L’homme

Il est des êtres qui marquent leur monde d’une empreinte indélébile et qui laissent un héritage inoubliable. Jean-François Denef est l’un d’entre eux. Il me semble important ici de saluer aussi bien l’universitaire que l’homme de bien qu’il fût.

Né en 1951, marié et père de quatre enfants, la famille compte beaucoup pour lui. Malheureusement, très affecté par la maladie qu’il affronte courageusement, il n’aura pas l’occasion d’en profiter longtemps après son éméritat en 2016.

Il est diplômé en médecine en 1976, licencié en sciences biomédicales en 1978 et agrégé de l’enseignement supérieur en médecine en 1982.

C’est une personnalité particulièrement accueillante, chaleureuse et disponible, qui travaille dans le respect de toutes et tous. Il a le sens de la modestie des hommes authentiques, associé à beaucoup de bienveillance et de gentillesse. Par ailleurs, il est doté d’un sens aiguisé de l’écoute, prenant toujours en considération ses interlocuteurs, capable de replacer des débats difficiles dans une perspective plus large et toujours constructive. Il remplit, avec passion et honnêteté, les différentes facettes de son métier de professeur en médecine.

L’engagement professionnel de Jean-François Denef s’articule principalement autour de trois axes : la recherche biomédicale, la pédagogie et la coopération universitaire au développement. À cela, il faut ajouter une importante implication institutionnelle au sein de l’Université catholique de Louvain et, depuis 2004, une expertise dans le leadership et la gouvernance dans les mondes universitaires et de la santé.

À l’Université catholique de Louvain

Après ses études de médecine à l’Université catholique de Louvain, Jean-François Denef débute sa carrière au sein du laboratoire d’histologie dont il est responsable de 1989 à 2004.

Il y réalise une thèse d’agrégation de l’enseignement supérieur intitulée « Histophysiologie et croissance de la thyroïde » et dirige ensuite le groupe de recherches sur la physio-pathologie thyroïdienne. Sa recherche biomédicale (1976–2001) se concentre tout particulièrement sur les pathologies de la thyroïde (goitre, cancer et troubles auto-immunitaires). Il est promoteur ou co-promoteur d’une quinzaine de thèses soutenues par des doctorants de différents horizons, de deux thèses d’agrégation et de nombreux mémoires. Il publie plus de 80 articles dans des revues scientifiques internationales, est lauréat de deux prix scientifiques et titulaire de plusieurs distinctions honorifiques belges ou étrangères.

En 1999, il est nommé professeur ordinaire à la Faculté de médecine de l’Université catholique de Louvain où, à partir de 1987, il y enseigne avec passion l’histologie. Il considère cette discipline morphologique comme une véritable initiation au raisonnement clinique : l’étudiant observe les structures et, par l’observation, pose un diagnostic à partir des éléments recueillis.

Au niveau pédagogique, Jean-François Denef est un pionnier de l’enseignement audiovisuel en histologie. De façon innovante et visionnaire, il initie l’implantation de l’outil informatique dans l’enseignement de cette matière (CD-Rom d’histologie générale, mise en ligne de cours d’histologie spéciale, …). La conception d’auto-évaluation assistée par ordinateur est un atout majeur dans l’aide à la réussite des étudiants et dans l’acquisition du raisonnement diagnostique, son éternel cheval de bataille. Les innovations technologiques que Jean-François Denef a intelligemment initiées resteront solidement ancrées dans l’enseignement de l’histologie à l’Université catholique de Louvain et sa passion, notamment pour la pédagogie médicale, nous procure une grande source d’inspiration.

L’accession de Jean-François Denef à la fonction de prorecteur aux sciences médicales (2001 à 2009) l’éloigne quelque peu des tâches pédagogiques quotidiennes mais il reste activement impliqué dans les réseaux internationaux francophones visant la promotion de l’éducation médicale, notamment en assurant la présidence de la Société internationale francophone d’éducation médicale (SIFEM) et en co-fondant la revue Pédagogie Médicale. Comme prorecteur, il s’implique fortement non seulement dans la politique universitaire mais aussi dans la politique hospitalière.

De 2005 à 2007, il est nommé vice-président puis, de 2008–2011, président de la Commission universitaire francophone belge au développement (CUD) du Conseil inter-universitaire francophone (CIUF). À ce titre, il supervise l’évaluation des programmes de coopération universitaire, la sélection de nouveaux projets, l’action de sensibilisation des étudiants en Belgique, la sélection des boursiers, etc.

À l’Université catholique de Louvain, nous lui sommes particulièrement redevables pour les nombreux services rendus à notre faculté durant les dernières années de sa carrière. C’est toujours avec beaucoup de détermination qu’il assure la fonction de coordinateur pédagogique du secteur des sciences de la santé (de 2011 à 2016), l’animation de la cellule de développement pédagogique, la présidence du jury de baccalauréat en médecine et la gestion de plusieurs réformes des études, tout en essayant d’harmoniser au mieux les exigences de la formation médicale avec les contraignants enjeux politiques.

Il défend ardemment la place de la médecine générale dans le cursus de formation médicale, que ce soit par des cours ou des stages de première ligne ou par la formation centrée sur les apprentissages des étudiants et l’utilisation raisonnée des technologies de l’information et de la communication. Il s’intéresse aussi énormément à l’enseignement des jeunes étudiants et aux questions de transition entre les niveaux secondaire et universitaire. Selon lui, les études de médecine ne doivent pas uniquement consister à étudier des aspects biomédicaux mais doivent, plus largement, prendre en considération d’autres facteurs, le patient dans sa globalité et l’apprentissage interprofessionnel. Son empreinte dans la vie de notre faculté est donc très marquée. Nous gardons de lui le souvenir d’un être engagé, sage, toujours bienveillant, fin connaisseur de l’âme et des relations humaines, soucieux du bien-être des membres de la communauté universitaire et fervent défenseur de l’excellence académique.

Au sein de la communauté internationale

Sa personnalité rayonne bien au-delà de l’Université catholique de Louvain.

Visionnaire, il est avec Bernard Charlin et Raymond Colin, co-fondateur en 1999 de la revue « Pédagogie Médicale », unique revue internationale francophone dans ce domaine. Il participe activement au comité éditorial de la revue.

Fortement impliqué dans la SIFEM, il en assure successivement la présidence de 2009 à 2013 et le secrétariat général de 2013 à 2017. Il crée et préside le comité d’éthique de la recherche.

Chargé de mission puis co-président avec le professeur Meissa Touré (Dakar) du Conseil pédagogique de la Conférence internationale des doyens et des facultés de médecine d’expression française (CIDMEF), composante de l’Agence universitaire pour la francophonie (AUF), il anime de multiples séminaires de formation aux nouvelles technologies, destinés aux professeurs de médecine dans de nombreux pays, et participe à l’évaluation de plusieurs facultés de médecine d’Europe, d’Extrême Orient et d’Afrique.

Il prend également part à la thématique du leadership et de la responsabilité sociale des facultés de médecine, cause pour laquelle il rejoint activement les réseaux internationaux, francophones (Réseau international francophone pour la responsabilité sociale en santé – RIFRESS) et anglophones.

Fort de son expérience unanimement reconnue, il coordonne, entre autres, en collaboration avec Bonaventure MVé-Ondo, l’écriture d’un ouvrage de référence sur la gouvernance des universités intitulé « Introduction à la gouvernance des Universités » (guide de gouvernance et d’évaluation à l’usage des recteurs et présidents d’universités ou d’institutions d’enseignement supérieur).

À partir de 2007, il développe une formation à la bonne gouvernance destinée aux jeunes ou futurs doyens des facultés de médecine (environ 10 sessions regroupant plus de 200 participants) et aux recteurs d’universités du Sud dans le cadre de la CIDMEF (Bénin, République démocratique du Congo). En 2015, il organise, sur le site de l’Université catholique de Louvain à Woluwé, le cinquième Congrès international francophone de pédagogie des sciences de la santé.

Par ailleurs, au nom des universités belges, il participe à un projet européen sur la bonne gouvernance, avec 14 universités d’Amérique du Sud, et est responsable ou co-responsable de plusieurs projets de coopération au développement au Vietnam, au Bénin et en Tunisie.

Il assure plusieurs missions d’expertise, pour l’Institut de la francophonie pour la gouvernance universitaire (IFGU) situé à Yaoundé au Cameroun, pour la formation post graduée auprès du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada et pour la « World Federation for Medical Education » (WFME). Il organise des séminaires de formation ou d’initiation aux systèmes d’assurance qualité pour les responsables des facultés ou d’universités à la demande de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la Coopération technique Belge, la Direction générale de coopération au développement et d’aide humanitaire (DGD), l’AUF et le Conseil Africain et Malgache de l’enseignement supérieur (CAMES). Il participe en outre à un projet Tempus sur la structuration de la formation des enseignants en médecine en Russie.

Monsieur Denef, vous étiez un homme remarquable avec une nature chaleureuse et amicale, un pédagogue passionné et partageant sa passion. Merci pour tout ce que vous nous avez apporté.

Vous nous laissez un héritage inestimable dans le domaine de l’éducation médicale.

© SIFEM, 2023

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