Numéro |
Pédagogie Médicale
Volume 21, Numéro 4, 2020
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Page(s) | 257 - 259 | |
Section | Communication brève | |
DOI | https://doi.org/10.1051/pmed/2020061 | |
Publié en ligne | 23 décembre 2020 |
Formation des professionnels au bloc opératoire pédiatrique en contexte COVID-19 : comment répondre aux inquiétudes des différents acteurs ?
Training of health care professionals in the pediatric operating room during the COVID-19 pandemic: how to respond to various stakeholders’ concerns?
1
Département d’anesthésie, Centre hospitalo-universitaire Sainte Justine,
Montréal (QC), Canada
2
Département d’anesthésiologie et de médecine de la douleur, Université de Montréal,
Montréal (QC), Canada
* Correspondance et offprints : Florent BAUDIN, Département d’anesthésie, CHU Sainte Justine, 3175 Chemin de la Côte Sainte Catherine, H3T1C5 Montréal (QC), Canada. Mailto : Florent.baudin@chu-lyon.fr.
Reçu :
4
Mai
2020
Accepté :
11
Juin
2020
Contexte et problématique
La pandémie de COVID-19 a considérablement modifié l’organisation des centres hospitaliers et les acteurs de la santé ont été obligés de s’adapter à de nouvelles modalités de travail. Le bloc opératoire est particulièrement concerné par le risque de contamination des soignants par aérosolisation de particules virales lors de la réalisation des actes (intubation, extubation, chirurgie au niveau des voies aériennes…) [1]. Dès le début de la pandémie, de nombreuses inquiétudes ont émergé égard chez les professionnels de la santé au bloc opératoire, en constituant autant de contraintes potentielles pour l’encadrement des étudiants.
Les problématiques à résoudre étaient donc de deux ordres :
-
répondre au besoin de sécurité des professionnels de la santé quant à la gestion des patients COVID-19 ;
-
intégrer les professionnels en formation dans le nouveau fonctionnement du bloc opératoire tout en minimisant leur risque d’exposition.
La situation a généré une anxiété importante [2] et a nécessité de proposer en quelques semaines une réponse rapide à ces préoccupations.
Le premier besoin exprimé par les soignants était celui de sécurité (niveau 2 de la pyramide de Maslow [3]). La satisfaction de ce besoin passait notamment par la maîtrise de l’utilisation des équipements de protection individuelle (EPI) [2] et l’application stricte des recommandations académiques et hospitalières visant à limiter l’exposition des apprenants et du personnel soignant. En s’appuyant sur une vidéo explicative de l’institution, nous avons mis en place des séances supervisées d’utilisation des EPI. L’intérêt était d’augmenter le besoin de sécurité par la maîtrise de son EPI (principalement lors du retrait) mais aussi d’inciter les professionnels à observer les autres membres de l’équipe, à repérer les « erreurs » et à les verbaliser.
Cette exigence visait à créer un climat de confiance interprofessionnelle afin que chacun se sente libre de signaler un geste à risque de contamination en situation réelle. Ensuite, il a été nécessaire de comprendre et s’approprier les nouvelles procédures, et ce en proposant des séances de simulation in situ, permettant une automatisation de la séquence de prise en charge des voies aériennes et d’extubation, notamment pour la synchronisation entre l’anesthésiste ou résident et les inhalothérapeutes [1]. Enfin, la complexité des « trajectoires patients » au bloc opératoire, qui dépendaient de nombreux paramètres (statut COVID-19, geste à risque, matériel…) a créé de nouveau un climat d’anxiété d’autant que de nombreuses modifications ont été apportées.
Ce qui a été fait
Le principal défi a été d’être capable de favoriser l’apprentissage de nouvelles connaissances et habiletés en contexte de perpétuelle évolution, tout en respectant des contraintes drastiques imposées par la pandémie (équipes restreintes, réaffectation d’une partie du personnel, ressources limitées…). Pour cela, nous avons diffusé les informations par différentes voies (téléconférence, mail, groupe messagerie) et mis à disposition un jeu sérieux (serious game). Sous la forme de vignettes clinique, les professionnels en situation d’apprentissage devaient identifier le type de trajectoire correspondant et ensuite compléter un tableau récapitulatif des points clés de la prise en charge pour l’ensemble des intervenants du bloc opératoire. L’idée était de ne pas connaître et maîtriser uniquement son rôle mais également celui des autres intervenants, toujours dans un esprit de coopération interprofessionnelle. Cet outil a été accueilli avec enthousiasme par les équipes ; en revanche, son impact dans la formation n’a pas été évalué.
Après avoir répondu au besoin fondamental de sécurité, nous avons pu nous concentrer sur l’intégration des professionnels en formation dans le nouveau fonctionnement. Les recommandations des directions de programme étaient de minimiser les risques pour les étudiants. Il a été nécessaire de réaménager l’organisation afin répondre aux besoins sanitaires (redistribution vers les soins intensifs, maintien des activités de garde). Enfin, une interrogation concernait le fait que la réduction des activités pourrait entraîner une sous-exposition des résidents en stage.
Au bloc opératoire pédiatrique, il a été décidé de maintenir les activités de formation pratique, à condition que les acteurs concernés soient formés à l’utilisation des EPI. Les professionnels en formation n’étaient, en revanche, pas exposés aux patients chauds (symptomatiques en lien avec une infection confirmée à COVID-19). Les enseignements théoriques en présence ont néanmoins dû être suspendus mais les résidents avaient accès aux présentations enregistrées à partir de la plateforme de l’université.
Ce qui a été observé
À l’issue de ces premières mesures, nous avons observé une dynamique positive dans l’intégration de nos résidents. Nous avons également répondu, comme pour les autres professionnels, à leurs attentes en termes de protection. Le nombre de résidents présents a été inférieur aux autres périodes et l’activité de garde a été réduite pour maintenir la présence en journée, bénéfique à la formation. Il est notable que le secteur de la pédiatrie a été relativement épargné avec très peu de patients COVID-19 confirmés. Cette situation a simplifié le maintien de la formation clinique stage, notamment à l’égard des cas complexes dans le cadre de l’urgence pédiatrique (en première ligne pour les résidents séniors) et des patients de néonatologie, population très spécifique et habituellement anxiogène pour les résidents.
Points forts et limites
Les points forts à souligner sont surtout la réactivité des équipes dans la réalisation d’outils de formation variés et la création au sein du bloc opératoire d’un travail en équipe soutenant les valeurs d’entraide et de bienveillance interprofessionnelle, avec une réduction des barrières hiérarchiques dans l’objectif de se protéger et protéger les autres.
Au-delà de l’objectif principal de transmettre des informations cruciales pour la prise en charge du patient, ces outils pédagogiques ont probablement contribué à maintenir une impression d’appartenance (niveau 3 de la pyramide de Maslow [3]) et de cohésion d’équipe, mis à mal par la diminution de l’activité clinique, la réorganisation et les règles de distanciation sociale.
Concernant les résidents, la modification des rythmes et des effectifs a permis de créer un climat pédagogique différent. La nécessité d’anticipation plus importante que d’habitude (réflexion sur la trajectoire du patient, minimisation des expositions, stratégie d’économie dans un contexte de pénurie de médicaments) a obligé chacun à faire évoluer ses pratiques et à développer ses capacités d’adaptabilité et de raisonnement. La situation actuelle, bien que fortement contraignante, a été une opportunité pratique de vivre et découvrir la gestion en situation de crise sanitaire et de comprendre l’intérêt de maîtriser des habilités de gestion d’équipe et de projet, de communication et de collaboration.
Si l’on devait retenir des points négatifs, le principal serait la difficulté d’adaptation en raison de l’évolution des recommandations, des changements d’institution pour les résidents et des modifications de pratiques de manière générale. Les professionnels du bloc opératoire ont souligné l’absence de consensus entre les institutions, entre les départements de médecine mais également entre les praticiens, et donc la difficulté de s’approprier ces pratiques alors qu’ils ne percevaient pas de cohérence dans les prises en charge. L’apprentissage professionnel en santé est avant tout basé sur les faits et l’expérimentation, tandis que dans la situation présente, nous ne disposions pas ou peu de « médecine basée sur les preuves ». Ainsi, nous avons dû repenser notre manière d’apprendre avec des données qui ont évolué quotidiennement et ont été même parfois contradictoires. Cela donne à réfléchir à de nouvelles capacités (réflexivité, créativité, flexibilité, etc.) qui devraient être intégrées aux curriculums afin de mieux préparer les futurs professionnels à cette demande permanente d’adaptation. Enfin, les sollicitations pour maîtriser ces nouvelles ressources qui évoluent rapidement entraînent une fatigue cognitive à laquelle s’ajoute la composante émotionnelle, propre à chacun dans ce contexte, qu’il a été important de prendre en compte dans les exigences vis-à-vis des étudiants [4].
Conclusion
La situation exceptionnelle liée au COVID-19 a modifié considérablement nos pratiques et notre organisation mais a permis de créer en quelques semaines un nouvel équilibre. La mise en place d’un programme de formation a été bénéfique sur l’anxiété exprimée des soignants (réponse au besoin de sécurité) et sur le climat au bloc opératoire (réponse au besoin d’appartenance). Nous avons pu ainsi poursuivre nos objectifs de formation des résidents avec une relation privilégiée. Même si on note une réduction des cas électifs, chacun a pu être exposé à de nombreuses situations d’urgence, souvent complexes, bénéfiques à leur formation. En revanche, il apparaît nécessaire d’individualiser les objectifs de formation en tenant compte notamment de la composante émotionnelle qui se rajoute dans ce contexte.
Références
- Matava CT, Kovatsis PG, Summers JL, Castro P, Denning S, Yu J, et al. Pediatric airway management in COVID-19 patients − Consensus guidelines from the Society for Pediatric Anesthesia’s Pediatric Difficult Intubation Collaborative and the Canadian Pediatric Anesthesia Society. Anesth Analg 2020;131:61‐73. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
- Shanafelt T, Ripp J, Trockel M. Understanding and addressing sources of anxiety among health care professionals during the COVID-19 pandemic. JAMA 2020;323:2133‐4 [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
- Maslow A. Motivation and personality (2nd ed.). New York: Harper & Row, 1970. [Google Scholar]
- Parent F, Jouquan J, Kerkhove L, Jaffrelot M, Ketele J-MD. Intégration du concept d’intelligence émotionnelle à la logique de l’approche pédagogique par compétences dans les curriculums de formation en santé. Pédagogie Médicale 2012;13:183‐201. [CrossRef] [EDP Sciences] [Google Scholar]
Citation de l’article : Baudin F., Yung F., Toure T., Lesage S. Formation des professionnels au bloc opératoire pédiatrique en contexte COVID-19 : comment répondre aux inquiétudes des différents acteurs ? Pédagogie Médicale 2020:21;257-259
© SIFEM, 2020
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