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Numéro
Pédagogie Médicale
Volume 19, Numéro 1, Février 2018
Page(s) 51 - 52
Section Vie pédagogique
DOI https://doi.org/10.1051/pmed/2019006
Publié en ligne 26 avril 2019

Dans le sillage du – très – mérité succès de librairie du premier tome du Guide pratique de pédagogie en sciences de la santé qu’il a coordonné, Thierry Pelaccia nous propose le deuxième opus qui manquait pour faire de ce travail une authentique « somme », au sens où les dictionnaires savants définissent cette notion, c’est-à-dire une œuvre qui rassemble et résume les connaissances relatives à un objet.

En l’occurrence, l’objet général concerne les pratiques pédagogiques qu’il est possible – et recommandable – de mobiliser pour aider les futurs professionnels de la santé à développer les multiples apprentissages qui concourent à leur développement professionnel, étant entendu qu’il ne s’agit pas seulement de les outiller en ressources cognitives ou opératives mais aussi de les accompagner dans un processus de socialisation professionnelle et de construction identitaire.

L’introduction de ce deuxième tome du guide revendique le projet de « redonner à la science la place qu’elle devrait occuper dans les activités de supervision des étudiants ». L’exigence scientifique n’est évidemment pas contestable mais convenons cependant qu’en l’espèce, en congruence avec la conception selon laquelle la médecine – comme terme générique pour désigner toutes les actions en santé – est « une pratique soignante, personnalisée, accompagnée de science et instrumentée par des moyens techniques », la pédagogie n’est elle-même pas une science mais bien aussi, foncièrement, une pratique enseignante, personnalisée, accompagnée de science et instrumentée par des moyens techniques.

Une telle clarification sémantique n’est pas anecdotique au regard de l’objet spécifique de ce deuxième volume, qui concerne électivement la supervision des étudiants dans leurs stages et leurs activités de recherche, autant dire tout ce qu’une tradition empirique en éducation médicale attribuait aux ressorts du compagnonnage. Une telle perspective a, en effet, souvent été réduite à l’idée que l’accumulation d’expériences pourrait se suffire à elle-même. Ceci valait d’ailleurs à la fois pour l’étudiant et pour le formateur, dans leurs rôles respectifs de stagiaire et de maître de stages, censés accumuler des compétences grâce à la seule exposition à ces rôles, pour autant qu’elle soit plurielle et suffisamment prolongée. Une telle conception n’est plus guère défendable aujourd’hui, à la lumière des acquis récents des sciences de l’enseignement et de l’apprentissage, et notamment des exigences énoncées en référence aux cadres conceptuels fournis par la théorie de l’apprentissage expérientiel ou par celle de l’enseignement et de l’apprentissage contextualisés. Et c’est du reste bien à une praxis que ce deuxième ouvrage nous invite à réfléchir, au travers de navettes itératives entres les pratiques et les théories, en postulant que la maîtrise des savoirs d’action ne saurait se résumer à des recettes et qu’elle implique de s’adosser à des savoirs savants codifiés, développés dans le cadre de la recherche en éducation et dans celui d’une réflexion formelle concernant l’épistémologie des savoirs professionnels.

L’ouvrage, qui a mobilisé une vingtaine d’auteurs, est divisé en deux grandes parties, qui concernent respectivement la supervision d’un étudiant en milieu clinique et la supervision d’un étudiant dans son travail de recherche.

Les différents chapitres de la première partie, dédiés à la supervision en milieu clinique, s’adossent aux plus récents apports conceptuels et méthodologiques développés dans ce champ. Ils examinent successivement les conditions de l’apprentissage en contexte de stage, les rôles et les contributions des différents acteurs dans ce contexte, la place centrale de la rétro-action, les enjeux de l’évaluation des apprentissages dans ce cadre ou encore la manière d’aider les étudiants en difficulté. Sans pour autant résumer la compétence des professionnels de la santé au rôle de diagnosticien-thérapeute, une place importante est faite à l’apprentissage du raisonnement clinique et aux façons d’intervenir auprès des étudiants en difficulté à cet égard.

Les trois chapitres de la seconde partie, consacrés à la supervision de l’étudiant dans son travail de recherche, sont particulièrement originaux et bienvenus, tant jusqu’à présent il allait de soi que l’expertise scientifique d’un directeur de mémoire ou de thèse suffisait, pour solde de tout compte, à garantir sa capacité à accompagner un étudiant dans cet exigeant et difficile parcours que constitue la formation à la recherche. Ils examinent successivement ce que recouvre le rôle de directeur de travail académique de recherche, et les particularités qu’il exige, respectivement, selon que le travail en question s’inscrit dans le paradigme « quantitatif » ou dans le paradigme « qualitatif ». Beaucoup de lecteurs y trouveront notamment une introduction à la recherche qualitative, encore tellement étrangère, pour ne pas dire suspecte, au regard des présupposés épistémologiques positivistes de la recherche scientifique, tels qu’ils se sont diffusés, de manière hégémonique, dans le cadre de la médecine contemporaine.

Comme le premier tome, l’ouvrage assume résolument sa vocation de guide. Les questionnements abordés dans chacun des chapitres sont ainsi déclinés en questions spécifiques. Certaines, en début de chapitre, sont formulées sous la forme de questions presque profanes, en lien avec des « paroles d’enseignants », pour illustrer à quel point les préoccupations quotidiennes partagées par les formateurs sont extrêmement concrètes. D’autres sont plus conceptuelles et introduisent des clarifications autour de grandes problématiques de la supervision en tant que dispositif pédagogique (Quelles sont les spécificités de l’adulte en formation ? Quelle est la place du stage dans la formation des professionnels de la santé ? Comment apprend-t-on de ses expériences ? Qu’est-ce que la rétro-action et pourquoi est-elle importante en supervision ? Etc.). D’autres sont très directement opérationnelles (Comment formuler une rétro-action pertinente et utile pour l’étudiant ? Comment soutenir le développement du raisonnement clinique des étudiants en stage ? Quelles sont les stratégies permettant d’aider les étudiants en difficulté de raisonnement clinique ? Comment réussir le premier entretien avec un étudiant demandant à être supervisé dans son travail de recherche ? Etc.). Plus d’une centaine de questions émaillent ainsi le cours de l’ouvrage. Les réponses sont apportées sous la forme de développements textuels, enrichis d’encadrés, de tableaux ou de figures. Des renvois vers des sections d’autres chapitres sont constamment proposés, à la manière de ce que permettent des liens hypertextes auxquels les lecteurs sont désormais habitués, ce qui renforce à la fois la cohérence globale de l’ouvrage et sa dimension pratique. Une grille opératoire est systématiquement proposée en fin de chaque chapitre ; elle peut être utilisée comme synthèse de lecture, puisqu’elle reprend les points-clés du chapitre, mais elle peut aussi soutenir une démarche d’auto-évaluation, puisqu’elle invite le lecteur à examiner dans quelle mesure il anticipe de réinvestir les points exposés dans ses propres pratiques d’enseignant. Enfin, un dictionnaire-glossaire complète fort utilement l’ouvrage, en introduisant les notions terminologiques et sémantiques à partir d’un registre pragmatique d’entrées et en donnant des pistes d’études complémentaires.

Au total, comme son ouvrage jumeau, ce deuxième tome se révèle extrêmement original et particulièrement utile. Il répond à des besoins et des attentes de très nombreux acteurs du champ de la formation des professionnels de la santé, dont il devrait devenir un ouvrage de référence. Gageons qu’il recevra un accueil tout aussi favorable que celui qu’a connu le premier tome. Comme pour ce dernier, Thierry Pelaccia a indiqué qu’il recevrait volontiers des commentaires rétro-actifs (mailto : pelaccia@unistra.fr).


© EDP Sciences / Société Internationale Francophone d’Education Médicale, 2019

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