Accès gratuit
Numéro
Pédagogie Médicale
Volume 21, Numéro 4, 2020
Page(s) 245 - 247
Section Communication brève
DOI https://doi.org/10.1051/pmed/2020053
Publié en ligne 8 décembre 2020

Contexte

Durant la pandémie COVID-19, l’enseignement universitaire a été perturbé de par le monde. En Tunisie, les étudiants stagiaires (externes) ont été évincés des hôpitaux et des bancs des facultés sur les recommandations faites par les autorités sanitaires et ministérielles. L’enseignement de la gynécologie obstétrique aux étudiants en troisième année du deuxième cycle des études médicales (DCEM3) à la Faculté de médecine de Tunis (FMT) contient deux volets : un stage en milieu hospitalier de huit semaines et un enseignement théorique en présence à la FMT. Cet enseignement théorique associe une séance organisée selon le format Clarification, Illustration, Application, Participation (CIAP) à l’étude préalable d’un module d’apprentissage auto-dirigé fourni par la FMT en début d’année à tous les étudiants [1,2].

Problématique

Le défi en période de confinement a été de maintenir le niveau de cet enseignement pour une égalité des chances entre les étudiants, puisque les groupes de stagiaires avant COVID ont eu accès à un enseignement complet alors que les groupes de la période de COVID ont vu leurs stages écourtés et leurs séances présentielles réduites au minimum. En ces circonstances particulières, des solutions pédagogiques exceptionnelles ont dû être trouvées pour assurer le maintien d’un niveau identique de l’enseignement entre les deux groupes d’étudiants touchés inégalement par la COVID mais soumis aux mêmes évaluations.

Ce que nous avons fait

Nous avons opté pour la mise en place de cours en ligne de gynécologie obstétrique en utilisant la plateforme Moodle de la FMT via l’Université virtuelle de Tunis (UVT), pour tenter de remplacer les cours en présence ; pour les stages, nous avons utilisé Google classroom.

Les cours en ligne ont été mis en place au fur et à mesure par les enseignants responsables des cours, et validés au préalable par la cheffe de la section. Le contenu était standardisé suivant la charte des cours en ligne de la FMT [3]. Nous avons donc mis à la disposition des étudiants, des ressources diverses relatives à chaque cours (vidéos, photos, articles scientifiques…). Des diaporamas commentés, simulant des séances de CIAP, classiquement réalisées en présence, ont aussi été produits. Nous avons aussi intégré des évaluations formatives à type de questions à choix multiples et de cas cliniques corrigés. Un forum de communication a aussi été intégré au dispositif pédagogique, conclu par une rétro-action évaluative des étudiants sur cet enseignement. Il s’agissait d’un questionnaire administré via Google Forms, sollicitant des réponses sur une échelle de Lickert (1 pas d’accord à 5 tout à fait d’accord), concernant la facilité d’utilisation de la plateforme, la pertinence des différentes ressources et des évaluations, et la qualité de l’interactivité. Des questions permettaient aussi aux étudiants d’auto-évaluer leurs connaissances avant et après l’utilisation des cours en ligne (avec des notes de 0 à 10).

Pour les stages écourtés, Google Classroom a semblé être une solution intéressante. En effet, nous avons mis à disposition des étudiants des ressources diverses : fiches techniques pour la réalisation des gestes (frottis cervico-utérin, palpation des pôles fœtaux, mesure de la hauteur utérine, etc.…), cas cliniques interactifs et vidéos explicatives. Ces ressources étaient axées sur la pratique et les gestes que les étudiants auraient dû voir et apprendre en stage. Les séances interactives réalisées avec des petits groupes d’étudiants (apprentissage au raisonnement clinique ou séances d’interprétation d’examens complémentaires) ont été filmées et mises en ligne via Google Classroom pour être accessibles aux autres étudiants. Une évaluation de satisfaction via Google Forms a été ajoutée pour solliciter une rétro-action des étudiants.

Ce que nous avons observé

Quarante-deux des 43 cours de gynécologie obstétrique ont été mis en ligne. Parmi les 500 étudiants de DCEM3 qui avaient tous accès aux cours en ligne, divisés en quatre groupes (deux par semestre), un seul groupe était concerné par la perturbation de leur formation due au confinement. Parmi les 209 étudiants qui se sont connectés aux cours (41,8 %), 58 ont répondu au questionnaire d’évaluation. La plupart (74,1 %) des étudiants ont trouvé que la plateforme était facile à utiliser. Dans 46,6 % des cas, ils ont estimé que les ressources fournies leur ont apporté des clarifications, et les cas clinique ont suscité leur intérêt dans 50 % des cas. Les outils d’évaluation formative ont été considérés comme pertinents par 44,8 % des étudiants. Par contre, le forum ne leur a permis une interactivité que dans 8,6 % des cas, et a été considéré comme inutile par 77,6 % des étudiants.

Ils ont auto-évalué leur niveau de connaissances avant et après l’utilisation des cours en ligne, passant d’une moyenne de 4,5/10 [1 à 8/10] à 7,7/10 [1 à 10/10]. L’amélioration était donc de 3/10 en moyenne [+0 à +8/10].

Les ressources jugées les plus pertinentes par les étudiants étaient les diaporamas commentés (77,5 %). Leur absence dans certains cours a été considérée comme le principal point faible. Des problèmes de son et de lecture des vidéos ont aussi été rapportés par certains (17,2 %).

Pour Google Classroom, l’expérience a concerné 30 étudiants, dont seulement 10 en temps de COVID réel. L’évaluation a montré que 93 % des étudiants l’ont utilisé et l’ont trouvé facile à utiliser (78,6 %). Les ressources étaient pertinentes (57 % l’ont noté à 5/5 et 43 % à 4/5) et les cas cliniques interactifs ont suscité leur intérêt (57 %). Ceux-ci ont été considérés comme étant les plus bénéfiques, suivis des vidéos (21 %) et des fiches techniques (14 %). L’interaction manquait ici aussi selon les étudiants (70 % l’ont noté à 3/5). Leurs connaissances ont été améliorées de 2,86/10 entre avant l’utilisation de Google Classroom (4,85/10 en moyenne) et après (7,71/10 en moyenne). Ils ont considéré que cette méthode était un bon complément à leur stage hospitalier (100 %), mais déplorent le fait que beaucoup d’étudiants mais aussi d’enseignants n’adhèrent pas à ce type d’apprentissage.

Points forts et points faibles

L’enseignement en ligne n’est pas une méthode d’enseignement nouvelle [4], mais à la FMT, il s’agit d’une innovation. Cette expérience nouvelle en ces circonstances particulières était intéressante, prometteuse et enrichissante. Elle a permis de pallier les insuffisances de formation dues au confinement général dans notre pays. Les étudiants ont perçu l’intérêt de cet enseignement en ligne comme ressource pour une amélioration objective de leurs connaissances. Les objectifs d’apprentissage théorique ont été atteints puisque les taux de réussite aux examens n’étaient pas différents des années précédentes. Par contre, même si les ressources utilisées pour le Google Glassroom étaient utiles, elles ne permettront pas d’atteindre des objectifs de savoir-faire spécifiques des stages hospitaliers.

Cette méthode d’enseignement n’a pas été acceptée par tous les étudiants ni d’ailleurs par tous les enseignants. En effet, comme toute nouveauté, les réfractaires au changement ont rendu la tâche un peu difficile, comme le montre le nombre d’étudiants qui se sont connectés à la plateforme de cours en ligne (41,8 % seulement). L’autre insuffisance était le manque d’interactivité enseignants-étudiants ; en effet, n’étant pas habitués à utiliser correctement la plateforme, ils n’ont pas pu en utiliser tout le potentiel. Former les étudiants et les enseignants aux outils numériques permettra certainement d’améliorer l’adhésion des réfractaires à cet environnement pédagogique. Permettre un accès institutionnel à un matériel audio-vidéo de qualité permettra aussi de pallier les insuffisances techniques identifiées. Enrichir au fur et à mesure la plateforme, la rendant ainsi plus attractive pour les étudiants, permettra d’avoir des bases solides pour cet enseignement en ligne.

Conclusion

Malgré la réticence de certains étudiants et enseignants, la mise en place des cours en ligne (pour l’enseignement théorique) et de Google Classroom (pour l’enseignement pratique) a permis un accès des étudiants de DCEM3 de la FMT à un apprentissage de la gynécologie-obstétrique en temps de pandémie COVID-19 et de confinement général, quasi-identique à celui de l’enseignement classique. Néanmoins, le principal point faible était le manque d’interactivité entre étudiants et enseignants, dû probablement à la nouveauté de cette méthode d’enseignement et d’apprentissage. Faire évoluer ces outils, même après la pandémie, nous permettra de renforcer l’enseignement de la gynécologie-obstétrique, puisque la pandémie nous a permis de construire des bases solides à améliorer, surtout en matière d’interactivité.

Références

  1. Kaffel D, Ben Hamida E. Evaluation de séance CIAP (Clarification, Illustration, Application, Participation) dans l’enseignement de la rhumatologie. Tun Med 2018;96:91‐6. [Google Scholar]
  2. Jellouli M, Ben Hamida E, Hammi Y, Ferjani M, Gargah T. Déroulement et évaluation d’une séance de CIAP auprès des étudiants en médecine, module Pédiatrie. Tun Med 2018;96:161‐4. [Google Scholar]
  3. Faculté de médecine de Tunis. Charte graphique des espaces de cours. 2020 [On-line]. Disponible sur : http://www.fmt.rnu.tn/index.php?id=575&tx_abdownloads_pi1%5Baction%5D=getviewclickeddownload&tx_abdownloads_pi1%5Buid%5D=2035&tx_abdownloads_pi1%5Bcid%5D=755&no_cache=1. [Google Scholar]
  4. Marchan L. Pour une éducation médicale avec apprentissage en ligne. Pédagogie Médicale 2002;3:180‐7. [CrossRef] [EDP Sciences] [Google Scholar]

Citation de l’article : Ben Amor A., Charfi R., Ben Hammouda S., Jouini M. Enseignement de la gynécologie-obstétrique aux étudiants en médecine en temps de pandémie. Pédagogie Médicale 2020:21;245-247


© SIFEM, 2020

Les statistiques affichées correspondent au cumul d'une part des vues des résumés de l'article et d'autre part des vues et téléchargements de l'article plein-texte (PDF, Full-HTML, ePub... selon les formats disponibles) sur la platefome Vision4Press.

Les statistiques sont disponibles avec un délai de 48 à 96 heures et sont mises à jour quotidiennement en semaine.

Le chargement des statistiques peut être long.