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Numéro
Pédagogie Médicale
Volume 18, Numéro 1, Février 2017
Page(s) 31 - 37
Section Concepts et innovations
DOI https://doi.org/10.1051/pmed/2017026
Publié en ligne 15 mars 2018

© EDP Sciences / Société Internationale Francophone d’Education Médicale, 2018

Introduction et problématique

Depuis 2013, les nouvelles dispositions réglementaires relatives à une réforme du deuxième cycle des études médicales en France indiquent explicitement que des compétences professionnelles devraient être développées à l’issue du cycle de formation. L’arrêté du 8 avril 2013 précise que « le deuxième cycle des études médicales a pour objectif l’acquisition des compétences génériques permettant aux étudiants d’exercer [ultérieurement leurs fonctions d’internes] en milieu hospitalier ou en milieu ambulatoire ». Dans ce texte, les compétences, à développer, qualifiées de génériques, sont celles de « clinicien, de communicateur, de membre d’une équipe soignante pluriprofessionnelle, d’acteur de santé publique, de scientifique et de responsable au plan éthique et déontologique. [L’étudiant] doit également apprendre à faire preuve de réflexivité ». Les modalités pédagogiques pour y parvenir et les indicateurs de développement des compétences ne sont pas explicites. Il est toutefois mentionné que les étudiants devront réaliser des apprentissages en contexte de stages hospitaliers et en soins primaires.

Dans le champ de la santé et malgré certaines difficultés conceptuelles ou opérationnelles, l’approche par compétences est considérée par beaucoup comme une orientation pédagogique à privilégier pour la formation professionnelle [13]. À l’Université d’Angers, au sein de notre département universitaire de médecine générale, nous revendiquons ce cadre conceptuel et opérationnel de formation. Parmi les outils pédagogiques les plus souvent proposés, nous animons des séances de formation en « groupes d’échanges et d’analyse de pratiques » (GEAP), considérées comme un dispositif de formation et de perfectionnement fondé sur l’analyse approfondie d’expériences professionnelles authentiques [46]. Le courant de l’analyse des pratiques professionnelles comme démarche de formation a été initié dans les années 1940 par Balint, à la demande de médecins généralistes qui s’éprouvaient en difficulté avec des patients [7,8]. Ce psychanalyste anglais concevait la relation médecin–patient comme déterminante dans le processus de guérison des malades. La pratique réflexive, conceptualisée par Schön en 1983, constitue une autre approche de l’analyse des pratiques professionnelles [7,9]. Elle postule que les savoirs académiques sont peu opérants pour résoudre des problèmes complexes en situation professionnelle et prend en compte le fait qu’une réflexion sur et dans l’action produit un nouveau savoir de type « expérientiel », utile à l’émergence de ce qui est aujourd’hui dénommé sous la notion d’« expertise professionnelle » [3]. Nous admettons dans cette contribution, que cette approche formative et réflexive est appropriée pour la pratique de soins primaires en milieu ambulatoire.

À l’Université d’Angers, un stage de neuf semaines en médecine générale est obligatoire pour tous les étudiants de second cycle depuis 2013. Les orientations conceptuelles et les aspects opérationnels du stage sont présentés aux étudiants en séance plénière avant qu’il ne débute. Pour valider ce stage, les étudiants doivent participer à deux séances d’enseignement de trois heures, répondant au format et aux principes des GEAP. La consigne pédagogique est écrite dans le carnet de stage : « tous les étudiants doivent préparer le récit d’une situation clinique réellement rencontrée en stage et doivent l’exposer à tour de rôle oralement en groupe. Les autres participants posent des questions pour préciser des éléments cliniques, le contexte psychique et social du patient, formulent des hypothèses et commentent la situation avec le concours de l’enseignant présent ». Lorsque l’analyse de la situation paraît exhaustive, l’animateur propose qu’un autre étudiant fasse le récit d’une nouvelle situation.

L’objectif principal de cette étude était de vérifier en quoi des GEAP pouvaient contribuer au développement des compétences génériques attendues en second cycle des études médicales.

Méthodes

Description de la population étudiée

Les participants étaient issus de la population des étudiants inscrits en deuxième cycle (de la troisième à la sixième année – externat – du cursus régulier des études médicales) à la faculté de médecine de l’Université d’Angers, en stage de médecine générale entre février et mars 2014.

Les étudiants étaient répartis en trois groupes d’effectifs homogènes. Les étudiants d’une même année étaient répartis de manière équivalente dans les trois groupes. Chaque groupe était animé par un enseignant de médecine générale.

Un des groupes a été exclu parce qu’il était animé par l’enquêteur principal de l’étude, par souci d’objectivité dans l’analyse des données enregistrées.

Les étudiants se sont répartis de la façon suivante (Figure 1).

Le groupe 1 était constitué de cinq femmes et dix hommes. Le groupe 2 était constitué de 14 femmes et trois hommes.

thumbnail Figure 1

Graphe de flux de la population étudiée.

Modalités pédagogiques

Les étudiants savaient qu’ils devaient participer aux deux séances de GEAP pour valider leur stage. La consigne pédagogique était explicitée au cours de la séance de présentation du stage et il était rappelé :

  • que les étudiants devraient à tour de rôle faire le récit d’une situation clinique réellement rencontrée en stage ;

  • qu’à la fin de chaque récit, les participants poseraient des questions et feraient des commentaires ;

  • que tous les récits seraient analysés.

Recueil et analyse des données

Les données relatives aux processus, aux interactions et aux contenus didactiques, professionnels et scientifiques échangés pendant les séances de GEAP ont fait l’objet d’une étude qualitative à partir d’une observation directe et d’un enregistrement audio-vidéo.

Recueil des données

L’enquêteur principal était présent à chacune des quatre séances (deux séances de trois heures pour chacun des deux groupes inclus), permettant de recueillir des données par observation directe.

Chaque séance a été filmée par deux techniciens présents. L’enregistrement vidéo permettait d’objectiver les modes de communication non verbale et les réactions du groupe. Après anonymisation, la retranscription des séances a été faite mot à mot, constituant le verbatim.

Analyse des données qualitatives

Les résultats ont été obtenus par l’analyse thématique exploratoire du contenu du verbatim, dans une démarche inductive [10]. Au regard de la typologie proposée par Savoie-Zajc [11], l’interprétation des données a été effectuée selon une logique inductive délibératoire : elle s’est appuyée d’une part sur la grille de catégorisation constituée par l’énoncé des sept compétences génériques et de leurs attributs, décrits comme finalités explicites de la formation dans l’arrêté prescriptif de la réforme du deuxième cycle des études médicales (clinicien, communicateur, membre d’une équipe soignante pluriprofessionnelle, acteur de santé publique, scientifique, responsable au plan éthique et déontologique ; praticien réflexif). En revanche les indicateurs permettant d’identifier chacune de ces compétences comme objet d’enseignement et d’apprentissage au cours des GEAP n’avaient pas été recensés a priori (par exemple, dans le cadre d’une liste de vérification) et ils ont été identifiés ad hoc lors de l’analyse des verbatims. Le codage systématique des données brutes issues du verbatim a été réalisé manuellement aboutissant à une hiérarchisation (catégorisation) des résultats.

L’analyse des données a été effectuée par l’enquêteur principal.

Les éléments de communication non verbale ont été analysés au cours du visionnage répété et séquentiel des films.

Dispositions éthiques

Le projet de l’étude a été communiqué et accepté par l’Unité de formation et de recherche en santé de l’Université d’Angers. Le consentement des participants a été recueilli par écrit. Quatre étudiants ont refusé de participer et ont intégré le groupe 3 (exclus de l’étude). Chacun a signé une « autorisation de reproduction et de représentation d’images filmées pour une personne majeure » (article 9 du code civil). Les films ont été hébergés et protégés sur le site Internet de l’Université d’Angers.

Résultats

Au total, les 30 récits de situations cliniques ont été analysés :

  • groupe 1 : sept récits à la première séance (film 1) et 10 à la deuxième séance (film 1bis) ;

  • groupe 2 : sept récits à la première séance (film 2) et six à la deuxième (film 2bis).

L’analyse thématique des contenus des verbatims a permis de documenter que plusieurs compétences génériques ont fait l’objet d’interactions concourant à la dynamique enseignement/apprentissage durant les GEAP. Leur analyse est présentée ci-dessous au regard de chacune d’entre elles.

Développer la démarche clinicienne et appréhender les spécificités de la prise de décision en médecine générale (Tableau 1)

Les étudiants exposaient systématiquement leur démarche clinicienne. Pour la plupart, ils ne lisaient pas de notes et employaient du vocabulaire du langage parlé voire familier pour présenter les situations, au point que l’enseignante 2 les encourageait à « utiliser un vocabulaire adapté » (film 2bis). Ils se lançaient librement dans le récit d’une situation en ne faisant appel qu’à leurs souvenirs. Ils répondaient aux questions posées concernant l’histoire clinique, les modalités de l’entrevue, la présence ou non de signes cliniques particuliers, la personnalité et la présentation générale des patients, le contexte de vie, les commentaires éventuels du maître de stage.

Les étudiants ont mobilisé leurs connaissances déclaratives en répondant, par exemple, à la sémiologie du syndrome du canal carpien (récit 2 film 2), à la cinétique des marqueurs biologiques de l’infarctus du myocarde (récit 6 film 1) et à celle de la séroconversion toxoplasmique pendant la grossesse (récit 7 film 1).

Les animateurs demandaient aux étudiants d’augmenter le nombre des hypothèses, en tenant compte de la notion de prévalence en soins primaires. Ils les encourageaient à repérer dans le discours des patients des motifs « cachés » de consultation.

La notion d’incertitude était fréquemment explorée, quand les maîtres de stage se trouvaient en situation d’incertitude diagnostique ou quand les critères de choix des prescriptions n’étaient pas explicites, ce qui semblait provoquer chez certains étudiants une forte tension cognitive (visages fermés, regard fixe, hochement de tête).

Aucune situation analysée n’était « simple » dans son mode de résolution. La décision médicale ne concernait pas seulement le cadre biomédical. Elle nécessitait de tenir compte du contexte professionnel, familial et psychologique des patients.

Tableau 1

Inventaire des situations cliniques analysées dans le cadre des groupes d’échanges et d’analyse de pratiques au regard de la démarche clinique.

Développer la compétence « communicateur et/ou relation médecin–patient » en éprouvant les effets de la relation avec les patients (Tableau 2)

La prise en compte de la souffrance psychique en médecine générale a été repérée dans cette étude comme l’apprentissage le plus difficile. Les étudiants ont exprimé leurs difficultés à analyser les problématiques psychosociales en consultation. Ils se sont interrogés sur la légitimité du médecin généraliste et sur leur propre aptitude à tolérer cette idée. Elle a provoqué l’expression d’une forte tension cognitive individuelle et collective. Les étudiants ne s’attendaient pas à rencontrer aussi souvent cette question (isolement social, précarité et vulnérabilité, particularités culturelles, etc.) et ils ne se sentaient pas prêts à l’affronter

Tableau 2

Inventaire des situations cliniques analysées dans le cadre des groupes d’échanges et d’analyse de pratiques au regard de la communication et/ou la relation médecin–patient.

Éprouver les effets de la relation médecin–patient

L’enseignante du groupe 2 a questionné les étudiants sur les moyens de « se protéger » de trop d’effets relationnels dans la pratique médicale. Elle les a informés que cette aptitude relationnelle, cette posture d’écoute, « s’apprend aussi » selon elle. Elle a proposé de supporter l’effet d’une rencontre vécue comme « culpabilisante » par une étudiante qui « s’identifiait » à une patiente jeune, enceinte pour la troisième fois. Elle a questionné la capacité à pouvoir « dire non » à un patient ou le risque de générer « une dette affective » : exemple de la consultation d’annonce d’un cancer du sein (récit 10 film 1).

Développer la réflexion éthique (Tableau 3)

Les questions d’ordre éthique ont mis en lumière les perceptions des étudiants. Comment se penser médecin traitant d’un mari violent ? « Et là j’ai eu un gros problème. Malgré, euh, tout mon effort pour ne pas porter de jugement. C’est impossible. J’ai vu en face… j’ai eu envie de lui dire des trucs… » (récit 3 film 2 bis). Ou comment accompagner une femme de 23 ans en situation de précarité morale, sociale et financière et mère de trois enfants, qui annonce à son médecin traitant stupéfait une quatrième grossesse avec un nouveau compagnon ? L’enseignante a insisté sur la nécessité d’adopter une posture professionnelle d’aide et de soutien sans « imposer des normes », en tenant compte des effets de « ses propres représentations ».

Les étudiants ont discuté l’écart entre ce qu’ils imaginaient des fonctions du médecin, c’est-à-dire soigner des patients compliants, guérir, décider pour l’autre, faire des projets de soins, agir vite en une fois, et ce qu’ils ont découvert en stage. En médecine générale, les patients résistent voire s’opposent au médecin, souhaitent décider pour eux-mêmes. Les maîtres de stage soutiennent le choix des patients, tolèrent l’idée que certains vont mourir. Ils s’impliquent dans des suivis au long court, et s’exposent au risque de l’échec thérapeutique.

Tableau 3

Situations centrées sur la réflexion éthique.

Développer la réflexivité des étudiants

Tolérer et s’exposer au regard des pairs

Au début de chaque séance, les étudiants ne prenaient pas spontanément la parole sans y être invités. Ils regardaient peu le dispositif technique, semblaient un peu impressionnés. Les attitudes de certains étudiants se lançant dans un récit témoignaient de la prise de risque qu’ils acceptaient. Peu restaient totalement silencieux pendant toute la séance. Cette posture d’évitement n’a pas permis de renseigner sur la nature des effets positifs ou négatifs de ce type d’enseignement sur eux. Tous les autres étudiants participaient activement à la dynamique de groupe en manifestant leur accord par des hochements de tête approbateurs, des sourires, des regards insistants voire des fou-rires collectifs.

Les étudiants interagissaient facilement sans que l’enseignant n’intervienne. Ils le faisaient pendant ou à la fin d’un récit pour exprimer leur accord ou leur désaccord, ou donner leur point de vue général sur la problématique évoquée dans le contexte du récit.

Ils critiquaient aussi leur cursus de formation, discutant l’intérêt des enseignements des sciences humaines et de la psychologie médicale au tout début de leurs études, en dehors de tout contexte réel de soins.

La dynamique des interactions non verbales en groupe a favorisé la réflexivité des étudiants

L’observation des interactions non verbales a montré un bon niveau de participation de la plupart des étudiants. L’ambiance se détendait rapidement, devenant ludique ou parfois pesante juste avant le début d’un nouveau récit si personne n’osait prendre la parole.

Le groupe a facilité la reconnaissance et l’expertise collective entre pairs, à savoir des étudiants en médecine de niveau différent mais tous mis en même temps en situation de stage en soins primaires. Le groupe a permis l’expression d’individualités, en autorisant l’expression d’un libre arbitre, y compris en manifestant une opposition franche à l’égard de l’enseignant.

Les étudiants ont fortement insisté sur leurs difficultés à concilier les connaissances académiques et leur applicabilité en situation réelle. Ils se projetaient dans leur futur exercice professionnel.

Le rôle des enseignants

Les enseignants ont questionné systématiquement et directement individuellement ou collectivement les étudiants. L’enseignant 1 a demandé 11 fois  dans le film 1 : « comment vous faites ? » et sur le même mode d’expression : « qu’avez-vous demandé aux patients ? » « Comment a-t-il réagi ? » « Comment pensez-vous ce patient ?» (récit 1 film 1) « Comment pensez-vous le rôle du médecin généraliste ? » (récit 2 film 2).

Ils s’aidaient des réponses des étudiants pour identifier leurs sentiments sur la situation clinique et valoriser les réponses d’une gratification verbale et gestuelle, générant de la rétroaction positive. Les enseignants encourageaient les étudiants à décrire leur action en situation. Les deux enseignants ont insisté sur l’importance d’intégrer le modèle « biopsychosocial » à la décision médicale en soins primaires faisant directement référence à la première compétence spécifique notée dans le livret de stage.

Ils n’ont pas sanctionné les étudiants. Ils n’ont pas utilisé de matériel pédagogique particulier, ni vidéo projecteur ni autre support de cours. Les postures, les attitudes, l’écoute des enseignants ont été facilitatrices des apprentissages. Ils ne se sont pas déplacés pendant les séances. Ils sont restés dans le groupe, n’ont rien écrit au tableau. Ils se sont montrés respectueux des étudiants, écoutaient les locuteurs sans les interrompre. Dans les deux cas, les enseignants se sont montrés prévenants avec les étudiants, n’ont pas affirmé leur autorité de principe.

Discussion

Un dispositif original d’observation de GEAP en second cycle des études médicales a été développé dans le cadre de cette étude.

Ce dispositif pédagogique était centré sur l’implication des étudiants dans la pratique professionnelle de leurs maîtres de stage en contexte de médecine générale, et pas sur la restitution de connaissances académiques. Il était centré sur les apprenants, facilitant leur réflexivité [11,2]. En ce sens, il semble en adéquation avec l’approche par compétences [2]. Notre travail documente, en effet, le fait que plusieurs des compétences génériques prescrites par les dispositions réglementaires sont effectivement « travaillées » dans le cadre du dispositif de GEAP. C’est le cas notamment des compétences de clinicien, de communicateur, de responsable au plan éthique et déontologique et de praticien réflexif. Dans le cadre de l’échantillon de séances retenues pour ce travail, les trois autres compétences génériques ont été moins explicitement abordées. Concernant la compétence de clinicien, le dispositif a permis d’aborder les spécificités de celle-ci en contexte de soins primaires. La démarche clinicienne habituelle s’appuie en effet sur le raisonnement hypothéticodéductif, qui consiste à concevoir la démarche diagnostique comme un processus d’élimination progressive de ce qui est somatique, grave ou facilement curable. L’hypothèse psychique est habituellement retenue comme « diagnostic d’élimination ». Or, l’approche centrée sur le patient est la règle en médecine générale, ce qui ne permet pas toujours de mettre en concordance explicite et univoque une configuration de plaintes et un ensemble nosographique stabilisé. En écoutant les étudiants faire le récit d’expériences authentiques, les enseignants ont précisé les rôles et les limites de la pratique professionnelle en soins primaires (le sens du suivi au long cours, du secret professionnel, de la confidentialité, des droits des malades, des représentations des étudiants) [4,12,13].

Pour autant, cette observation de groupes d’étudiants n’a permis de mettre en évidence que des critères indirects d’apprentissage. Cette évaluation collective n’a donc pas renseigné sur le développement de compétences individuelles. De surcroît, les étudiants n’ont pas été observés directement en situation professionnelle, ne permettant pas d’explorer leur capacité à mobiliser leurs ressources en contexte de stage.

La difficulté de l’identification des indicateurs de développement des compétences génériques en second cycle des études médicales est réelle. Bien que la notion de « compétences génériques » ait été énoncée dans l’arrêté de 2013, ni les indicateurs de développement de ces compétences ni la manière de les documenter n’ont encore été clairement définis dans les référentiels de compétences mis à la disposition de la communauté enseignante française en médecine générale. Ne pouvant attester d’un effet positif sur ces indicateurs, les dispositifs d’enseignement peinent dès lors à asseoir leur validité.

L’idée même du développement de « compétences génériques » est à interroger [12,14]. Une compétence définie habituellement comme « un savoir agir complexe en situation authentique, mobilisant et combinant des ressources internes et externes » impose de contextualiser les apprentissages [13]. Dès lors, comment pourrait-on renseigner sur le développement de compétences en dehors du contexte professionnel ? Un travail de fond reste à faire pour mieux définir les attendus vis-à-vis des étudiants en médecine.

En tant que travail s’inscrivant dans le paradigme de la recherche qualitative, notre travail comporte également certaines faiblesses. La crédibilité des résultats aurait pu être renforcée par une triangulation des méthodes, des chercheurs et des sources d’information, ainsi que par la vérification de la saturation des données grâce à un nombre plus important de GEAP analysés. En revanche, un certain degré de fiabilité nous semble satisfait compte tenu d’une cohérence entre le processus de documentation des résultats et le déroulement de l’étude, au regard du cadre conceptuel adopté pour construire la question de recherche et sélectionner les options méthodologiques ; la transférabilité des résultats nous semble également raisonnable, notamment au sein des milieux de formation qui présentent des similarités avec notre propre contexte professionnel et académique, ce qui est a priori le cas de plusieurs départements de médecine générale en France et, sans doute également, dans d’autres contextes francophones [7].

Conclusion

Nous avons rapporté certains résultats d’un dispositif de formation original en second cycle des études médicales, fondé sur l’organisation de GEAP à partir des activités de stage des étudiants en contexte de médecine générale (soins primaires en milieu ambulatoire en France). Un tel dispositif permet de décontextualiser les apprentissages réalisés en stage de médecine générale. En ce sens, il contribue à développer les compétences professionnelles des étudiants, en cohérence avec les nouvelles prescriptions pédagogiques réglementaires. La question de la recontextualisation n’est pas résolue. Les étudiants n’ont pas été directement observés en situation réelle. Il reste à s’interroger sur la transférabilité des apprentissages à d’autres contextes de soins.

Contributions

William Bellanger a participé à la conception du protocole de recherche, au recueil et à l’analyse des données, à l’interprétation des résultats et à l’écriture du manuscrit. Régis Coutant a participé à l’interprétation des résultats et à l’écriture du manuscrit. Catherine De Casabianca a participé à l’écriture du manuscrit. Anne-Laurence Penchaud a participé à la conception du protocole de recherche, à l’élaboration de la méthode et à l’approche sociologique. Anne-Victoire Fayolle a participé à la conception du protocole de recherche, à l’interprétation des résultats et à l’écriture du manuscrit. Clément Guineberteau a participé à la réécriture du manuscrit.

Conflits d’intérêts

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

Approbation éthique

Le projet de l’étude a été examiné par l’Unité de formation et de recherche en santé de l’Université d’Angers, qui n’a pas formulé de réserve particulière.

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Citation de l’article : Bellanger W., De Casabianca C., Fayolle A.-V., Penchaud A.-L., Coutant R., Guineberteau C., En quoi des groupes d’échanges et d’analyse de pratique contribuent-ils au développement des compétences génériques, en second cycle des études médicales ? Pédagogie Médicale 2017:18;31-37

Liste des tableaux

Tableau 1

Inventaire des situations cliniques analysées dans le cadre des groupes d’échanges et d’analyse de pratiques au regard de la démarche clinique.

Tableau 2

Inventaire des situations cliniques analysées dans le cadre des groupes d’échanges et d’analyse de pratiques au regard de la communication et/ou la relation médecin–patient.

Tableau 3

Situations centrées sur la réflexion éthique.

Liste des figures

thumbnail Figure 1

Graphe de flux de la population étudiée.

Dans le texte

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