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Editorial
Numéro
Pédagogie Médicale
Volume 22, Numéro 3, 2021
Page(s) 101 - 102
Section Éditorial
DOI https://doi.org/10.1051/pmed/2021026
Publié en ligne 11 novembre 2021

Une contribution originale de Lajzerowicz et ses collègues, qui parait dans la présente livraison du journal [1], vient mettre en lumière la problématique des risques psycho-sociaux auxquels sont exposés les étudiants en santé au cours de leurs études.

De fait, abandon des études, taux de suicide supérieur à celui de la population générale, explosion du burnout, stress, addictions, sur le plan international les difficultés des étudiants en santé sont à présent bien connues. Ce n’était pas toujours le cas jusqu’à il y a peu, mais l’explosion du nombre d’articles consacrés à cette problématique ces dernières années et les répercussions de la pandémie, qui ont accentué la plupart des difficultés, confirment s’il en était besoin, l’urgence à s’en préoccuper.

Il y a deux ans, la France avait décidé de se doter d’un Centre national d’appui à la qualité de vie des étudiants en santé, qui s’est fait connaitre sous l’acronyme CNA [2], afin d’avancer rapidement dans un domaine où jusqu’alors, en dehors de quelques expériences locales, peu avait été fait sur le plan national.

Si malgré ce qui a été mis en place, même dans des pays précurseurs dans ce domaine, les difficultés perdurent voire s’aggravent, c’est bien qu’il ne s’agit pas d’une problématique simple à traiter.

Malgré une prise de conscience internationale des problèmes des étudiants, le paradigme avec lequel ils sont abordés diffère.

L’aspect systémique des difficultés, ces dernières relevant de déterminants à la fois structurels (les programmes de formation et leur application, la sélection des étudiants, les conditions d’apprentissage en stage, …), personnels et sociétaux (difficultés des systèmes de soins, des professionnels séniors, des aspirations de la société, …), complique la tâche. De la prévention primaire à la prévention tertiaire du mal-être et de l’échec académique (ou de l’abandon des études), les interventions doivent être diverses et complémentaires et aller au-delà d’une vision et d’interventions simplistes qui viseraient à dépister « l’étudiant fragile » et à l’emmener consulter un psychiatre. Mettre un psychiatre ou un psychologue auprès de chaque étudiant (même si l’augmentation de leur nombre au plan national est une nécessité absolue) ne permettra malheureusement pas de solutionner le mal-être des étudiants : en le formulant ainsi, il s’agit de souligner de nouveau qu’il faut s’attaquer aux difficultés structurelles et au développement des formations à la qualité de vie des étudiants en santé pour les étudiants et pour les enseignants.

La menace d’un effet Werther (épidémie de suicides par imitation) lorsque des suicides surviennent ne doit pas occulter l’absolue nécessité d’aborder cette problématique et de la traiter en tenant compte de l’ensemble des causes de ce mal-être.

Ce que vivent les étudiants relève d’une problématique socio-psycho-pédagogique.

Sans détailler les 15 engagements interministériels pris par le gouvernement français en 2018 [3] à la suite du rapport sur la qualité de vie des étudiants en santé [4], qui demeurent d’actualité, et sans attendre les résultats en cours d’analyse de l’étude CNA-CORE des répercussions de la pandémie sur les étudiants [5], l’expérience du CNA n’a fait que renforcer la nécessité de travailler ensemble, étudiants, enseignants et experts, en partageant les expériences respectives, et en soulignant la nécessaire inter-professionnalité de la démarche. Les apports des expériences internationales et d’autres milieux de formation, ainsi que celles provenant des sciences humaines, se sont révélées si enrichissantes qu’il serait incohérent de ne pas y faire référence pour la suite des interventions.

La pandémie, la marchandisation du mal-être étudiant par des associations de « bénévoles » proposant leurs services (parfois en conflits d’intérêts réels) et les décisions prises concernant la place des étudiants lors d’une crise sanitaire, ont soulevé des questionnements éthiques qui devraient aboutir à des recommandations sur le plan international. À cette crise sanitaire s’est ajoutée une montée de la précarité pour de nombreux étudiants, aboutissant à une diminution de l’équité dans les études, si flagrante qu’elle n’est même plus dite.

De plus, tous connaissent désormais les effets délétères de l’absence d’encadrement pédagogique « grâce » à la pandémie et à « l’enseignement distancié ».

Et maintenant ?

La prise en compte des problèmes des étudiants en santé est un véritable challenge pour les institutions et les gouvernements, sur un temps qui ne peut être qu’un temps long, ponctué d’étapes plus rapides afin que les premiers résultats permettent aux étudiants et aux enseignants de garder espoir.

Des étudiants de toutes les formations ont été en difficulté lors de la pandémie et le sont encore. L’étude CNA-CORE a souligné les spécificités des étudiants en santé, en termes de contact avec la mort et d’obligation pour certains à travailler, en se mettant, et parfois leur famille également, en danger.

Prendre en compte les spécificités des difficultés des étudiants en santé ne va pas sans se préoccuper de tous les étudiants en diffusant ce qui peut l’être à l’ensemble des étudiants.

Une démarche de réel partage sur le plan international et de priorisation de la prise en compte des difficultés des étudiants en santé, même s’ils ne sont pas tous en souffrance, est fondamentale afin de parvenir à améliorer la qualité de vie des étudiants en santé, des soignants et des patients, en tenant compte des répercussions en termes de santé publique, mais aussi et surtout sur le plan humain pour les étudiants.

Références

  1. Lajzerowicz M, Landi C, Chicoulaa B, Mesthé P, Oustric S, Escourrou E. Perceptions et représentations des étudiants en médecine concernant leur exposition aux risques psychosociaux au cours du deuxième cycle des études médicales en France. Modèle conceptuel du huis clos psychique et enjeux pédagogiques. Pédagogie Médicale 2021. https://doi.org/10.1051/pmed/10232021019. [Google Scholar]
  2. Ministère des solidarités et de la santé & Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation (Dossier de presse). Lancement du Centre national d’appui à la qualité de vie des étudiants en santé. 2019. [On-line] Disponible sur : https://cache.media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/Actualites/00/5/DP_Sante_CNA_201907_1157005.pdf. [Google Scholar]
  3. Ministère des solidarités et de la santé & Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation (Dossier de presse). Quinze mesures pour le bien-être des étudiants en santé. 2018. Disponible sur : https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/180403_-_dossier_de_presse_-_bien-etre_sante_des_etudiants.pdf. [Google Scholar]
  4. Marra D. Rapport du Dr Donata Marra sur la qualité de vie des étudiants en santé. Ministère des Solidarités et de la Santé, 2018. [On-line] Disponible sur : https://solidarites-sante.gouv.fr/. [Google Scholar]
  5. Collectif. CNA-CORE. Au cœur de l’accompagnement des étudiants en santé. Impact de la Covid-19 sur les étudiants en santé, les futurs soignants. 2020. [On-line] Disponible sur : https://cna-sante.fr/project/cna-core-texte-vfm/. [Google Scholar]

© SIFEM, 2021

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