Contexte et problématique

En mars 2019, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a déclaré que la maladie au nouveau coronavirus (COVID-19) peut être qualifiée de pandémie [1]. Le monde est donc confronté au défi de gérer une maladie virale peu connue et l’une des menaces sanitaires les plus graves de l’histoire. La pandémie COVID-19 a mis à l’épreuve tous les pays, même les plus développés. Depuis son apparition en Chine en décembre 2019, la propagation pandémique du virus dans les quatre continents a poussé les systèmes de santé à préparer en urgence des plans de riposte.

Les gouvernements ont instauré des démarches à plusieurs niveaux, macro et micro, de la société. Les interventions ont concerné dans beaucoup de pays le secteur de l’éducation dans les premières phases de la lutte contre la menace du COVID-19. L’état d’urgence sanitaire a entrainé une interruption de l’enseignement médical. Certaines facultés de médecine ont interdit toute interaction avec les patients [2], tandis que d’autres ont recruté des étudiants pour des postes en milieu hospitalier afin qu’ils puissent aider les professionnels de la première ligne [3–5].

Le Maroc, qui a enregistré son premier cas le 2 mars 2020, a entrepris des mesures drastiques pour endiguer la propagation du virus. Depuis le 16 mars 2020 suite à une note du Ministère de l’enseignement supérieur, et en réponse aux mesures de santé publique de distanciation sociale nationale, les activités d’enseignement en présence au niveau des écoles et de tous les établissements d’enseignement publics et privés ont été suspendues. Au niveau de la Faculté de médecine et de pharmacie de Marrakech (FMPM), les activités pédagogiques ont été maintenues à distance via la plateforme de la faculté, les réseaux sociaux et les technologies de communication. Cependant, les stages ont été suspendus [6], et les étudiants en médecine de la première à la sixième années de formation initiale ont été écartés des soins aux patients pendant la crise.

Les facultés de médecine qui font partie des établissements concernés, se distinguent par la particularité de leurs étudiants qui représentent les futurs professionnels de santé. Ces mêmes professionnels de santé sont en première ligne de lutte contre la pandémie actuelle. Cette crise pourrait être alors pleine d’enseignement pour les apprenants pour reconnaître les relations entre les aspects professionnels de la pratique médicale et les obligations envers la société. C’est une opportunité pour mener des réflexions constructives à partir d’une situation vécue sur les aspects relatifs au concept de la responsabilité sociale (RS). Pour les institutions académiques, la responsabilité sociale est définie par l’OMS comme une obligation pour les facultés d’orienter la formation qu’elles donnent, les recherches qu’elles poursuivent et les services qu’elles dispensent, vers les principaux problèmes de santé de la communauté qu’elles ont comme mandat de servir. Il parait important devant cet évènement inédit de l’histoire de rechercher l’impact de cette pandémie sur l’ancrage des valeurs de la RS à tous les niveaux de la société et l’ensemble des acteurs du pentagone de la RS.

Qu’en est-il de l’étudiant en médecine futur professionnel de santé ? Serait-il en mesure de repositionner sa part de responsabilité pour contribuer à la lutte nationale ? Quel est son vécu dans ces circonstances ? Quelle perception a-t-il de la RS dans ce contexte ? Quelle initiative ou action pourrait-il proposer pour illustrer sa RS ?

En lien avec les différentes approches et en l’absence de recommandations, nous nous posons la question suivante : est ce que les étudiants en médecine auront un rôle à jouer durant cette pandémie mondiale ?

La mise en lumière du vécu de l’étudiant en médecine pourrait être une source de réflexion sur les besoins d’adaptation aux évolutions de la situation mais aussi une référence pour tirer des leçons pour le futur en termes d’adaptation de la formation et de développement des compétences de nos étudiants.

Ce que nous avons fait

Nous avons observé plusieurs initiatives responsables de la part des étudiants, parmi lesquelles certaines ont été faites à titre individuel, comme le partage d’informations et la sensibilisation via les medias sociaux, alors que d’autres ont été organisées par des groupes d’étudiants volontaires, en particulier pour gérer le centre d’appels COVID-19 créé par le SAMU-Marrakech qui recevait les appels des citoyens, pour filtrer les cas suspects, apporter une aide au système de triage des malades, à la surveillance des cas admis dans des unités hôtelières ou pour participer à des gardes aux services d’hospitalisation. Pour comprendre en profondeur les perceptions par les étudiants de leur rôle pendant et après la pandémie, nous avons mené une étude qualitative phénoménologique auprès des étudiants en médecine de la FMPM des différents niveaux d’étude au cours du mois d’avril 2020. Les données ont été collectées dans le cadre de groupes de discussion focalisée et d’entretiens semi directifs conduits par des pairs (étudiants en médecine volontaires du groupe Responsabilité Sociale de l’IFMSA Maroc International Federation of Medical Student Association). Nous nous sommes interrogés concernant quatre dimensions :

1. Quel était le vécu de l’étudiant en médecine en formation durant cette pandémie COVID-19 (Posture d’étudiant apprenant) ?

2. Quelle était la perception du rôle social face à cette pandémie (Posture du futur professionnel de santé) ?

3. Quelles ont été les initiatives ou actions socialement responsables, mises en œuvre durant la lutte contre la pandémie ou, à l’inverse, y a-t-il eu des initiatives caractérisées par une atténuation de leur impact social ? Quelles en étaient les raisons ?

4. Quelles sont les perspectives après la pandémie concernant le rôle social de l’étudiant en médecine? Quelles sont alors les propositions pour l’avenir (leçons) ?

Ce que nous avons observé

Les étudiants ont exprimé la volonté d’une implication dans la gestion participative de la lutte contre la pandémie COVID-19 au Maroc. Cependant les degrés de participation effectives ont été différents en fonction des niveaux d’étude mais surtout au regard de l’expérience antérieure dans le champ de la responsabilité sociale. La pandémie a été une occasion pour examiner comment la faculté et les étudiants pourront s’inscrire dans la réponse aux besoins de la société et dans l’anticipation des rôles à jouer face à des menaces sanitaires.

Nous avons proposé un projet fédérateur au sein de l’institution à travers la création d’un groupe étudiants-enseignants-administration et acteurs dans la région, pour débattre les résultats observés et concrétiser certaines propositions des participants à court et moyen terme après la pandémie

Points forts et limites

Saisir l’évènement historique de la pandémie COVID-19 pour mener le travail d’observation, en complément de l’étude qualitative auprès des étudiants en médecine à Marrakech, a été d’un grand apport pour collecter les possibilités d’intervention en vue d’ancrer les valeurs de la responsabilité sociale durant la formation.

Les points faibles ont été liés à l’impact des mesures de distanciation sociale et de confinement qui ont empêché d’interagir directement avec les participants lors de la collecte des données. L’absence de financement pourrait être une limite à la mise en œuvre de certaines actions proposées par les étudiants.

Conclusion

La pandémie a été une occasion pour examiner comment la faculté et les étudiants pourront s’inscrire dans la réponse aux besoins de la société et dans l’anticipation des rôles à jouer face à des menaces sanitaires. Les résultats de cette étude seront la base d’une discussion au sein de l’institution sur les recommandations et les actions à mener en termes de formation et de développement des compétences en responsabilité sociale des étudiants futurs professionnels de santé après la pandémie.

Références

© SIFEM, 2020