opacité intracérébrale en rapport avec un fragment détaché et une anisocorie évocatrice d’une hypertension intracranienne, qui a dans ce contexte une valeur d’orientation vers le côté à opérer.
Ces constatations nous ont poussé à examiner l’intérêt d’un dispositif de formation recourant à Facebook, notamment pour la diffusion de messages clés sous forme de caricatures, dédié aux enjeux vitaux de la sécurité transfusionnelle dont les accidents et les erreurs sont parfois graves.
Le thème de la sécurité transfusionnelle est un sujet d’actualité puisqu’il s’intègre dans une démarche de qualité visant la sécurité des malades et la performance du système de santé. Il comporte des enjeux médicolégaux qui sont documentés, notamment dans notre pays. Une telle démarche s’inscrit dans la perspective d’un développement professionnel continu, adossé sur un état des lieux concernant les connaissances et les pratiques des jeunes médecins en matière de sécurité transfusionnelle, tel que le recommande par exemple la Haute autorité de santé française (HAS) [19]. De ce fait, notre étude répond à une exigence de pertinence sociale.
Nous spéculions qu’étant donné l’influence majeure de Facebook dans la vie quotidienne des étudiants, un tel dispositif pourrait avoir un impact positif, notamment à cause de son caractère plus accessible et moins stressant que les outils d’apprentissage à caractère présentiel [4–6,10,11]. Cependant, le nombre important de commentaires et de statuts publiés chaque minute sur les réseaux sociaux fait que beaucoup d’informations passent inaperçues. La combinaison d’informations textuelles avec des caricatures dotées d’une grande attractivité humoristique visait à atténuer le problème de dilution et favoriser ainsi la mémorisation et l’apprentissage.
Dans ce cadre, cette étude a été réalisée afin d’évaluer la portée pédagogique de Facebook à travers un programme de formation comportant des messages publiés sous forme de caricatures portant sur la sécurité transfusionnelle.
Méthodes
Il s’agit d’une étude d’intervention pré-expérimentale de type avant/après, réalisée sur une période de trois mois (de septembre à novembre 2016), portant sur l’ensemble des internes et des résidents effectuant leurs stages dans les services chirurgicaux et de réanimation du centre hospitalo-universitaire Sahloul de Sousse (Tunisie).
Collectifs d’étudiants participant à l’étude
Les internes sont des étudiants inscrits en quatrième année du deuxième cycle des études médicales, qui correspond à une période de formation pratique en vue de préparer le médecin généraliste au futur exercice.
Les résidents sont des étudiants inscrits en troisième cycle des études médicales menant à l’obtention du diplôme de médecin spécialiste, et ce, après avoir réussi un concours national dont le classement conditionne le choix de la spécialité.
Les services chirurgicaux concernés étaient la chirurgie générale, l’orthopédie, la chirurgie esthétique, l’urologie et la chirurgie maxillofaciale.
Tous les jeunes médecins de ces services qui avaient exprimé un consentement oral pour participer à l’étude ont été inclus. Tous les participants ont été informés du déroulement de l’étude, de son objectif, et assurés du respect de l’anonymat et de la confidentialité : les résultats ont été anonymisés, de sorte que la source des données demeure confidentielle. Ont été exclus de ce travail les internes et les résidents qui ont refusé d’y participer, qui étaient absents durant la période de l’intervention (congés annuels, congés de maladie, congés de maternité…) ou qui faisaient leur stage à titre optionnel au moment de l’étude.
Le questionnaire
Cette étude a utilisé un questionnaire préétabli portant d’une part sur les caractéristiques socioprofessionnelles des participants (âge, sexe, état civil, statut, service, spécialité), le rythme des transfusions dans le service où ils effectuaient leur stage, la formation préalable sur la transfusion sanguine qu’ils avaient éventuellement reçue et le contexte de cette formation. Malgré son caractère déclaratif, ne préjugeant pas de la qualité des pratiques réelles, l’enquête par questionnaire a l’avantage d’être souple, peu exigeante en temps et de limiter le biais de désirabilité sociale par rapport à une observation directe des pratiques. L’évaluation des connaissances et des pratiques en matière de transfusion sanguine a été effectuée à l’aide de 20 questions, parmi lesquelles 19 étaient à choix multiples (QCM) et une à réponse ouverte courte (QROC).
Ces questions exploraient trois champs d’apprentissage :
-
les connaissances de base sur la transfusion sanguine ;
-
l’étiquetage, la conservation des produits sanguins labiles (PSL) et la vérification prétransfusionnelle ;
-
la surveillance et la prise en charge des accidents transfusionnels.
Les réponses ont été classées en « bonnes », « fausses » et « dangereuses ». Une réponse « dangereuse » était définie comme étant une réponse fausse à une question traitant un aspect vital, qualifiée également par le comité multidisciplinaire comme étant « question dangereuse ». Les questions de l’enquête ont été élaborées et validées par une équipe multidisciplinaire comportant des anesthésistes réanimateurs, des hématologues, des chirurgiens et un pédagogue. La grille de correction et le classement des réponses en « bonne », « fausse » ou « dangereuse » ont été faits par la même équipe multidisciplinaire. La correction des questionnaires a été faite par un responsable désigné parmi les différents membres de l’équipe multidisciplinaire.
La collecte de données
Notre enquête s’est déroulée en trois phases. La première phase a consisté en une évaluation initiale des connaissances déclaratives des participants à l’aide du questionnaire préétabli. La distribution des questionnaires a été effectuée par l’enquêteur grâce à des contacts directs avec les jeunes médecins, lors de leurs stages dans les différents services cliniques. Au cours de ces contacts, l’enquêteur a étayé l’intérêt de l’étude et a clarifié le contenu des différents items aux participants. Par la suite, les questionnaires remplis ont été récupérés directement auprès des participants dans des enveloppes fermées. Pour chaque service concerné par l’étude, un résident a été désigné pour distribuer, puis récupérer les questionnaires.
La deuxième phase a consisté à diffuser un programme de formation à travers le réseau social « Facebook ». Pour cela, un groupe privé nommé « La sécurité transfusionnelle » a été créé sur le réseau « Facebook ».Tous les participants ont été invités à joindre ce groupe. Ceux qui n’avaient pas de compte ont été priés de s’inscrire sur « Facebook ». Par la suite, 25 messages clés sous forme de caricatures ont été diffusés sur ce groupe à raison de deux à trois messages par jour durant une période d’un mois. La liste des messages clés a été établie et validée par l’équipe multidisciplinaire. La préparation des caricatures a été réalisée par un membre de l’équipe d’anesthésie et validée par l’équipe. Des exemples sont fournis en Annexe 1. Les apprenants ont été appelés à interpréter et commenter les caricatures diffusées sous la supervision directe d’un médecin anesthésiste membre de l’équipe multidisciplinaire qui intervenait pour animer le groupe et canaliser les discussions.
Enfin, la troisième phase a débuté un mois après la fin du programme de formation. Le même questionnaire a été redistribué. Une question a été rajoutée concernant l’opinion des participants vis-à-vis de cette formation.
Analyse des données
Le critère de jugement principal de cette enquête était le taux de bonne réponse (TBR) par participant défini comme étant le nombre de réponses correctes formulées par chaque participant, rapporté au nombre total de questions multiplié par 100. Les critères de jugement secondaires étaient le TBR par question et le TBR par question « dangereuse ». Le TBR par question a été défini par le nombre de réponses correctes par question, rapporté au nombre total des participants multiplié par 100.
Les données ont été saisies et analysées à l’aide du logiciel SPSS dans sa version 20.0. Nous avons calculé les fréquences et les pourcentages pour les variables qualitatives, ainsi que les moyennes, les écart-types, les médianes et l’étendue des valeurs extrêmes pour les variables quantitatives. Pour la comparaison des moyennes, nous avons utilisé le test « t » de Student pour la comparaison de deux moyennes de séries indépendantes et le test « F » de Snedecor d’analyse de la variance paramétrique (Anova univariée) pour la comparaison de plusieurs moyennes. La comparaison des fréquences a été réalisée avec le test Chi2 de Pearson. L’étude de la liaison entre deux variables quantitatives (par exemple score et âge) a été effectuée grâce à l’utilisation de test de corrélation de Pearson. Pour tous les tests statistiques, le seuil de probabilité (« p ») a été fixé à 0,05.
Résultats
Parmi les 91 jeunes médecins concernés par l’étude, 77 ont répondu au premier questionnaire, soit un taux de participation de 84,6 % et 73 ont répondu au questionnaire post-intervention, soit un taux de participation de 80,2 %.
L’âge moyen de notre population était de 27,5 ± 2,9 ans avec des extrêmes allant de 24 à 35 ans. Une prédominance féminine était notée à un taux de 0,71. La population étudiée était répartie en 39 internes (50,7 %) et 38 résidents (49,3 %) avec une majorité qui effectuaient leurs stages au service d’anesthésie-réanimation (44,2 %).
Dans notre étude, plus de la moitié des participants, soit 63,6 % d’entre eux, affirmaient prescrire des transfusions sanguines au cours de leur activité hospitalière au moins deux fois par semaine. Seuls 17,8 % des participants avaient reçu une formation sur la sécurité transfusionnelle en dehors de leur cursus universitaire, principalement sous forme de cours de préparation à la spécialisation en médecine. L’ensemble des données socioprofessionnelles sont résumés dans le tableau I.
Lors de la première évaluation, 67 % des participants ont répondu correctement à plus de la moitié des questions alors que 94,5 % ont répondu correctement à plus de la moitié du questionnaire après l’intervention.
Au terme de notre intervention, le TBR par participant a augmenté de façon statiquement significative passant de 52,3 % ± 15 à 66,5 % ± 13,7 (p < 0,001). Le TBR a significativement augmenté pour les dimensions 1 et 2 après l’intervention (tableau II).
Concernant les questions considérées comme dangereuses, le TBR par question a significativement augmenté passant de 49,5 % ± 17,7 en pré-intervention à 65,9 % ± 19,7 en post-intervention (p < 0,001). L’évolution des TBR par question est résumée dans le tableau III.
Après régression logistique binaire multiple avec comme variables d’ajustement le rythme transfusionnel et la formation antérieure en matière de sécurité transfusionnelle, les réponses aux questions 2, 3, 4, 11, 18 et 20 étaient significativement améliorés après l’intervention.
La majorité des participants (65,8 %) a jugé que cette formation était bénéfique.
Caractéristiques socioprofessionnelles des participants.
Évaluation des connaissances des participants par dimensions.
Évolution des taux de bonnes réponses par question.
Discussion
Principaux résultats
Il s’agit d’une étude d’intervention pré-expérimentale de type avant/après, portant sur l’ensemble des jeunes médecins effectuant leurs stages dans les services chirurgicaux et de réanimation du centre hospitalo-universitaire Sahloul de Sousse (Tunisie) et ayant pour objectif l’évaluation de l’intérêt pédagogique de Facebook à travers un programme de formation basé sur des caricatures.
Ce travail ne manque pas d’originalité puisqu’il traite des problématiques peu ou pas étudiées en recherche. En effet, l’apport pédagogique des réseaux sociaux tels que Facebook n’est pas encore bien connu et quelques publications seulement portant sur ce sujet sont disponibles. De plus, à notre connaissance, l’utilisation des caricatures comme support pédagogique en médecine ne semble pas avoir été abordée auparavant.
Nos résultats montrent que les connaissances et les attitudes des jeunes médecins en matière de sécurité transfusionnelle sont sujettes à d’importantes lacunes. Au terme de cette étude, le TBR par participant avant l’intervention était de 52,3 ± 15 % avec des extrêmes allant de 5 à 85 %. Il semble que la formation universitaire en matière de sécurité transfusionnelle n’est pas suffisante témoignant ainsi de la nécessité d’une révision des méthodes et du contenu de l’apprentissage traitant les objectifs relatifs à la sécurité transfusionnelle.
À la fin de notre intervention, le TBR par participant a augmenté de façon significative passant à 66,5 ± 13,7 (p < 0,001).Par ailleurs, on a noté une légère diminution du TBR pour trois questions. Ceci peut être expliqué par le fait que ces trois questions relèvent des domaines psychomoteurs et psychoaffectifs. Elles pourraient par conséquent être plus adéquatement traitées dans le cadre d’autres dispositifs d’enseignement et d’apprentissage, tel que, par exemple, la simulation.
Le recours aux TIC en tant qu’outil d’apprentissage offre un environnement interactif où l’apprenant est responsable de son acte d’apprentissage, rompant ainsi avec les méthodes traditionnelles de l’enseignement [15]. C’est ainsi que l’apprenant est amené à s’informer, s’activer, se motiver, interagir, produire et collaborer afin d’apprendre la résolution des problèmes et l’acquisition des connaissances [20]. En effet, l’apprentissage est plus efficace s’il est constructif, cumulatif, autorégulé, intentionnel, situé et collaboratif concordant avec ce qu’offrent les TIC [2]. L’intervention basée essentiellement sur l’exploitation de « Facebook » et des caricatures, qui a permis d’améliorer significativement les connaissances des jeunes médecins en matière de transfusion sanguine, semble accréditer les bénéfices de l’intégration des TIC en formation.
Limites de l’étude
Ce travail présente certaines limites qui doivent être considérées dans l’interprétation des résultats. Certaines sont liées la taille limitée de l’échantillon et au délai assez réduit pour la réévaluation (trois mois). Ce délai court ne nous permet pas de préjuger de la durabilité des apprentissages. Cependant, un délai d’étude plus long pourrait diminuer le taux de participation puisque que les internes se dispersent rapidement à d’autres stages dans de multiples lieux.
Une autre limite de cette étude est l’outil d’évaluation (le questionnaire) qui n’est valable que pour l’évaluation des connaissances acquises par les participants et ne permet pas d’explorer l’acquisition des compétences. Par ailleurs, les qualités psychométriques du questionnaire n’ont pas été formellement vérifiées. Elles ont simplement fait l’objet d’une validation par consensus d’un groupe multi-professionnel d’experts.
La dernière limite de notre étude est le biais de réexposition puisqu’on a utilisé le même questionnaire en pré- et post-intervention. Cependant, compte tenu de l’intensité du stage et des apprentissages qui y sont réalisés, ainsi que la modification de l’ordre des questions à la deuxième collecte, nous estimons que ce biais est suffisamment contrôlé.
Conclusion
Notre intervention qui a évalué deux outils d’apprentissage à savoir « Facebook » comme moyen de TIC et les caricatures comme support d’information, a permis d’améliorer significativement les apprentissages des jeunes médecins en matière de sécurité transfusionnelle. Ces résultats plaident en faveur d’une large utilisation des réseaux sociaux dans le domaine des sciences de la santé. C’est une option déjà dictée par l’obligation de suivre l’évolution de la société qui connaît des mutations aussi bien rapides que profondes dans les domaines technologiques mais également économique et politique. Ces deux derniers sont particulièrement influencés par la « caricaturisation » de l’information, chose qui semble être également valable en sciences de la santé.
Contributions
Mohamed Kahloul a participé à la conception de l’étude, à la préparation et à la rédaction du manuscrit ; Imène Kacem a participé à l’interprétation des résultats, à la préparation et à la rédaction du manuscrit ; Olfa El Maalel, Maher Maoua et Mohamed Said Nakhli ont participé à la révision du manuscrit ; Mohamed Ben Rejeb a participé à conception méthodologique et à l’analyse statistique ; Maissa Thabet a participé à la préparation des caricatures et à la collecte des données ; Raoudha Chrigui a participé à la collecte des données ; Olfa Bouallague a participé à l’approbation finale du manuscrit ; Nejib Mrizak a participé à la révision du manuscrit et à la supervision du travail ; Walid Naija a participé à la révision du manuscrit et à l’administration du projet.
Liens d’intérêts
Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêts en lien avec le contenu de cet article.
Approbation éthique
Non sollicitée.
Annexe 1 Exemples de caricatures utilisées dans le dispositif de formation via Facebook
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Citation de l’article : Kahloul M., Kacem I., El Maalel O., Rejeb M.B., Thabet M., Maoua M., Nakhli M.S., Chrigui R., Bouallague O., Mrizak N., Naija W. Portée pédagogique de Facebook à travers un programme de formation à base de caricatures. Pédagogie Médicale 2019:20;35-42
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