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Numéro
Pédagogie Médicale
Volume 23, Numéro 3, 2022
Page(s) 151 - 153
Section Tribune
DOI https://doi.org/10.1051/pmed/2022026
Publié en ligne 28 septembre 2022

© SIFEM, 2022

Introduction

En quelques semaines, la pandémie de Covid-19 a déclenché des mesures urgentes transnationales sans précédent dans le monde entier et entraîné le confinement de plus de la moitié de l’humanité. Après une première vague forte, les activités ont repris progressivement et inégalement, selon les régions et l’évolution de la pandémie. En dépit d’une amélioration très significative des indicateurs dans de nombreux pays, la période qui s’ouvre est pleine d’incertitudes, certaines régions du globe restant très vulnérables ; elle est le reflet de nos connaissances actuelles et méconnaissances, sur le virus lui-même, sa physiopathologie ou sa pathogenèse, sur les ressorts de sa dissémination en population ou sur les stratégies de prévention les plus efficaces.

Les facultés de médecine gèrent au mieux cette période inédite et doivent anticiper et préparer la suite en tenant compte de cette nouvelle réalité. La formation en santé mondiale offre une opportunité forte de préparer les futurs professionnels de santé pour faire face aux conséquences et changements qui découleront de la crise et travailler à réduire les inégalités sociales de santé. En s’engageant ou en intensifiant leur politique de formation en santé mondiale, les facultés de médecine répondraient aux attentes de la société au regard du rôle actif qui est attendu d’elles dans la réponse aux crises, tout en étant des exemples de responsabilité sociale.

Concepts en santé mondiale

La notion de santé mondiale (Global Health dans la littérature internationale) apparaît pour la première fois en 1997 dans un rapport publié par l’Institute of Medicine, instance scientifique américaine. Elle désigne l’ensemble des enjeux de santé humaine qui transcendent les frontières nationales. Différentes définitions de la santé mondiale sont apparues ces dernières années. La définition princeps fut celle proposée par Koplan, insistant sur la nécessité d’appréhender les problèmes de santé par une approche transnationale, qui est au cœur de la pandémie Covid-19, de prendre en compte l’ensemble des déterminants environnementaux et sociaux de la santé (au-delà du seul système de soins) et d’apporter une réponse globale et multilatérale [1].

La santé mondiale s’est progressivement structurée comme une discipline reconnue, avec ses concepts novateurs, ses champs disciplinaires (santé, mondialisation, transition démographique, risques d’épidémie et de pandémie, gouvernance, fardeau des maladies chroniques, politiques de santé, etc.), ses spécialistes en santé mondiale, sa pluridisciplinarité (santé publique, sciences humaines et sociales, économiques, politiques et environnementales), sa pluri-sectorialité et une large diversité d’acteurs, car les enjeux de santé sont aussi liés à̀ l’éducation, à la culture, au climat, à l’environnement, etc. Elle engage à la fois les acteurs publics nationaux et internationaux, les professionnels de santé, les chercheurs de multiples disciplines, les organisations non gouvernementales et associatives, le secteur privé et les citoyens [1].

La santé mondiale à l’épreuve de la Covid-19

La santé mondiale est aujourd’hui face à de nouveaux défis. Les transitions démographiques, le changement climatique, les situations de conflits et d’instabilité, la mondialisation rapide et la mobilité de plus en plus grande facilitent l’émergence ou la réémergence de nouveaux agents pathogènes à potentiel épidémique et pandémique, et les résistances antimicrobiennes constituent de réels enjeux pour la santé mondiale.

La crise actuelle souligne les imperfections des politiques publiques de santé un peu partout sur la planète, incluant son financement, l’existence de systèmes de santé à deux vitesses, une trop forte prévalence du curatif au dépend du préventif, le racisme systémique avec ses conséquences délétères sur les soins aux minorités culturelles, ainsi que les déficiences dans les autres politiques sociales qui ont aussi un impact sur la santé. Les politiques de santé mondiale ne devraient pas être seulement conçues pour une réponse aux menaces ponctuelles, au cas par cas, mais elles devraient adopter une approche plus large, dans une démarche continue de la santé, plus systémique, du fardeau mondial des maladies, des risques et des déterminants de santé et des politiques en santé, associant des engagements significatifs pour la sécurité et la gestion des risques pour la santé [2].

Face à cette situation de crise sanitaire qui s’installe pour plusieurs mois (voire des années, notamment en raison de la vraisemblance d’autres crises sanitaires à venir), les acteurs de santé mondiale doivent définir et adopter, au-delà des frontières, des stratégies cohérentes et autant que possibles probantes. Les facultés de médecine doivent jouer un rôle important dans la réponse à la pandémie ainsi que dans les autres crises présentes et à venir, en préparant la relève, pour comprendre les enjeux auxquels elle devra faire face et mieux la préparer à y répondre.

Pour préparer cette relève et lui donner les outils pour offrir une réponse adéquate, sensible et humaine, aux besoins diversifiés des populations, les facultés de médecine devront offrir une formation qui inclura de solides connaissances autant cliniques que sociales, associées à des habiletés et compétences, telles que les compétences culturelles, l’ouverture d’esprit, la compassion et la sensibilité culturelle. Les facultés de médecine devraient aussi se préoccuper de développer l’intérêt de la relève à s’engager socialement, l’inciter à participer aux discussions publiques et contribuer à faire avancer la réflexion pour viser la réduction des inégalités sociales de santé.

Plaidoyer pour la formation en santé mondiale

Le défi de la santé mondiale offre des pistes pour développer le profil du professionnel de santé capable de le relever. Les effets de l’enseignement de la santé mondiale chez les étudiants en médecine ont été bien documentés. La plupart des études rapporte des effets bénéfiques de la participation à un programme de santé internationale ou de santé mondiale qui, le plus souvent, comprenait une formation académique et un stage à l’étranger. Les principaux effets rapportés sont une meilleure compréhension des déterminants de santé, le développement des habiletés cliniques, une utilisation plus efficiente des ressources disponibles, une plus grande sensibilité culturelle avec un respect des cultures et une considération des facteurs culturels dans la dispensation des soins et la communication interculturelle, une plus grande implication dans les décisions, une plus grande appréciation de la santé publique et la valorisation de la participation communautaire [3,4].

Actuellement, les enseignements en santé mondiale existent sous différentes approches. Ils peuvent être inclus dans le tronc commun de la formation médicale, ils peuvent aussi être proposés sous une forme optionnelle. Certains s’adressent à̀ des professionnels de santé en formation professionnelle continue, d’autres aux étudiants en formation initiale [5].

Plusieurs facultés de médecine canadiennes se sont engagées ces dernières années à former les étudiants à la fois en santé mondiale et en responsabilité sociale [5]. Cette ambition de structurer la formation à la responsabilité sociale et à la santé mondiale est une réponse déterminante pour former des futurs professionnels qui auront, entres autres, l’aptitude d’anticiper les réponses de santé face à des crises sanitaires.

Afin de tirer tous les bénéfices de cet enseignement, il sera important de prendre en considération plusieurs critères déterminants bien définis, telles que la durée de l’exposition, la sélection de milieux de stage, la participation à une préparation au départ et au retour s’il s’agit d’un stage, ainsi qu’un encadrement favorisant la réflexion.

Malgré cela, plusieurs défis sont toujours présents. Dans un atelier tenu lors de la conférence du Réseau international francophone pour la responsabilité sociale en santé (RIFRESS) en 2019, des étudiants de différents niveaux de formation médicale, des enseignants et décideurs de divers pays ont soulevé certaines préoccupations, entre autres par rapport à l’équité dans l’accès à une exposition de qualité en santé mondiale pour tous les étudiants en santé, quels que soient leur pays ou milieu d’origine. La réciprocité des échanges a aussi été nommée comme un enjeu, dans un contexte d’asymétrie entre certains pays, en raison des conditions économiques.

Les nouvelles normes d’agrément imposeront aux facultés de médecine d’introduire ou de développer la santé mondiale dans leur cursus. Afin que cette formation permette aux étudiants d’être mieux préparés à répondre dans leur quotidien aux besoins diversifiés des populations, il est essentiel qu’ils prennent conscience des inégalités sociales qui existent, tant dans leur communauté qu’à l’échelle planétaire, et qu’ils développent toutes les compétences qui découleront de cette exposition, incluant leur ouverture à la richesse interculturelle, un intérêt à servir les populations les plus vulnérables, le sens de l’engagement et le souci de justice sociale. Pour y arriver, il sera crucial de bien définir les éléments essentiels à la dispensation d’un enseignement de santé mondiale de qualité.

Conclusion

Un des premiers enseignements de la pandémie Covid-19 nous convainc de la nécessité de poursuivre ou de développer rapidement des filières de formation structurées, multidisciplinaires et habilitées, contribuant à un curriculum en santé mondiale pour les étudiants du domaine de la santé. Cette formation est essentielle et devrait être largement développée et accessible à tous. Des critères et des normes doivent être développés afin de s’assurer que les étudiants pourront en tirer un maximum de bénéfices, tout en évitant de possibles effets délétères concernant les milieux d’accueil ou la construction de préjugés, par exemple. Malgré cela, plusieurs défis resteront présents en ce qui a trait, particulièrement, à l’accès et à la réciprocité, quels que soient les milieux ou les pays.

Des arguments convaincants, forgés au regard de la santé publique, ou de cadres conceptuels professionnels, pédagogiques, économiques et sociétaux plaident en faveur de l’intégration et du renforcement des programmes de santé mondiale dans les établissements de formation du domaine de la santé. La pandémie Covid-19, par son ampleur, son retentissement et ses conséquences mondiales multiples en est un dramatique rappel.

Contributions

Les deux auteurs ont contribué de façon solidaire à l’élaboration du manuscrit.

Liens d’intérêts

Aucun auteur ne déclare de conflit d’intérêts en lien avec le contenu de cet article.

Approbation éthique

Non sollicitée car sans objet.

Références

  1. Koplan JP, Bond TC, Merson MH, Reddy KS, Rodriguez MH, Sewankambo NK, et al. Towards a common definition of global health. Lancet 2009;373:1993‐5. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
  2. Paul E, Brown GW, Ridde V. COVID-19: time for paradigm shift in the nexus between local, national and global health. BMJ Global Health 2020;5:e002622. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
  3. Ramsey AH, Haq C, Gjerde CL, Rothenberg D. Career influence of an international health experience during medical school. Fam Med 2004;36:412‐6. [PubMed] [Google Scholar]
  4. Battat R, Seidman G, Chadi NY, Chanda M, Nehme J, Hulme J, et al. Global health competencies and approaches in medical education: a literature review. BMC Med Educ 2010;10:94. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
  5. Purkey E, Hollaar G. Developing consensus for postgraduate global health electives: definitions, pre-departure training and post-return debriefing. BMC Med Educ 2016;16:159. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]

Citation de l’article : Ladner J, Giard J. La pandémie Covid-19 : une opportunité pour développer la formation en santé mondiale. Pédagogie Médicale 2022:23;151-153

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