Numéro |
Pédagogie Médicale
Volume 21, Numéro 2, 2020
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Page(s) | 101 - 106 | |
Section | Concepts et innovations | |
DOI | https://doi.org/10.1051/pmed/2020035 | |
Publié en ligne | 6 octobre 2020 |
Former en ligne au recrutement de patients partenaires : l’apport des formations par concordance
Online training for recruiting Patient-as-Partner: the contribution of Learning-by-Concordance
1
Direction collaboration et partenariat patient, Faculté de médecine, Université de Montréal,
Montréal,
Québec, Canada
2
Centre d’excellence sur le partenariat avec les patient et le public (CEPPP), Centre de recherche du centre hospitalier l’Université de Montréal (CRCHUM),
Montréal,
Québec, Canada
3
Centre de pédagogie appliquée aux sciences de la santé, Faculté de médecine, Université de Montréal,
Montréal,
Québec, Canada
4
Université de Genève,
Genève, Suisse
5
Centre d’innovation du partenariat avec les patients et le public (CI3P), RETINES, Université Côte d’Azur,
Nice, France
6
Centre National Ressources et Résilience (CN2R),
Lille, France
7
Institut du management de l’École des Hautes Études en Santé Publique (EHESP),
Rennes, France
* Correspondance et offprints : Annie DESCÔTEAUX, Direction de la Collaboration et le partenariat patient (DCPP), CP. 6128, succursale Centre-Ville, Montréal, QC, H3C 3J7. Mailto : Annie.descoteaux@umontreal.ca.
Reçu :
2
Février
2019
Accepté :
12
Août
2020
Commentaires éditoriaux formulés aux auteurs le 21 février et le 5 août 2020
Contexte et problématique : L’un des nombreux défis auxquels s’affrontent ceux qui entreprennent des projets de partenariat avec des patients est le recrutement des patients. Afin de rehausser l’efficacité du recrutement, la formation est un élément incontournable. Nous avons développé à cet effet une formation par concordance (FpC) diffusée en ligne, destinée à ceux qui entreprennent des projets de partenariat. Objectifs : Les buts de cet article sont de (1) présenter comment la FpC a été adaptée pour permettre l’apprentissage au recrutement de patients partenaires ; (2) décrire les défis techno-pédagogiques posés par l’utilisation de Moodle et les solutions qui ont été trouvées. Exégèse : Notre démarche a permis de démontrer que la FpC peut être adaptée pour des contextes pédagogiques différents, que des utilisations habituelles en formation clinique et que les outils classiques de Moodle peuvent être configurés à cet effet. Nous proposons que ce type d’adaptation, qui pourrait être utilisée dans d’autres contextes, porte le nom de FpC interprétative (FpCi).
Abstract
Context and background: Most patient partnership projects require a patient partner recruitment process. This implies a necessity for training in the recruitment of patient partners. To this effect, we have developed a learning-by-concordance (LbC) training on the Moodle platform. Objectives: This article presents how LbC may be adapted to facilitate training in patient partnership recruitment. It also describes the challenges related to online learning and the use of Moodle, as well as the solutions which were found. Analysis: This initiative allowed to us to demonstrate that LbC can be adapted to pedagogical contexts other than its more common use in clinical training and that Moodle’s tools can be configured for this purpose. We suggest that this type of adaptation, which could be transferred to other contexts, bear the name of interpretive learning-by-concordance (ILbC).
Mots clés : Formation par concordance / formation par concordance interprétative / partenariat patient / recrutement de patients partenaires / pédagogie
Key words: Learning-by-concordance / Interpretative learning-by-concordance / patient partnership / patient partner recruitment / pedagogy
© SIFEM, 2020
Introduction
Le partenariat avec le patient est un modèle relationnel de soins qui reconnaît au patient des savoirs spécifiques développés à travers son expérience de la vie avec la maladie et mobilisés au sein de la relation de soin [1]. Ces savoirs peuvent également être mobilisés dans la recherche en santé, dans l’éducation aux sciences de la santé et dans la formation des professionnels de la santé, ainsi que dans l’organisation des soins de santé et des services sociaux, tous domaines où la co-construction des savoirs ne vise alors pas seulement le plan thérapeutique mais aussi la création des milieux de soins, d’enseignement et de recherche qui permettront de mieux répondre aux besoins populationnels [2].
Le recrutement des patients partenaires est une partie intégrante et importante du succès du déploiement de l’approche du partenariat avec le patient. Le processus de recrutement peut être développé par étapes pour favoriser une visée compréhensive de la part des gestionnaires qui souhaitent déployer cette approche au sein de leur organisation. Il peut s’agir du déploiement dans un contexte de de soin, de recherche ou en éducation médicale. Les étapes du recrutement correspondent respectivement à la description du contexte, aux entretiens (téléphoniques et en présence), à l’assignation du mandat et l’organisation de la formation continue [3].
Les patients sont recrutés selon leur capacité à mobiliser des compétences précises [3]. Le premier niveau de compétences est celui d’être « partenaire de ses propres soins ». Le deuxième niveau de compétences, « transmettre ses compétences à des partenaires », est le niveau recherché pour entamer une collaboration avec ce patient dans un contexte précis. Ces deux niveaux de compétence regroupent 10 compétences précises qui sont décrites dans le document « Référentiel de compétences des patients partenaires » [3]. Ce document détaille également des capacités et manifestations observables associées à chaque compétence. Le recrutement consiste donc à repérer ces compétences chez les patients et à valider leur intention de les mobiliser en dehors de leurs propres soins.
Un des défis de la formation au recrutement de patients partenaires est l’investissement en temps requis de la part du formateur et du nouveau recruteur qui souhaite être formé. De plus, cet investissement en temps doit se faire sur des plages horaires communes entre formateur et apprenant. Dans un contexte de ressources limitées d’une organisation, ces contraintes peuvent devenir une barrière suffisamment importante pour entraîner soit un retard voire une annulation du plan de déploiement de l’approche de partenariat, soit un avancement à tâtons, sans que les assises qui mènent à un recrutement de qualité soient en place, avec en conséquence un risque d’échec plus élevé.
Traditionnellement, l’accompagnement pour ce transfert d’expertise se fait de manière individualisée et en présence. Par exemple, tous les appels téléphoniques de prise de contact avec les patients identifiés sont faits en présence du recruteur expérimenté. Les rencontres subséquentes avec ces patients se font aussi ensemble et dans le cadre d’une rencontre en présence. Un élément important de la formation repose sur les discussions et échanges entre le recruteur expérimenté et le nouveau recruteur. C’est par le biais de ces discussions, qui suivent les appels téléphoniques et les rencontres en présence, que les interprétations possibles des propos du patient rencontré sont explorées.
Dans le cadre du développement d’un cours en ligne sur le partenariat avec le patient, intitulé « MMD6380 Fondements du partenariat », à la Faculté de médecine de l’Université de Montréal, il a fallu répondre à l’objectif de former les apprenants sur la manière de recruter de nouveaux patients partenaires. Tel que mentionné, le recrutement de patients partenaires vise à identifier ceux qui possèdent des compétences spécifiques, propices à soutenir le changement dans les pratiques de soins, en recherche et en éducation [3]. Nous avons donc cherché une activité pédagogique qui pourrait reproduire les discussions qui ont lieu normalement lors de la formation au recrutement en présence.
La méthode recrutement de patients partenaires mobilisée par la Direction de la collaboration et partenariat patient (DCPP) est innovante. Il n’y a donc pas de références sur lesquelles s’appuyer, autres que celles développées en interne par la DCPP [4].
Nous avons choisi d’employer la formation par concordance (FpC) que nous avons déployée sur Moodle©, l’environnement numérique d’apprentissage utilisé à l’Université de Montréal.
Les objectifs de cet article sont de : 1) présenter comment la FpC a été adaptée pour permettre l’apprentissage au recrutement de patients partenaires ; 2) décrire les défis techno-pédagogiques posés par l’utilisation de Moodle et les solutions qui ont été trouvées.
Le principe de la FpC [5] consiste à placer les participants devant des simulations de cas authentiques qui sont présentées sous forme de courtes vignettes cliniques qui peuvent inclure différents contenus audiovisuels. Chaque situation comporte une dimension d’incertitude et plusieurs options sont possibles. Pour chaque question posée à l’apprenant, une option est présentée puis une nouvelle donnée est fournie. La tâche du participant est alors de spécifier quel effet a cette donnée sur l’option. La réponse est captée sur une échelle de Likert comportant quatre ou cinq points selon le contexte.
Pour tenir compte de l’incertitude inhérente aux cas présentés, les réponses sont comparées à celles données par les membres d’un panel d’experts. En effet, en cliquant sur leur réponse les apprenants voient : 1) comment se situe leur réponse par rapport à celles qu’ont données les membres d’un panel de référence ; 2) les justifications que ces membres ont données à leurs réponses ; 3) un message de synthèse.
La conception d’une FpC inclut la prise en compte de six variables qui sont les suivantes : 1) le but de l’activité pédagogique ; 2) la nature de la tâche ; 3) le contenu et le niveau de complexité ; 4) le panel de référence ; 5) les rétroactions et 6) l’environnement numérique d’apprentissage [5].
La FpC présentait plusieurs avantages en ce qui concerne l’enseignement au recrutement de patients partenaires ; notammant, elle s’appuie sur l’expertise d’un panel d’experts, le recrutement de patients partenaires présentant des zones d’incertitudes qui sont difficiles à cerner, elle simule des cas réels et elle s’adapte à la formation en ligne.
Description de l’innovation
Elaboration de l’appareillage didactique
Pour l’adapter au recrutement des patients partenaires, cette FpC a été construite autour de simulations d’entretiens de recrutement filmés et édités en courtes capsules, remplaçant les vignettes cliniques.
Dans un premier temps, deux entretiens d’environ trente minutes ont été menés avec deux patients partenaires qui, par souci de réalisme, n’avaient pas reçu de préparation préalable aux entretiens et ne connaissaient pas d’avance les questions. Ces entretiens ont ensuite été découpés en huit courts extraits. Les extraits ont été choisis en fonction de la diversité d’interprétations possibles et de la mise en lumière des compétences recherchées lors d’un entretien de recrutement, contenues dans le référentiel de compétences du patient partenaire [3].
Dans un deuxième temps, une question principale a été développée, soit :
« À quel point la réponse de [Sylvain] vous encouragerait-elle à solliciter une collaboration avec lui comme patient partenaire ? ».
La question principale a ensuite été déclinée en sous questions selon les compétences visées.
Voici trois exemples de la manière dont cette question principale a été déclinée :
« À quel point la réponse de [...] vous encouragerait-elle à solliciter une collaboration avec lui comme patient partenaire […] considérant qu’un patient partenaire doit être partenaire de ses propres soins ? »
« À quel point la réponse de [...] vous encouragerait-elle à solliciter une collaboration avec lui comme patient partenaire […] considérant qu’un patient partenaire doit être en mesure de porter un regard critique sur le système de santé ? »
« À quel point la réponse de [...] vous encouragerait-elle à solliciter une collaboration avec lui comme patient partenaire, […] considérant qu’un patient partenaire doit avoir un parcours de soins ou de services significatif dans le système de santé ? »
Les sous-questions « considérant que » ont été élaborées en s’appuyant sur les différentes compétences recherchées chez les patients partenaires, sur leur compréhension du partenariat patient et sur leur motivation à s’impliquer dans une organisation [3].
Ces sous-questions diffèrent de la FpC en ce que, plutôt que de présenter une nouvelle variable, elles visent à amener l’étudiant à analyser une interaction entre un patient et le recruteur sous une lumière différente à chaque sous-question. Ainsi, la réponse à une sous-question pour un extrait vidéo pourrait être « très favorable », c’est-à-dire que, selon cet élément spécifique de l’entretien ou un critère spécifique de recrutement, l’interaction serait évaluée favorablement. Toutefois, la réponse à une autre sous-question pour le même entretien pourrait être « très défavorable », c’est-à-dire que, selon l’élément spécifique suivant « considérant que… », l’interaction serait évaluée défavorablement. L’objectif est d’amener l’étudiant à prendre conscience de la diversité d’interprétations possibles d’une même interaction entre un patient et un recruteur.
Au total, pour chacun des huit extraits, la question principale a été déclinée entre quatre et six fois avec des critères de recrutement différents. À chaque déclinaison de la question principale, l’apprenant est ainsi porté à analyser la séquence d’entretien à travers la lentille d’un critère de recrutement différent.
Afin de s’assurer de la validité de chaque déclinaison de la question principale, celles-ci ont été révisées par différents membres de l’équipe de développement du cours. Les différentes déclinaisons de la question principale ont ensuite été imprimées sous forme de grille et soumises à cinq membres d’une communauté de pratique de recruteurs de patients partenaires rattachée au Centre d’excellence sur le partenariat avec les patients et le public (CEPPP), constituant le panel d’experts, qui ont répondu à chaque question déclinée en fournissant une rétroaction. Ces rétroactions ont été consignées et incluses dans la FpC à l’intention de l’apprenant. Puis la responsable des recrutements a fourni un message de synthèse d’environ 400 mots pour chaque séquence vidéo.
Sélection du panel d’experts
Le panel d’experts de cette FpC est constitué de cinq recruteurs expérimentés qui se rencontrent ponctuellement par le biais d’une communauté de recruteurs pour discuter des enjeux de recrutement relatifs à leur contexte spécifique. Les contextes pour lesquels des patients sont recrutés sont très différents. Deux recruteurs sont spécialisés dans les contextes de recherche, un dans une unité d’un réseau provincial de recherche en santé, l’autre dans un contexte de recherche pan canadien relatif à une problématique de santé spécifique. Un autre recruteur œuvre au sein d’une organisation élaborant des normes d’excellence. Un autre recruteur agit au sein d’une équipe interdisciplinaire dans une clinique hors hôpital et un autre recruteur agit en contexte d’éducation médicale.
La FpC nous a semblée appropriée pour soutenir le type de raisonnement induit par le processus de recrutement de patients partenaires. Nous avons toutefois légèrement modifié la nature de la tâche demandée à l’apprenant. En effet, au lieu d’être constituée par l’ajout d’une nouvelle donnée sur une hypothèse de départ, chaque sous-question mène à une nouvelle analyse d’une même interaction.
Déploiement de la formation sur Moodle
Un des défis technopédagogiques du développement de cette FpC a été l’utilisation de la plateforme de gestion des apprentissages Moodle, qui est la plateforme utilisée par l’Université de Montréal. L’outil « test » de Moodle, en raison de ses nombreux choix de paramétrages, est apparu le plus adapté parmi les nombreux outils disponibles. Cet outil permet de créer différents types de questions, telles que des questions à choix multiples, des « glisser-déposer » (avec texte ou images), des questions sollicitant des réponses de type « vrai ou faux » ou encore des questions ouvertes. Dans ce cas, nous avons choisi les questions à choix multiples, car c’était l’option la plus flexible. Elle permettait également de montrer les rétroactions des experts immédiatement après avoir répondu à la question. L’option « test » permettait également d’associer plusieurs questions à choix multiple à une seule vidéo, ce qui permettait de décliner la question principale (« à quel point la réponse de X vous encouragerait-elle à solliciter une collaboration avec lui comme patient partenaire… ») en sous-questions (…considérant que…).
L’objectif était d’afficher une seule séquence vidéo par page, suivie de la question principale et de ses déclinaisons en lien avec la séquence. L’apprenant doit exprimer son degré d’accord ou de désaccord sur une échelle de Likert à quatre points (Fig. 1).
Un « test » distinct a donc été créé dans Moodle pour chaque séquence vidéo, suivi d’un message de synthèse. Cet exercice étant formatif et non sommatif, les étudiants ont eu accès aux messages de synthèse immédiatement après avoir terminé de répondre aux sous-questions d’une séquence vidéo. Chaque message de synthèse a donc été ajouté dans les paramètres généraux de chaque test, en s’assurant de mettre toutes les questions sur la même page dans les paramètres de mise en page et d’afficher ou non les rétroactions des experts directement sur la page de questions (Fig. 2).
Ainsi, l’apprenant peut situer sa réponse par rapport à celles des experts avant de poursuivre l’activité avec les questions suivantes.
Dans les paramètres de chaque question, le choix d’une seule réponse par question est permis. Un score de 100 % est alloué à chaque réponse correspondant à celle d’un des cinq experts de contenu ou 0 % dans le cas où aucun expert n’avait choisi cette réponse. Par exemple, dans la figure 2, l’apprenant aurait obtenu 100 % dans le cas où il aurait répondu « peu » ou « très peu », alors qu’il aurait obtenu 0 % dans le cas où il aurait répondu « très fortement » ou « fortement ». Les « rétroactions combinées » qui sont spécifiques à chaque question du test Moodle et qui indiquent automatiquement si l’apprenant a choisi une bonne ou mauvaise réponse ont été supprimées puisque la visée de la FpC est de permettre à l’apprenant de se situer par rapport aux réponses des experts, et non de déterminer si ses réponses sont « bonnes » ou « mauvaises ». Cette approche nous a semblé être la meilleure façon de créer une FpC sur Moodle, même s’il eut été préférable que les scores n’apparaissent pas. Les étudiants ont été avertis d’avance que les scores n’affecteraient pas leur note finale pour le cours.
La communauté d’experts recruteurs a ensuite été invitée à réviser cette première version du test en ligne, afin d’en valider le contenu. Après révision, certains experts ont demandé à préciser leurs rétroactions. Cela a été permis sous condition de ne pas changer la nature de leur rétroaction initiale. Après intégration de ces modifications, l’équipe responsable du cours a révisé les FpC pour un dernier contrôle de qualité.
Fig. 1 Exemple d’intégration d’une question sur Moodle. |
Fig. 2 Rétroactions des experts par question. |
Discussion
Comparée à la méthode de FpC décrite par Fernandez et al. [6] la tâche de l’apprenant est modifiée. Dans chaque question, plutôt que d’être questionné quant à l’effet produit par une nouvelle information sur le statut d’une hypothèse ou option, l’apprenant doit observer et écouter un candidat au recrutement pour décider s’il répond à un des critères de recrutement spécifiés dans le Guide de recrutement des patients partenaires [4]. Avec chacune des déclinaisons (« considérant que… ») de la question principale, on propose donc un nouveau référent à l’aide duquel il s’agit d’interpréter une situation complexe plutôt qu’une nouvelle variable à ajouter à une hypothèse de départ.
Le fait de découper en plusieurs séquences un entretien de recrutement offre à l’apprenant un espace privilégié de questionnement qui pourrait favoriser des pratiques de recrutement adéquates.
L’utilisation de Moodle pour développer des FpC posait certains défis. L’outil « leçon » aurait présenté l’avantage de ne pas fournir de résultats chiffrés à l’apprenant et aurait permis de séquencer la FpC page par page. Cependant, cette structure en arbre, qui redirige l’apprenant vers une page différente selon sa réponse, présente une complexité non nécessaire au développement de FpC. L’outil « test » s’est avéré mieux adapté, car il permet de régler le nombre de questions par page ainsi que l’affichage des rétroactions immédiates et de synthèse, qui apparaissent respectivement durant et à la fin du test. L’enjeu des résultats chiffrés a été contourné en accordant une note de 100 % ou 0 % pour chaque question déclinée. De plus, il est spécifié dans les consignes écrites et orales qu’il n’y a pas de « bonnes » ou de « mauvaises » réponses. La création d’un outil « FpC » pour la plateforme Moodle permettrait de contourner plus aisément ces limites et faciliterait l’utilisation de FpC en ligne, notamment dans les milieux universitaires, où la plateforme Moodle est souvent utilisée.
D’autres champs d’expertise où on doit enseigner à naviguer en intégrant certaines incertitudes pourraient bénéficier de cette FpC interprétative qui propose de nouveaux prismes de questionnement plutôt que l’ajout de nouvelles variables à une équation existante. Par exemple, ce type de FpC pourrait être bénéfique pour l’enseignement de techniques d’entretien en recherche qualitative, de l’entretien journalistique ou de l’entretien d’embauche. Il pourrait être fécond de s’intéresser aux différences et aux éventuelles ressemblances entre la méthode de recrutement de patients partenaires et les méthodes de recrutement provenant d’autres champs, ainsi qu’aux formules pédagogiques déployées pour les enseigner. Une telle étude permettrait peut-être d’enrichir chacune de ces méthodes de recrutement ainsi que les formules pédagogiques déployées dans le cadre de leur enseignement.
Cet outil a été testé avec une première cohorte d’apprenants aux sessions d’hiver 2019 et 2020.
Une collecte de données officielle n’a pas encore été effectuée. Toutefois, nous avons pu observer une activité fortement accrue sur le forum en ligne du cours durant la semaine du cours concernée, indiquant que cette activité a encouragé un grand nombre de discussions parmi les étudiants.
Une collecte de données plus détaillées sera l’occasion d’évaluer différents éléments spécifiques, tels que la clarté des consignes, la progression des apprentissages et la pertinence perçue par l’apprenant, ainsi que la comparaison, par ceux qui ont donné pendant des années la formation au recrutement via la méthode magistrale, de l’efficacité de ce nouveau mode d’apprentissage pour former des recruteurs de patients partenaires.
Finalement, les experts de la communauté de pratique de recruteurs de patients partenaires ont exprimé l’idée que l’exercice d’explicitation de leur expertise de recruteurs à travers les rétroactions fournies pour chaque déclinaison de la question principale leur a été bénéfique pour deux raisons. Premièrement, cela leur a permis une prise de recul face à leur pratique. Le processus de développement d’une FpC exposé dans cet article présenterait donc certaines qualités pédagogiques pour les experts de contenu qui y prennent part. Deuxièmement, cela a permis de cristalliser les savoirs tacites d’experts et de produire de nouvelles connaissances transmissibles dans d’autres contextes. Il s’agit là de retombées positives imprévues du processus de développement de FpC en ligne.
Conclusion
La FpC interprétative, basée sur la diversité d’interprétations possibles d’une même séquence vidéo, est un outil pédagogique prometteur pour l’enseignement de méthodes d’entretien. Tout laisse croire que cette approche puisse également s’appliquer à d’autres contextes d’apprentissage, selon la créativité des concepteurs pédagogiques et enseignants qui l’emploient.
Contributions
Mathieu Jackson, Annie Descoteaux, Louise Nicaise et Bernard Charlin ont participé conjointement à la rédaction du manuscrit. Marie-Pierre Codsi, Philippe Karazivan, Marie-France Deschesne, Luigi Flora, Alexandre Berkesse et Vincent Dumez ont apporté une contribution aux révisions successives.
Liens d’intérêts
Aucun auteur ne déclare de conflit d’intérêt en lien avec le contenu de cet article.
Approbation éthique
Non sollicitée.
Références
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- Pomey M-P, Flora L, Karazivan P, Dumez V, Lebel P, Vanier M, Jouet E. Le « Montreal Model » : enjeux du partenariat relationnel entre patients et professionnels de la santé. Santé Publique 2015;S1(HS):41‐50. [Google Scholar]
- Direction collaboration et partenariat patient (DCPP). Référentiel de compétences des patients partenaires. Montréal : Université de Montréal, 2016 [On-line]. Disponible sur : https://medfam.umontreal.ca/wp-content/uploads/sites/16/2018/05/Referentiel-pratique_Collaborative-et-partenariatPatient_2016.pdf. [Google Scholar]
- Direction collaboration et partenariat patient (DCPP). Guide pratique de recrutement des patients partenaires. Montréal : Université de Montréal, 2016 [On-line]. Disponible sur : https://ceppp.ca/fr/ressources/. [Google Scholar]
- Charlin B, Deschênes M-F, Dumas J-P, Lecours J, Vincent A-M, Kassis J, Foucault A. Concevoir une formation par concordance pour développer le raisonnement professionnel : quelles étapes faut-il parcourir ? Pédagogie Médicale 2018;19:143‐9. [CrossRef] [EDP Sciences] [Google Scholar]
- Fernandez N, Foucault A, Dubé S, Robert D, Lafond C, Vincent A, Charlin B. Learning-by-Concordance (LbC): Introducing Undergraduate Students to the Complexity and Uncertainty of Clinical Practice. Can Med Educ J 2016;7:104‐13. [Google Scholar]
Citation de l’article : Jackson M., Descôteaux A., Nicaise L., Flora L., Berkesse A., Codsi M.-P., Karazivan P., Dumez V., Deschênes M.-F., Charlin B. Former en ligne au recrutement de patients partenaires : l’apport des formations par concordance. Pédagogie Médicale 2020:21;101-106
Liste des figures
Fig. 1 Exemple d’intégration d’une question sur Moodle. |
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Fig. 2 Rétroactions des experts par question. |
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Dans le texte |
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