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Numéro
Pédagogie Médicale
Volume 21, Numéro 4, 2020
Page(s) 253 - 255
Section Communication brève
DOI https://doi.org/10.1051/pmed/2020045
Publié en ligne 23 décembre 2020

Contexte

Cadre universitaire

Le 15 mars 2020, le Ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse a émis des consignes et recommandations devant permettre la continuité pédagogique dans le cadre de la mise en œuvre du confinement [1]. L’activité en présence de l’Unité de Formation et Recherche (UFR) d’odontologie de l’Université Paris-Diderot – Université de Paris a été complètement suspendue.

Cadre hospitalier

Les stages hospitaliers habituels des externes (étudiants de quatrième, cinquième et sixième années) et des internes ont été interrompus.

Cadre de l’exercice libéral

Le Conseil de l’Ordre a demandé l’arrêt des soins dans les cabinets libéraux. Les stages en cabinets de ville des étudiants de sixième année ont ainsi été suspendus.

Problématique

Ces diverses suspensions ont eu des conséquences multiples pour les étudiants : arrêt des contacts enseignants-étudiants, situations inégalitaires entre les étudiants (entre ceux ayant déjà effectué leurs stages ou suivi un enseignement et les autres), difficulté d’organiser l’évaluation.

La continuité administrative a aussi été difficile à maintenir en raison d’une diminution du nombre d’agents disponibles et de tâches administratives plus nombreuses plus complexes et parfois inédites.

Ce que la discipline de Santé Publique a fait

Nos actions ont été sous-tendues par une réflexion initiale de la discipline sur la nécessité de s’adapter et d’assurer la continuité pédagogique et le contact avec les étudiants. En tant qu’enseignantes en santé publique, nous avons évalué l’importance des messages à transmettre [2] : sensibiliser nos étudiants à une posture éducative en tant que futurs professionnels de santé (être une source d’inspiration pour les autres, des ambassadeurs pour expliquer l’intérêt et l’importance du respect des consignes de confinement pour eux-mêmes, pour leurs proches) ; promouvoir l’importance d’une participation volontaire à des actions bénévoles. De cette démarche a ré-émergé la notion d’approche globale du futur professionnel non seulement en tant que clinicien mais également en tant qu’acteur social [3].

Continuité pédagogique des enseignements

Des contacts bi-hebdomadaire entre les membres de la discipline via des réunions d’équipe virtuelles ont permis des discussions et échanges constructifs sur les objectifs et attendus de nos enseignements dans ce contexte précis sur la pertinence de certains formats ainsi que sur la répartition des tâches [4]. La continuité pédagogique a impliqué une réflexion sur l’actualisation des enseignements et l’évaluation des étudiants.

Actualisation des enseignements

Les temps d’enseignement en présence et de présentation orale ont été transformés. Il a été nécessaire de guider les étudiants pas à pas sur l’acquisition des connaissances, le travail à réaliser et les instructions à suivre dans ce nouveau format pédagogique (grille d’analyse d’article synthétique, rendu écrit du script de la présentation orale prévue initialement…).

Nous avons proposé des liens entre nos enseignements et le contexte épidémique (par exemple : savoir lire un article scientifique, le concept de promotion de la santé, la protection des données personnelles, ...) et nous avons mis des ressources documentaires à la disposition des étudiants (articles scientifiques, de presse, fiches de référence, outils pédagogiques, vidéos…).

Enfin, nous avons actualisé nos enseignements en ligne à travers des documents explicatifs complémentaires afin que nos réponses à un étudiant bénéficient à toute la promotion.

Évaluation des étudiants

Dans le cadre du contrôle continu, le passage d’une évaluation orale à un rendu écrit a nécessité l’élaboration d’une grille d’analyse différente. L’évaluation finale semestrielle est envisagée dans un dispositif à distance et nécessitera une adaptation de nos formats d’examen à la contrainte informatique, logistique, en devant nécessairement prendre en compte la capacité des étudiants à effectuer un examen dans ces conditions.

Utilisation de la plateforme préexistante de travail à distance

La discipline de santé publique était déjà habituée à utiliser l’espace numérique de travail de l’université (Moodle). Cette utilisation a été majorée et toutes les fonctionnalités ont été explorées (mise à disposition de documents, vidéos, instruction sur travail à réaliser, dépose de devoirs, quizz…). Il a été essentiel de s’assurer que les utilisateurs étaient inscrits à nos cours et d’inscrire manuellement les manquants. Ce fut d’ailleurs l’occasion de réfléchir aux modalités d’inscription des étudiants à nos enseignements (présence d’étudiants d’autres filières, absence de certains de nos étudiants…). Grâce à cette plateforme nous avons été capables de correspondre directement avec chaque promotion sans avoir besoin d’une équipe de secrétariat pédagogique faisant le lien habituellement.

Maintien du contact avec nos étudiants

Le maintien du contact avec nos étudiants, dite « continuité de contact », a été primordial dès le début de l’arrêt des activités universitaires. Ce fut le fil conducteur de l’évolution de nos formats pédagogiques.

Quatre actions ont été mises en place pour tenter de compenser le défaut de communication et de contact : les addenda réguliers des cours en ligne, un espace forum inséré dans chacun de nos onglets de cours, un espace dédié à la veille documentaire alternative et un questionnaire, anonyme, sur le bien-être des étudiants et leur vie dans ce contexte actuel. Les étudiants ont été avertis de ces actions à travers la plateforme Moodle. Les espaces forums leurs ont permis d’échanger avec nous.

La veille documentaire alternative proposée comprend des éléments d’informations via de nombreux formats (lectures, vidéos, éléments audios). Ces éléments renseignent sur l’épidémie et contribuent à une réflexion plus centrée sur la personne (articles de presse de philosophie, de sociologie, vidéos éducatives, …).

Le questionnaire sur leur vécu du confinement interrogeait le point de vue académique et personnel ainsi que la mobilisation civique éventuelle (auprès d’associations, dans leur entourage…) ; il présentait un espace libre leur permettant de témoigner. Le courriel introduisant ce questionnaire fut l’occasion de leur indiquer la possibilité d’un accompagnement psychologique si besoin.

Ce que la discipline de Santé Publique a observé

Continuité pédagogique : il est encore tôt pour évaluer l’adéquation entre le contenu des cours, le format utilisé et l’évaluation proposée. Une première estimation est l’utilisation par les étudiants des forums, ou envoi de courriels, pour poser des questions sur les cours et sur les instructions données. La communication semble bien établie et acceptée. Nous n’avons pas eu de commentaire négatif.

Questionnaire sur le vécu du confinement : des situations méconnues ont été révélées. Certains étudiants vivent seuls (isolement), ne se sentent pas soutenus, ont du mal à se concentrer lors des apprentissages, sont anxieux par rapport à leur évaluation universitaire et leur avenir, sont stressés par rapport à leur propre santé ou à celle de leurs proches, vivent des situations de confrontations à la maladie de proches, … Ces retours nous permettront d’estimer la diversité des situations de vie de nos étudiants, de proposer un soutien adapté et fondamental pour ceux qui le souhaitent et de mener une réflexion plus globale sur la pertinence des évaluations de fin d’année.

De nombreux étudiants participent à des initiatives bénévoles : télésurveillance (Covidom, Covident), assemblage de visière, aide dans leur voisinage (personnes à risque, personnes âgées, vulnérables…), récolte et distribution de matériel médical, garde d’enfants du personnel soignant, aide à la prise en charge des urgences dentaires à l’hôpital, ...

Points forts et points faibles

Points forts

Face à cette situation inédite, la force de notre équipe disciplinaire est d’avoir trouvé cette capacité à rester en activité et d’être unie dans un même objectif auprès des étudiants.

Notre enquête a permis à l’UFR de rentrer en contact avec les étudiants, non sur le registre des enseignements ou de l’évaluation, mais sur la reconnaissance de l’Autre et de la singularité de chaque étudiant.

Nous avons ainsi œuvré à la recherche d’une « continuité de contact » complétant la continuité pédagogique.

Nous avons été, enseignants et étudiants, co-acteurs dans de nombreuses actions. En se souciant du vécu de chacun dans ce contexte de crise sanitaire, le curseur de la relation enseignant-étudiant se déplace et évolue.

Au niveau de la faculté, les étudiants ont été incités et encouragés à participer aux actions bénévoles d’aide dans la gestion de cette crise, selon leurs capacités, et tout en prenant en compte leur propre difficulté.

Au-delà de cette participation temporaire aux initiatives bénévoles, la future identité professionnelle de l’étudiant aura été confrontée sur le terrain à une exigence de responsabilisation sociale [5].

Ces notions de conscience et d’utilité sociale, thèmes déjà abordés par notre discipline pourraient alors être développées plus largement pour faire perdurer cet élan .

Point faible

Il concerne la continuité pédagogique. Cette situation inédite reflète les difficultés à mutualiser les efforts et les initiatives au sein du corps enseignant. La communauté éducative se retrouve peu soutenue par des disciplines support comme l’informatique. Le corps enseignant reste très figé sur les enseignements en format classique et semble difficilement prêt à faire évoluer les formats d’enseignement et d’évaluation. Ces positionnements incitent à une réflexion d’ordre général sur la ligne directrice pédagogique au sein de l’UFR et sur les moyens à mettre en œuvre pour changer de paradigme aussi bien au niveau universitaire qu’hospitalier.

Conclusion

Cette situation particulière nous a amenés à adapter très rapidement notre format d’enseignement et d’évaluation pour répondre à la continuité pédagogique et ceci dans le souci constant de la « continuité de contact » avec les étudiants. Elle montre la capacité d’innovation et de souplesse ainsi que l’implication d’une discipline à la fois sur le registre académique mais également sur le registre plus largement sociétal.

Références

  1. Blanquer J-M. Consignes pour l’ensemble des services académiques. Lettre du Ministère Education Nationale et de la Jeunesse, 15 mars 2020 [On-line]. Disponible sur https://www.education.gouv.fr/sites/default/files/2020-03/t-l-charger-la-lettre-de-jean-michel-blanquer-aux-recteurs-consignes-pour-l-ensemble-des-services-acad-miques–-15-mars-2020-pdf–52053.pdf. [Google Scholar]
  2. Field JC, Cowpe JG, Walmsley AD. The Graduating European Dentist: a new undergraduate curriculum framework. Eur J Dent Educ 2017;21(Suppl. 1):2‐10. [Google Scholar]
  3. Boyer EL. Scholarship reconsidered: Priorities of the professoriate. Ottawa (ON) : Jossey-Bass, 1997. [Google Scholar]
  4. Berthiaume D, Colet R. La pédagogie de l’enseignement supérieur : repères théoriques et applications pratiques. Tome 2 : Se développer au titre d’enseignant. Berne : Peter Lang SA, 2013. [Google Scholar]
  5. Boelen C, Pearson D, Kaufman A, Rourke J, Woollard R, Marsh D, et al. Rendre une faculté de médecine socialement responsable. Guide AMEE n° 109. Pédagogie Médicale 2018:19;181‐8. [CrossRef] [EDP Sciences] [Google Scholar]

Citation de l’article : Tenenbaum A., Bas A.-C., Azogui-Levy S. Étudiants en odontologie, santé publique et crise sanitaire COVID-19. Pédagogie Médicale 2020:21;253-255


© SIFEM, 2020

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