Accès gratuit
Numéro
Pédagogie Médicale
Volume 22, Numéro 4, 2021
Page(s) 159 - 166
Section Recherche et perspectives
DOI https://doi.org/10.1051/pmed/2021023
Publié en ligne 1 décembre 2021

© SIFEM, 2021

Introduction

La simulation en santé est devenue un outil incontournable pour la formation initiale et continue des professionnels de santé [1,2]. Aujourd’hui, la question n’est plus de savoir si elle doit être ou non utilisée, mais de déterminer quelles sont les modalités pédagogiques qui doivent être mises en place pour optimiser l’efficacité des formations basées sur la simulation. Parmi ces modalités, le débriefing post-simulation est souvent considéré comme une phase importante qui permet de structurer la réflexion et les échanges des apprenants et des formateurs à la suite d’un exercice de simulation [3]. L’idée sous-jacente est que la réflexivité induite durant cette phase favoriserait l’acquisition de nouvelles connaissances déclaratives et procédurales [4,5]. Si les conclusions de nombreux travaux vont dans ce sens, d’autres soulignent l’importance de structurer le débriefing, étant entendu qu’il n’existe pas une modalité unique pour conduire un débriefing [612]. Des lors qu’il existe plusieurs modalités, la question qui se pose est celle de leur efficacité pour optimiser l’utilisation de la simulation pour l’entraînement et les apprentissages en santé [1317].

Cette question rejoint celle largement traitée en éducation, qui a questionné l’efficacité des postures d’enseignement pour favoriser les apprentissages [18]. Les résultats de plus de 800 méta-analyses prenant en compte des apprentissages aux différents stades de développement des individus, permettent aujourd’hui de conclure avec quelques certitudes à la supériorité d’une posture d’enseignement basée sur un apprentissage structuré et explicite par rapport à une posture basée sur un apprentissage réflexif [19]. La plus-value d’un apprentissage structuré et explicite bénéficierait préférentiellement aux apprenants novices ou en cours d’apprentissage. Pour les apprenants expérimentés, la plus-value serait moindre et similaire à d’autres modalités d’apprentissage [20]. Les résultats d’études récentes réalisées dans le champ des formations en santé basées sur la simulation vont clairement dans le sens des conclusions que tirait Hattie, à savoir la supériorité d’un enseignement structuré et explicite, a fortiori pour l’acquisition de nouvelles connaissances et de nouveaux automatismes [2123].

Transposée au débriefing, une posture explicite vise à exposer clairement les objectifs, leur finalité, mais aussi à guider l’apprenant en lui montrant et en étayant les étapes nécessaires de la démarche à suivre pour réaliser l’activité. L’entraînement (ou répétition) joue aussi ici un rôle essentiel, car il permet aux apprenants de mettre en place de nouveaux automatismes et réduit le risque de mettre en place une démarche inadéquate. En d’autres mots, le formateur qui adopte une posture explicite est au centre de l’action : il présente un exposé clair des notions qui seront travaillées, des outils qui seront utilisés (par exemples des cartes mentales, des listes de vérification), des techniques et procédures à acquérir, et assure un guidage actif des échanges. De son côté, le formateur qui adopte une posture réflexive pose la réflexivité comme le moteur de l’apprentissage. Son rôle est donc de proposer des situations propices à la réflexivité, puisqu’il part du postulat que l’apprenant possède déjà les ressources nécessaires (ou pré-requises) pour acquérir par lui-même la connaissance visée. Une telle posture invite donc à laisser un maximum d’autonomie à l’apprenant pour ne pas interférer dans son processus réflexif supposé le conduire à l’élaboration de nouvelles connaissances.

L’objectif de cette étude est de comparer l’efficacité des procédures de débriefing explicite et réflexif pour des équipes pluri-professionnelles de service d’urgence dans le cadre d’un programme de simulation portant sur la prise en charge de l’arrêt cardiaque. Son originalité tient du fait de distinguer les apprentissages réalisés aux niveaux individuel et collectif, afin de mieux appréhender les effets conjoints des apports individuels et de l’équipe dans la prise en charge d’une personne victime d’un arrêt cardiaque. Sur le plan individuel, l’efficacité des différentes modalités de débriefing est mesurée à partir de l’évolution des acquis appréhendés à partir de connaissances déclaratives [24]. Elle est aussi appréhendée à partir de l’évolution du sentiment d’efficacité personnelle (SEP), qui renvoie à la confiance qu’a une personne en sa capacité de réaliser une tâche donnée. Cette croyance est importante dans la mesure où elle conditionne l’engagement de la personne dans le comportement attendu et s’avère prédictive de sa performance à venir [25]. Sur un plan collectif, l’évaluation porte sur l’efficacité de la prise en charge en équipe d’un patient en arrêt cardiaque mesurée à partir des savoir-faire procéduraux.

Méthodes

Cette étude prospective randomisée interventionnelle monocentrique a été réalisée dans le cadre d’un programme de formation continue des équipes du service d’accueil des urgences (SAU) du Centre hospitalier de Chambéry (France). Ce programme utilise la simulation pleine échelle et fait partie intégrante de la démarche qualité du centre hospitalier. Reconduit chaque année sur une thématique différente, il portait, dans le cadre de cette étude, sur des équipes pluri-professionnelles constituées d’un médecin, de deux infirmiers et d’un aide-soignant. La composition de ces équipes était identique à la réalité et variait selon les contraintes de service des personnels. Ces derniers ont été affectés aux groupes expérimentaux par tirage aléatoire informatisé avant le démarrage de l’étude dans le but de minimiser les risques de biais liés au processus de randomisation [26]. Tous étaient volontaires pour participer à l’étude et leur consentement écrit a été recueilli en début de session.

Description des dispositifs

Le programme de formation par simulation

Le programme comprenait 19 sessions de formation par simulation. Chaque session (une par équipe) était réalisée en équipe pluriprofessionnelle dans un centre de simulation de type 3 (selon la classification de la Haute autorité de santé qui évalue les centres de simulation français du type 1 – centre de simulation local – au type 3 – centre de simulation de référence), reproduisant une salle d’accueil des urgences vitales (SAUV) et durait quatre heures. À l’issue de la présentation des règles de la simulation et de son environnement, les équipes participaient à trois simulations, chacune suivie immédiatement d’un débriefing. La succession des séquences de simulation et de débriefings permettait la recontextualisation immédiate des éléments abordés dans le débriefing de la séquence précédente dans un cycle d’apprentissage expérientiel [4]. Les scénarios de simulation portaient sur l’optimisation de la prise en charge de l’arrêt cardiaque en SAUV. Ils étaient réalisés à partir d’un simulateur de haute technologie (SimMan 3G, Laerdal, Stavanger Norway).

Le premier scénario concernait un homme de 25 ans adressé aux urgences pour intoxication médicamenteuse volontaire. Lors de la prise en charge initiale, le patient était inconscient et bradypnéique. Son état initial se dégradait rapidement vers l’arrêt cardiaque. Le déroulement du scénario était programmé selon la séquence suivante :

  • de T0 (arrivée de l’équipe) à T1 (2 minutes) : prise en charge initiale, patient inconscient, fréquence respiratoire (FR) de 6/minute, fréquence cardiaque (FC) de 50/minute, rythme sinusal, pression artérielle (PA) : 80/40 mmHg, pupilles : myosis bilatéral ;

  • de T1 (2 minutes) à T2 (4 minutes) : activité électrique sans pouls ;

  • de T2 (4 minutes) à T3 (8 minutes) : fibrillation ventriculaire ;

  • de T3 (8 minutes) à T4 (12 minutes) : récupération d’une activité cardiaque spontanée (RACS) : patient inconscient, FR de 6/minute, FC de 80/minute, rythme sinusal, PA de 80/40 mmHg.

Le second scénario concernait un patient de 42 ans présentant une fibrillation ventriculaire dans un contexte de douleur thoracique. Lors de la prise en charge, le patient était en arrêt cardiaque. Le déroulement du scénario suivait la séquence suivante :

  • de T0 (arrivée de l’équipe) à T1 (10 minutes) : fibrillation ventriculaire ;

  • de T1 (10 minutes) à T2 (12 minutes) : RACS après la défibrillation suivant l’injection d’amiodarone et d’adrénaline : patient inconscient, FR de 6/minute, FC de 80/minute, rythme sinusal, PA de 80/40 mmHg.

Le déroulement du troisième scénario était identique au premier, à ceci près qu’il s’agissait, cette fois, d’un homme de 30 ans, toxicomane, arrivant inconscient à la SAUV suite à une overdose.

Modalités expérimentales du débriefing

Tous les débriefings étaient réalisés par un binôme de formateurs expérimentés composé d’un médecin urgentiste et d’une infirmière. Les débriefings comportaient quatre étapes : réaction, description, analyse et synthèse-transposition [13]. L’étape de réaction permettait aux participants d’exprimer leurs ressentis et de diminuer la charge émotionnelle liée à la simulation. L’étape de description précisait les évènements survenus durant la simulation. Il était demandé aux participants de décrire la situation ainsi que l’ensemble des actions réalisées durant la prise en charge du patient afin d’obtenir une représentation mentale partagée de la situation. Les consignes données aux participants insistaient sur le caractère factuel et descriptif de cette étape. L’étape d’analyse était réalisée selon deux modalités : l’une explicite, l’autre réflexive.

Dans la modalité débriefing explicite, l’analyse était réalisée sous forme d’un entretien structuré directif avec guidance des formateurs. Après avoir annoncé explicitement les objectifs, les formateurs guidaient les apprenants dans l’analyse des évènements survenus pendant le scénario. Ils présentaient de manière explicite les connaissances concernant la réanimation cardio pulmonaire médicalisée. Leurs retours portaient sur les comportements observés lors de la prise en charge du patient. Des synthèses intermédiaires permettaient de vérifier au fil du débriefing la compréhension des participants. Lors de la conclusion de l’étape d’analyse, les formateurs insistaient sur la transposition clinique des éléments évoqués durant le débriefing, de manière à favoriser l’ancrage des notions et procédures abordées et limiter le risque d’installer une démarche inadéquate.

Dans la modalité débriefing réflexif, l’analyse était réalisée sous forme d’un entretien structuré non directif avec une guidance faible des formateurs. Ces derniers se positionnaient en tant que facilitateurs en encourageant une posture réflexive des apprenants. Les questionnements invitaient les apprenants à expliciter collectivement leurs pensées liées aux actions entreprises afin d’anticiper de nouveaux comportements. Dans cette condition, les formateurs n’apportaient pas de connaissances directement. Ils ne présentaient pas la procédure de réanimation cardio-pulmonaire médicalisée, celle-ci étant reconstruite par les participants eux-mêmes. Les thèmes abordés, étaient identiques dans les deux modalités de débriefing : ils portaient sur les éléments techniques et non techniques de la prise en charge de l’arrêt cardiaque en salle d’accueil des urgences vitales. Une dernière phase, dite de synthèse-transposition, également similaire dans les deux conditions de débriefing, permettait de faire une synthèse des éléments essentiels à retenir (take home message). La durée des débriefings était 45 minutes dans les deux groupes.

Évaluation des connaissances, du sentiment d’efficacité personnelle et des performances

Au niveau individuel, les évaluations portaient sur les connaissances déclaratives et le SEP en début (pré-test) et en fin de session (post-test). Au niveau collectif, l’évaluation portait sur l’efficacité de la prise en charge en équipe du patient lors de la première et de la troisième situation clinique d’arrêt cardiaque (Fig. 1).

thumbnail Fig. 1

Déroulement de l’étude.

SEP : sentiment d’efficacité personnelle.

Mesures individuelles

Les connaissances déclaratives ont été évaluées par un questionnaire à choix multiple adapté à chaque profession. Trois questionnaires, un pour chaque profession, composés de dix énoncés chacun, ont été élaborés à partir des recommandations sur la prise en charge de l’arrêt cardiaque [27]. Le score de connaissances déclaratives pouvait varier de 0 à 10 et correspondait à la somme des scores de chaque énoncé.

Le SEP était mesuré en utilisant, pour chaque profession, des énoncés construits selon les recommandations de Bandura [28]. Dix énoncés, portant chacun sur un élément de la prise en charge du patient spécifique à chaque profession, ont été élaborés. Les participants devaient indiquer, sur une échelle visuelle analogique de 0 (pas du tout capable) à 10 (tout à fait capable) [29], dans quelle mesure ils s’estimaient capable de réaliser une tâche. Par exemple, un des énoncés des médecins était : « Dans quelle mesure vous sentez-vous capable d’exercer un leadership efficace afin de réduire au maximum les périodes de no-flow lors d’une réanimation cardio-pulmonaire ». Le score de SEP correspondait à la somme des scores de chaque énoncé.

Mesures d’efficacité collective

L’efficacité de la prise en charge en équipe était évaluée lors de la première (pré-test) et de la troisième situation clinique d’arrêt cardiaque (post-test). Ces deux simulations étaient identiques dans leur déroulement et seule la présentation de la situation clinique était différente. Une grille d’évaluation des performances collectives, adaptée aux scénarios utilisés, a été construite à partir du Cardiac Arrest Simulation Test (CASTest) [30] et des recommandations concernant la réanimation cardio pulmonaire médicalisée. Cette grille comportait 32 énoncés, répartis en quatre rubriques correspondant aux quatre phases du scénario : prise en charge initiale, activité électrique sans pouls, fibrillation ventriculaire, récupération activité cardiaque spontanée. La cotation de chaque énoncé était effectuée sur une échelle en quatre points allant de 0 (comportement non réalisé ou incorrect) à 3 (comportement optimal). La somme des scores des énoncés permettait d’obtenir un score total de prise en charge, allant de 0 (absente ou incorrecte) à 96 (prise en charge optimale). Quatre médecins urgentistes ont participé à l’évaluation en aveugle des enregistrements vidéo des séquences : ils n’avaient connaissance ni du moment de l’enregistrement des séquences vidéo (pré ou post-test), ni du type de débriefing. Chaque enregistrement vidéo était analysé indépendamment par trois médecins. L’accord inter-juges était satisfaisant (alpha de Krippendorff = 0,63). Lors d’un désaccord sur la cotation d’un énoncé, la moyenne des cotations des observateurs pour cet énoncé était retenue.

Analyse des données

Trois analyses de variance (ANOVA) avec le facteur « temps d’évaluation » (pré et post-test) comme mesure répétée ont été réalisées sur les scores de connaissances déclaratives individuelles, du SEP et de l’efficacité collective de la prise en charge. Les scores individuels de connaissances déclaratives ont été analysés selon un plan mixte 2 (type de débriefing) X 3 (professions) X 2 (temps d’évaluation) avec le score de connaissances déclaratives comme mesure répétée sur le dernier facteur. Pour le SEP, le plan était similaire, à ceci près que la mesure répétée sur le dernier facteur était le score de SEP. L’efficacité collective a été analysée à partir d’un plan 2 (type de débriefing) X 2 (temps d’évaluation) avec le score d’efficacité collective comme mesure répétée sur le dernier facteur. Les analyses ont été réalisées en utilisant le logiciel SPSS 25.

Résultats

Au total, 64 professionnels de santé (13 aides soignants, 37 infirmiers et 14 médecins) ont participé à l’étude. L’ancienneté moyenne dans la profession était de 15,4 ans (ET (écart-type) = 12,5) dont 8,3 ans (ET = 6,7) en service d’urgence pour les aides-soignants, 10,6 ans (ET = 8,7) dont 5,4 ans (ET = 5,3) en service d’urgence pour les infirmiers et 5,3 ans (ET = 5,6) dont 4,4 ans (ET = 4,4) en service d’urgence pour les médecins.

Dix-neuf équipes pluri-professionnelles ont participé à une session de formation. Chaque équipe était aléatoirement assignée à une modalité expérimentale de débriefing lors de la session de simulation : dix équipes (33 participants) ont été assignées à la condition de débriefing explicite et neuf équipes (31 participants) à la condition de débriefing réflexif.

Connaissances déclaratives individuelles

Les résultats (Tab. I) montrent un effet bénéfique de la formation par simulation sur les connaissances déclaratives des participants (F(1,58) = 57,65 ; p < 0,001). La progression ne varie ni selon la profession des participants (F(2,58) = 0,178 ; non significatif : ns), ni selon le type de débriefing (F(1,58) = 0,412 ; ns). Enfin, on n’observe aucun effet d’interaction entre le type de débriefing et la profession (F(2,58) = 1,107 ; ns).

Tableau I

Scores moyens (M) et écarts-types (ET) des connaissances déclaratives selon le type de débriefing et la profession des participants.

Sentiment d’efficacité personnelle

Les résultats (Tab. II) montrent une augmentation significative du score de SEP à l’issue de la formation par simulation (F(1,58) = 118,072 ; p < 0,001). On ne relève aucun effet de la profession des participants (F(2,58) = 2,158 ; ns), aucun du type de débriefing (F(1,58) = 0,924 ; ns), et aucun effet d’interaction entre le type de débriefing et la profession (F(2,58) = 0,097 ; ns).

Tableau II

Scores moyens (M) et écarts-types (ET) du sentiment d’efficacité personnelle selon le type de débriefing et la profession des participants.

Efficacité collective de la prise en charge

Trois sessions en condition de débriefing explicite et deux sessions en conditions de débriefing réflexif n’ont pas été réalisées en équipe complète. Ces sessions n’ont pas été retenues pour l’analyse au niveau collectif. L’efficacité de la prise en charge du patient a été analysée pour les 14 équipes restantes : sept avec un débriefing explicite et sept avec un débriefing réflexif (cf.Tab. III). Lors de la première simulation, la prise en charge du patient a été réalisée avec une efficacité similaire dans les deux conditions expérimentales (F (1,12) = 0,006 ; ns). Lors de la troisième simulation, une augmentation du score global de prise en charge du patient dans les deux conditions a été observée (F (1,12) = 36,37 ; p < 0,001) sans effet du type de débriefing sur l’évolution de ce score (F (1,12) = 0,287 ; ns)

Tableau III

Scores moyens (M) et écarts-types (ET) de l’efficacité de la prise en charge en équipe selon le type de débriefing.

Discussion

Conformément aux données disponibles dans la littérature, nos résultats montrent un effet bénéfique de la formation par simulation sur les connaissances déclaratives, le sentiment d’efficacité personnel et les performances. Contrairement aux résultats obtenus auprès d’étudiants infirmiers, pour lesquels le débriefing explicite s’avérait plus efficace [31], l’efficacité respective des modalités de débriefing explicite et réflexif est ici similaire pour des professionnels expérimentés. Ce contraste interroge les modalités de l’efficacité du débriefing selon l’expérience des apprenants [32]. Comme les travaux de Rosenshine [18] l’ont largement montré en éducation, les approches explicites et dirigées par l’enseignant sont plus efficaces que les approches peu guidées et dirigées par les élèves, a fortiori pour ceux en difficultés ou en début d’apprentissage [33,34].

Ces premiers résultats ont été étayés par les méta-analyses de Hattie [35] dont une partie rend compte de travaux dans l’enseignement supérieur. Pour un public d’étudiants, ils soulignent l’efficacité d’une approche qui combine un enseignement dirigé par l’enseignant, des retours précis ciblés sur la progression et un apprentissage centré sur le savoir et les apprenants [36]. En revanche, l’exploration faiblement guidée d’un savoir complexe dans un processus réflexif semble moins efficace : elle est extrêmement consommatrice de ressources cognitives [37] et donc susceptible d’aboutir à une surcharge de la mémoire de travail préjudiciable à l’apprentissage [38]. Cette surcharge cognitive pourrait aussi apparaître lors d’un débriefing post-simulation. Toutefois les professionnels expérimentés possédant déjà des ressources permettant de gérer les situations complexes sont sans doute moins sujet à ce phénomène. Ils possèdent des connaissances antérieures et des schémas de pensée présents en mémoire à long terme qui leur fournissent une guidance interne et allègent, dans le même temps, leur charge cognitive (récupération des informations déjà présentes en mémoire) [39,40]. L’utilisation de la simulation se situe donc, pour les apprenants expérimentés, davantage dans une dynamique d’entraînement (training) que d’apprentissage (learning). Chez ces derniers, elle permettrait surtout d’optimiser leurs performances en lien avec des connaissances déclaratives et procédurales déjà acquises et entretiendrait les automatismes (training), alors que pour les novices, elle favoriserait l’acquisition de connaissances et procédures nouvelles (learning).

Sur un plan purement pragmatique, nos résultats invitent à considérer les ressources dont dispose l’apprenant et celles dont il a besoin pour que le processus réflexif engagé dans le débriefing aboutisse à l’apprentissage visé. En somme, le dosage entre une approche réflexive et explicite doit être guidé par les ressources des apprenants, en particulier leur niveau d’expertise [41,42]. Certains auteurs voient d’ailleurs le débriefing comme pouvant évoluer sur un continuum allant d’un débriefing directif avec un guidage maximal du formateur à un débriefing réflexif accompagné d’une guidance minimale [43]. Déterminer les processus à l’œuvre dans le débriefing pour agir ensuite précisément sur ces derniers en situation de formation est une étape essentielle pour en optimiser l’efficacité. Pour Cheng et al. [44], outre les caractéristiques des apprenants, d’autres variables peuvent être considérées, par exemple le temps disponible, la nature des objectifs d’apprentissage ou le contexte culturel [45].

La principale limite de ce travail réside dans le fait que les différentes évaluations n’on été réalisées qu’à court terme. Si les résultats présentés renseignent sur l’évolution des connaissances déclaratives, du sentiment d’efficacité personnelle et des performances immédiates, des études longitudinales devront être conduites pour évaluer la persistance de ces évolutions à long terme. Par ailleurs, le caractère monocentrique de l’étude, le nombre de groupes et de participants limitent la puissance statistique des analyses effectuées et la généralisatibilité des résultats. Enfin, l’absence d’un groupe contrôle, sans débriefing, ne permet pas de différencier l’effet de la simulation de celui du débriefing. Des études à venir devront intégrer ces limites pour préciser la plus-value des différentes méthodes de débriefing et les valider dans différents contextes professionnels.

Conclusion

Les résultats de cette étude vont dans le sens de ceux déjà observés individuellement auprès d’autres professionnels expérimentés et les étendent aux performances collectives d’équipes pluri-professionnelles de service d’urgence. Au-delà de cette confirmation en contexte collectif, ils suggèrent aussi l’intérêt qu’il peut y avoir à former les formateurs à différentes pratiques de débriefing pour qu’ils fassent des choix éclairés sur les modalités de débriefing à utiliser en fonction des caractéristiques du public concerné [46].

Contributions

L’ensemble des auteurs a contribué à la conception du protocole de recherche, au recueil des données, aux analyses et à l’écriture du manuscrit.

Approbation éthique

L’approbation éthique formelle auprès d’un comité ad hoc du projet d’étude n’a pas été sollicitée mais le consentement écrit des participants a été recueilli en début de session.

Liens d’intérêts

Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêts en lien avec les résultats publiés dans cet article.

Remerciements

Les auteurs tiennent à remercier l’ensemble des équipes du Service d’accueil des urgences du Centre hospitalier Métropole Savoie pour leur participation à cette étude.

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Citation de l’article: Secheresse T, Pansu P, Lima L. Quel est le type de débriefing post-simulation le plus efficace pour des apprenants expérimentés ? Une étude prospective randomisée. Pédagogie Médicale 2021:22;159-166

Liste des tableaux

Tableau I

Scores moyens (M) et écarts-types (ET) des connaissances déclaratives selon le type de débriefing et la profession des participants.

Tableau II

Scores moyens (M) et écarts-types (ET) du sentiment d’efficacité personnelle selon le type de débriefing et la profession des participants.

Tableau III

Scores moyens (M) et écarts-types (ET) de l’efficacité de la prise en charge en équipe selon le type de débriefing.

Liste des figures

thumbnail Fig. 1

Déroulement de l’étude.

SEP : sentiment d’efficacité personnelle.

Dans le texte

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