© EDP Sciences / Société Internationale Francophone d’Education Médicale, 2019

Contexte et problématique

La formation médicale continue sur le médicament constitue, à l’heure actuelle, un vrai challenge. La diffusion massive d’informations sur la santé auprès du grand public, notamment par internet, associée à l’importante défiance de ce dernier envers l’industrie pharmaceutique et les autorités de santé, complexifient les échanges entres les patients d’un côté et le corps médical de l’autre. L’enjeu d’une formation et d’une information des professionnels de santé, indépendantes et de qualité, est ainsi primordial.

L’avènement des réseaux sociaux a révolutionné la façon d’accéder à l’information, de communiquer et de partager le savoir dans de nombreux domaines, y compris celui de la santé. De nombreux patients ou groupes de patients y échangent des informations, tout comme le font les professionnels de santé. Le réseau social actuellement le plus utilisé pour un usage professionnel est Twitter^®. Ce réseau, d’accès gratuit, permet de diffuser instantanément des messages de taille restreinte (des tweets), historiquement de 140 caractères, ce qui permet à celui qui les lit d’obtenir des informations courtes et généralement précises. Il est possible d’y insérer une image ou de renvoyer vers un lien internet ou vers un autre message, permettant notamment de détourner la contrainte principale du nombre de caractères. Ces messages sont publics, consultables par n’importe quelle personne ayant accès à internet et diffusables en un clic dès lors qu’une personne est inscrite sur ce réseau. Le recours à des mots-clés (# ou hashtags), qui contextualisent une publication et permettent de regrouper des contenus ayant le même sujet, est un outil précieux.

L’initiative Twitter^® du réseau français des centres régionaux de pharmacovigilance

La plupart des grandes institutions disposent parmi leurs moyens de communication d’un compte Twitter^®. Les grands journaux scientifiques utilisent également ce médium pour diffuser les derniers articles mis en ligne, tout comme de nombreuses équipes de recherche diffusent leurs dernières découvertes. Par ailleurs, des mots-clés tels que #DocTocToc ou #TeamPharma ont émergé et constituent une entre-aide au sein de communautés de professionnels de santé. Ils permettent aux professionnels de santé de s’interpeller sur une question précise ou d’avoir un avis collaboratif sur un cas clinique par exemple.

Le réseau français des centres régionaux de pharmacovigilance (RFCRPV) regroupe l’ensemble des 31 centres régionaux de pharmacovigilance (CRPV) en France. Ces centres, composés de professionnels de santé pharmaciens ou médecins, sont en charge du recueil, de l’analyse, la gestion et la prévention des effets indésirables. Ces professionnels, sans lien d’intérêt avec l’industrie pharmaceutique, assurent également une mission d’information sur le médicament, ses effets indésirables, son bon usage, notamment en renseignant les professionnels de santé au cours de leurs demandes de renseignements ou en participant à leur formation. Le compte Twitter^® du RFCRPV (@Reseau_CRPV) diffuse quotidiennement des informations des agences officielles (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé [ANSM], Haute autorité de santé [HAS], ministère de la Santé, etc.) et participe à la veille bibliographique sur la pharmacovigilance et plus généralement sur la pharmacologie et les médicaments. L’information diffusée a déjà été validée par les pairs lors de la publication scientifique. Le recours à certains mots-clés tels que #pharmacologie, #pharmacovigilance ou #médicament, permet d’optimiser la visibilité et de faciliter les recherches ciblées. Ce compte est suivi par des médecins, pharmaciens, étudiants en santé, journalistes en santé ou grand public, et totalise actuellement plus de 2600 followers depuis sa création en décembre 2016. Par ailleurs, le compte @Reseau_CRPV propose tous les vendredis un questionnaire en lien avec les médicaments (quiz) à réponse unique, comportant quatre propositions : le #PharmacoQuiz. Les thématiques abordées sont vastes, des effets indésirables au bon usage des médicaments en passant par l’addictovigilance. La difficulté des quiz est variable et établie grâce à un système de gradation par étoiles (une à trois étoiles). La réponse détaillée est publiée le lundi suivant, associée à la diffusion d’informations ou de liens vers une littérature scientifique en référence au quiz. Comme tout tweet, c’est également l’occasion pour la communauté scientifique d’échanger et de débattre sur une problématique spécifique liée au médicament.

Discussion

Le #PharmacoQuiz constitue, à notre connaissance, le premier exemple français d’évaluation des connaissances dans le domaine de la pharmacologie. À l’étranger, d’autres comptes Twitter^® diffusent des informations de pharmacologie avec des quiz réguliers, tel le compte anglais @PharmaFactz qui comptabilise plus de 68 000 abonnés depuis 2012. Aux États-Unis, un sondage auprès d’internes en médecine a montré que les trois quarts d’entre eux utilisaient les réseaux sociaux pour se former [1]. Un avantage des médias sociaux par rapport aux méthodes d’enseignement traditionnelles est que les premiers offrent la possibilité de recevoir davantage de commentaires et de retours de la part des étudiants [2]. Cette interaction facilite l’adaptation des professeurs et des pairs aux performances des étudiants. Il est ainsi aisé pour un professeur de proposer des cours filmés (live stream) ou stockés sur un site internet, et à l’issue de ce cours, de répondre aux questions des étudiants et d’améliorer le cours pour la fois suivante [3]. Au-delà de son utilisation comme outil de formation, Twitter^® peut également être utilisé de très nombreuses façons dans le monde de la santé (par exemple : outil pour des enquêtes épidémiologiques, diffusion d’alertes sur les médicaments, ou encore déclaration d’un évènement indésirable…). Ainsi, un exemple intéressant est l’usage de Twitter^® pour la diffusion des communications lors de congrès scientifiques. Une récente analyse de l’activité sur Twitter afférente à un congrès médical a permis de diffuser certaines communications à plus de sept millions de personnes [4].

L’utilisation de Twitter^® et du #PharmacoQuiz comme outil de formation médicale n’est pas sans limites. En effet, l’outil proposé par Twitter^® est initialement un outil de sondage, avec affichage du résultat des participants à l’issue du vote. Il peut ainsi y avoir méprise lorsque la majorité des participants n’a pas la bonne réponse. À cela s’ajoute l’absence de retour ou « feedback » immédiat vers le participant et la consultation facultative de la réponse détaillée le lundi suivant, pouvant ainsi conforter le participant dans son erreur. En outre, le fait qu’il ne puisse y avoir qu’une réponse exacte et le nombre restreint de caractères pour les propositions de réponse (25 caractères) sont deux contraintes majeures pour la création des quiz. Toutefois, malgré ces limites liées à l’outil, le #PharmacoQuiz offre l’opportunité de tester ses connaissances en pharmacologie de manière ludique comme en témoigne le nombre croissant de participants et d’abonnés chaque semaine.

Conclusion

Le compte Twitter^® @Reseau_CRPV se présente comme un outil novateur et ludique de formation médicale continue, notamment grâce au #PharmacoQuiz. Ce quiz, devenu un rituel hebdomadaire pour certains abonnés, contribue actuellement pleinement aux missions de formation et d’information des centres régionaux de pharmacovigilance.

Contributions

Laurent Chouchana, Marine Auffret et Hélène Geniaux ont solidairement écrit et révisé les versions successives et finale du manuscrit.

Liens d’intérêts

Aucun auteur ne déclare de conflit d’intérêt en lien avec le contenu de cet article.

Approbation éthique

Non sollicitée car sans objet.

Références