Accès gratuit
Numéro
Pédagogie Médicale
Volume 23, Numéro 2, 2022
Page(s) 115 - 123
Section Recherche et Perspectives
DOI https://doi.org/10.1051/pmed/2022010
Publié en ligne 2 août 2022

© SIFEM, 2022

Introduction

La possibilité de réaliser des explorations échographiques focalisées au chevet du patient (Point Of Care UltraSound – POCUS) et d’en intégrer les résultats en temps réel à la prise en charge a considérablement modifié les pratiques cliniques [1]. Il apparaît que, quel que soit le cadre de prise en charge (service de soins, service d’urgences, dispensaire), la réalisation de ces examens focalisés par le praticien initialement en charge du patient est préférable ou équivalente au recours à un praticien expert [25]. En effet, la multiplication des intervenants induit un délai dans la prise en charge et peut conduire à une perte d’information [25]. La généralisation de la pratique de ces POCUS suppose une formation initiale et continue suffisante des praticiens impliqués dans les premiers soins (médecin, infirmier urgentiste, manipulateur radio, sage-femme). L’utilisation de la simulation de haute technologie dans ce cadre semble particulièrement efficiente [6,7].

La surveillance obstétricale constitue un exemple de pratique médicale pour laquelle les examens focalisés permettent de sécuriser et d’optimiser la prise en charge, notamment pour la surveillance des anomalies de croissance, des modifications cervicales et lors d’une rupture prématurée des membranes [810]. Au cours du travail, l’échographie focalisée permet de confirmer la position fœtale, de vérifier la présence d’une activité cardiaque, d’identifier la variété de position de l’occiput fœtal, voire pour certaines équipes d’apprécier la progression du travail [1114]. Les modalités de formation des praticiens sages-femmes pour la pratique des explorations échographiques intrapartum constituent de ce fait une question centrale. En effet, la réalisation de ces échographies par le praticien sage-femme en charge de la patiente est possible en France lorsque le contexte clinique ne justifie pas l’intervention d’un obstétricien [15]. Cette pratique permet de limiter le nombre d’intervenants auprès de la parturiente et de limiter les contraintes induites par le recours systématique au praticien de garde pour réaliser ces examens. Cependant, l’hétérogénéité de la formation à la pratique échographique des praticiens sages-femmes entraîne un recours fréquent au médecin de garde, notamment pour le contrôle de la position de l’occiput fœtal (fetal occiput position – FOP) au sein des équipes qui pratiquent la rotation manuelle systématique pour les variétés postérieures [16]. La systématisation de la pratique des échographies intrapartum par les praticiens sages-femmes de salle de naissance constitue donc un levier potentiel pour améliorer la prise en charge des parturientes et l’efficience des soins. Ceci est d’autant plus avéré que les données concernant l’apprentissage et la maîtrise de cette technique témoignent d’une acquisition facilitée par rapport au repérage digital de l’occiput au moyen d’un toucher vaginal [17] et de l’efficience de la simulation de haute technologie pour la formation des praticiens sages-femmes à la pratique de l’échographie [18,19].

Ce constat a conduit à élaborer l’étude PRENOP (Praticiens Échographies non Programmées). L’objectif principal était d’évaluer l’impact d’un atelier de formation à l’échographie (simulation de haute technologie et cas cliniques) destiné aux sages-femmes de salle de naissance sur les modalités de réalisation des échographies intrapartum (recours à un médecin et délais de prise en charge). L’objectif secondaire était d’évaluer l’apprentissage en quantifiant, pour les contrôles FOP réalisés par les sages-femmes à l’issue de la formation, les proportions d’examen valides) et non valides (erreur ou échec d’identification).

Méthodes

Cette étude prospective monocentrique interventionnelle avec une comparaison de type avant/après a été conduite au sein du service de salle de naissance d’une maternité universitaire de type 3 comptabilisant 2622 accouchements en 2019. Il comprenait une équipe de 13 médecins, 12 internes, et 33 sages-femmes.

Conditions de réalisation des échographies non programmées

Le service concerné disposait d’un appareil d’échographie mobile dédié à la réalisation des échographies non programmées (LOGIQ™, GE Healthcare, Milwaukee, WI). Les indications et les modalités de réalisation relatives aux échographies intrapartum ne faisaient pas l’objet d’un protocole de service. En pratique, la réalisation de ces examens était assurée, en fonction du contexte, soit directement par le praticien initial (sage-femme en charge de la parturiente le plus souvent), soit par le médecin ou l’interne de garde lorsque ce praticien initial n’était pas autonome pour la pratique échographique (le degré d’autonomie pour la réalisation du geste n’était pas formalisé par un niveau de formation mais laissé à l’appréciation du praticien). Dans ce dernier cas, la réalisation de l’examen pouvait se trouver différée si le praticien de garde n’était pas immédiatement disponible (Fig. 1). Une formation des internes de garde à la pratique des échographies intra-partum avait été réalisée lors de leur début de stage (en amont du recueil, formation par compagnonnage).

Design de l’étude et recueil des données

Pour répondre à l’objectif principal, deux audits ont été planifiés avant et après une formation dédiée à la pratique de l’échographie et opérationnalisée dans le cadre de la formation continue de l’ensemble des sages-femmes de salle de naissance (SF-SdN).

Ces audits comportaient le recueil systématique et en temps réel par les praticiens de garde (sages-femmes et médecins) de l’ensemble des examens échographiques intrapartum réalisés sur une période pré-définie de quatre semaines. Ce recueil était effectué au moyen d’un fichier placé sur l’échographe permettant d’identifier l’indication de l’examen (avec l’horaire correspondant relevé sur l’horloge du box d’examen par le praticien initialement en charge de la patiente), le type de praticien initialement en charge de la patiente (sage-femme, interne ou médecin), l’existence d’un recours au médecin de garde (avec l’horaire correspondant à la réalisation de l’examen relevé sur le cliché d’échographie par le médecin de garde).

Pour répondre à l’objectif secondaire, des données concernant les examens FOP pratiqués à l’issue de la formation ont été collectées au moyen de carnets de bord individuels (logbooks), permettant de consigner la chronologie et les caractéristiques des examens réalisés. Les dates des examens réalisés, le niveau de difficulté perçu (évalué sur une échelle de Likert avec cotation de 0 à 5) et le caractère valide ou non valide de l’examen (variété de position confirmée par le médecin/interne de garde ou à l’expulsion de la tête lorsque celle-ci survenait immédiatement après le contrôle échographique) ont été consignés sur ces carnets de bord, dont la constitution était facultative. Le recueil était réduit à la phase d’apprentissage pour limiter le nombre de tâches supplémentaires. En pratique, il était prolongé soit jusqu’à l’obtention d’un niveau d’autonomie satisfaisant, soit après huit semaines de pratique.

thumbnail Fig. 1

Description des deux modalités de réalisation des examens échographiques intrapartum recensées. *Praticien initialement en charge de la surveillance clinique de la patiente (sage-femme ou médecin/interne).

Intervention

La formation a été dispensée sous forme d’ateliers par un praticien sage-femme spécialisé en échographie et formé aux techniques d’enseignement par la simulation (GA). L’ensemble des sages-femmes ont participé à la formation par groupe de quatre praticiens sous forme d’un atelier unique de trois heures (l’ensemble des ateliers ayant été planifiés sur une période prédéfinie de trois jours). Les ateliers comportaient des exercices de repérage spatial sur simulateur de haute technologie (US Mentor®, Simbionix) et des exercices pratiques sur des patientes volontaires.

Une supervision, reposant sur une approche cognitiviste, était assurée tout au long des ateliers par l’enseignant. Un briefing était réalisé en amont de chaque session de manière à encourager les participants à expérimenter librement au cours des exercices proposés. Cette orientation visait à favoriser un apprentissage exploitant l’erreur, c’est-à-dire la mise en application et la comparaison de différentes procédures par les participants avec une observation concomitante des effets obtenus. L’intérêt de cet apprentissage exploitant l’erreur était explicitée au cours du briefing et évoqué au cours des différents exercices. L’objectif du débriefing final était de conduire les participants à caractériser parmi les procédures expérimentées celles qui leur permettaient de résoudre le problème exposé (représentation du fœtus et des annexes dans l’espace). Les éléments théoriques nécessaires à la réalisation d’échographie perpartum (par exemple le fonctionnement du matériel ou les normes échographiques pour la position du placenta et la quantité de liquide) étaient apportés par le superviseur au cours de l’atelier en réponse aux questions des participants mais ne faisaient pas l’objet d’un enseignement magistral distinct au sein de l’atelier.

En pratique, les exercices de repérage proposés sur le simulateur étaient destinés à permettre aux participants de développer leur coordination visuo-motrice et visuo-spatiale. Ils comportaient une première session d’activités « sonde en main » visant à identifier et al igner des formes géométriques. La seconde session d’activités (illustrée sur la Fig. 2) comportait des exercices permettant la visualisation simultanée d’une image échographique et de la représentation en trois dimensions (3D) du fœtus et du plan de coupe correspondant. L’utilisation concomitante d’un mannequin de fœtus, d’une sonde factice et d’un marquage au stylo permettait de faciliter l’établissement par le participant d’une correspondance entre la position du mannequin et sa représentation 3D et échographique. Ces activités étaient prolongées par des exercices pratiques sur patientes volontaires permettant aux participants de mettre en application les procédures expérimentées sur le simulateur. La supervision permettait d’accompagner les participants dans la transposition entre le simulateur et la pratique clinique à travers des comparaisons entre les premières sessions d’exercice et la situation clinique observée. Par exemple, un participant en difficulté pour appliquer le mouvement de sonde adéquat pour la visualisation de la position de la tête fœtale, se voyait proposer d’appliquer la procédure qu’il avait mis en œuvre pour observer une forme géométrique dans la session d’exercice initiale.

L’objectif était de permettre aux participants de pratiquer de façon autonome le repérage de la position du fœtus et de la variété de position de la tête fœtale, la quantification du liquide amniotique et la vérification de l’activité cardiaque à l’issue des trois heures de formation. L’évaluation de l’angle de progression et l’appréciation échographique de la progression du pôle céphalique n’étaient pas utilisées en pratique courante dans l’établissement, et n’ont pas été enseignées dans le cadre des ateliers.

thumbnail Fig. 2

Illustration de la session d’exercice destinée à faciliter le repérage de la position du fœtus.

Analyse et monitorage des données

Pour pallier le désinvestissement possible des praticiens effectuant le recueil, le nombre d’examens a été rapporté à titre indicatif au nombre de naissances afin de repérer une éventuelle variation dans l’exhaustivité du recueil (monitorage hebdomadaire). Des prolongations de l’audit par bloc d’une semaine ont été appliquées lorsque le rapport entre le nombre d’examens le nombre de naissances était discordant.

Pour répondre à l’objectif secondaire, des courbes d’apprentissage individuelles de type learning curvecumulative summation (LC-CUSUM) ont été réalisées à partir des carnets de bord (Microsoft Excel) [20]. Une courbe ascendante a été attribuée à chaque examen valide et une courbe descendante à chaque examen non valide. Le niveau de difficulté perçu a été caractérisé en fonction de la proportion d’examens pour lesquels le niveau de difficulté était perçu comme acceptable (cotations 1, 2 ou 3 correspondant à « très facile », « facile » ou « moyen ») ou non acceptable (cotations 4 et 5 « difficile » ou « très difficile »).

L’analyse statistique a été faite avec le logiciel R version 3.6.2. Les effectifs sont décrits par leur nombre suivi du pourcentage correspondant. Le seuil de significativité statistique a été choisi à 0,05. Pour répondre à l’objectif principal, une comparaison du nombre de recours rapporté au nombre total d’examens et des délais induits par ces recours, respectivement avant et après l’intervention pédagogique, a été faite en recourant au test du khi-deux ou au test exact de Fisher selon la distribution des données.

Résultats

Indications des examens, praticiens impliqués et recours

L’ensemble des praticiens sages-femmes du service (n = 33) a participé au programme de formation entre le 14 et le 16 janvier 2020. Soixante-douze et 50 examens intrapartum ont été analysés dans le cadre des audits avant/après (du 10 janvier au 27 février 2019 et du 03 février au 08 mars 2020, respectivement). Les durées de recueil étaient de sept et cinq semaines (soit trois et une semaines de prolongation pour les audits avant/après respectivement), sans modification dans l’équipe soignante entre les deux périodes, à l’exclusion de la rotation habituelle des internes dans le cadre de leur stage. Les protocoles de service, les indications d’examen et les consignes de surveillance intrapartum n’ont fait l’objet d’aucune modification entre ces deux périodes d’audit. Le déroulement des inclusions est résumé sous forme de diagramme de flux (Fig. 3).

Pour les 122 examens intrapartum recensés, l’indication était principalement le contrôle de la FOP (Tab. I).

Quelle que soit la période d’observation, le praticien initial était majoritairement un praticien sage-femme sans variation significative entre les deux audits, soit 83 % (n = 60) versus 76 % (n = 38) de praticiens initiaux sages-femmes pour les audits avant/après, respectivement. Par contre, la proportion d’examens réalisés par les praticiens sages-femmes avait significativement augmenté après la formation: 10 % (n = 7) versus 50 % (n = 25) pour les audits avant/après, respectivement (p < 0,05, Tab. II).

Le nombre de recours rapporté au nombre total d’examens avait significativement diminué entre les audits avant/après, soit 74 % (n = 53) versus 32 % (n = 16), respectivement (p < 0,01).

thumbnail Fig. 3

Déroulement des inclusions pour les audits PRENOP (Praticiens Échographies Non Programmées) avant/après. *Recensement prospectif des échographies intrapartum (maternité du CHRU de Nancy).

Tableau I

Répartition des indications pour les échographies intrapartum recensées dans le cadre des audits PRENOP* avant/après.

Tableau II

Recensement des praticiens ayant réalisé les examens dans le cadre des audits PRENOP* avant/après.

Délais induits

Le recueil des horaires d’indication et de réalisation était incomplet pour 10 examens (cinq examens pour chaque audit). Les délais moyens entre la pose d’indication et la réalisation de l’échographie étaient de 12 minutes ± 19,2 [1–120 minutes] et 5 minutes ± 2,6 [1–10 minutes] pour les audits, avant et après la formation, respectivement. Ces résultats, prenant en compte l’ensemble des examens recensés (qu’il y ait eu ou non un recours), témoignaient d’une réduction significative de ces délais entre les deux périodes d’observation (p < 0,01). Le nombre d’examens pour lesquels le délai était inférieur à 10 minutes ou supérieur ou égal à 30 minutes avait significativement diminué entre les audits avant/après (Tab. III). Les examens pour lesquels aucun délai n’est quantifié ont été réalisés en temps réel par l’un des praticiens présents dans la salle.

Tableau III

Délais induits par le recours à un second praticien dans le cadre des audits PRENOP* avant/après.

Évaluation de l’apprentissage

Dix sages-femmes ont réalisé un tableau de bord de progression à l’issue de la formation. La durée moyenne du recueil était de 4, 5 semaines ± 2,4 [1–7,5 semaines]. Le nombre moyen d’examens consignés était de 5, 5 ± 3,2 [2–10]. Sur l’ensemble des examens consignés, le nombre moyen d’examens valides était de 4, 4 ± 2,1 [2–9] et 6 praticiens sur 10 n’avaient réalisé que des examens valides.

Le détail des courbes d’apprentissage individuelles est présenté sur la figure 4. L’analyse visuelle témoigne d’une maîtrise immédiate et optimale de la pratique pour sept PSF-SdN (praticiens 1 à 6 et praticien 9), d’un profil d’acquisition rapide de la pratique pour deux PSF-SdN (praticiens 7 et 10) et d’une progression plus lente pour le praticien 8. La proportion d’examen valides à l’issue de la formation était de 80 % et le niveau de difficulté perçu était acceptable pour 94 % des examens.

Discussion

Principaux résultats

La comparaison des données des audits PRENOP, effectués respectivement avant et après l’intervention pédagogique, montre l’impact majeur de la formation à la pratique de l’échographie sur l’organisation des soins. L’approche pragmatique proposée dans cette étude repose sur l’évaluation d’indicateurs logistiques (nombre de recours et délais de réalisation des échographies). L’amélioration significative de ces indicateurs, associée à un taux d’examens valides élevé et à un niveau de difficulté perçu majoritairement acceptable par les sages-femmes, permet d’envisager un bénéfice pratique direct par le biais d’une optimisation du flux de travail (réalisation en temps réel des examens et absence de fragmentation des tâches). La réduction des délais induits par l’absence de praticien formé disponible au moment de l’indication de l’examen pourrait permettre une amélioration de la prise en charge et de la surveillance clinique, dans la mesure où elle permet au praticien sage-femme une intégration plus rapide des résultats de l’échographie, sans perte potentielle d’information. L’intégration en temps réel de ces résultats pourrait notamment présenter un intérêt lorsque l’occiput fœtal est en position postérieure afin de permettre la réalisation d’une rotation manuelle si la patiente souhaite en bénéficier [21]. Enfin, la diminution du nombre de praticiens impliqués dans les soins intrapartum lorsque la surveillance ne nécessite pas d’autre intervention que l’échographie pourrait permettre d’améliorer la satisfaction des parturientes concernant la prise en charge hospitalière.

L’analyse des courbes d’apprentissage confirme la faisabilité d’un format basé sur l’utilisation conjointe de la simulation et de la pratique pour la formation continue des praticiens à l’acquisition des techniques d’exploration échographique intrapartum telles que le repérage de l’occiput fœtal.

Points forts et limites

Parmi les points forts de cette étude, le choix de critères de jugement logistiques permet d’évaluer l’impact de la formation sur les pratiques hospitalières et non uniquement sur le niveau de pratique des opérateurs. Cette approche innovante rejoint l’approche initiée par l’équipe de Tolsgaard visant à identifier les modèles de formation les plus rationnels et efficients en terme de rapport coût-bénéfices [22]. Cette démarche est basée sur la mise en balance du coût (logistique, matériel et ressources humaines) de la formation et du bénéfice attendu sur la qualité, l’offre ou l’organisation des soins. L’intérêt de l’étude PRENOP est de démontrer de façon pragmatique qu’un investissement modéré (ateliers de trois heures) permet d’améliorer des indicateurs en lien direct avec l’organisation et la qualité des soins. L’étude PRENOP permet par ailleurs de compléter les rares données publiées sur l’apprentissage des techniques d’échographie intrapartum par les sages-femmes. Les résultats obtenus suggèrent que cet apprentissage serait plus rapide chez les praticiens en exercice (ici moins de 10 examens nécessaires pour maîtriser la technique) chez des praticiens en formation initiale (environ 30 examens nécessaires pour maîtriser la technique) [17]. Enfin, la cohorte de praticiens inclus dans l’étude PRENOP (n = 33) représente un effectif supérieur à ceux retrouvés dans les études visant à caractériser les mécanismes d’apprentissage de l’échographie [15,1923].

Concernant les limites de l’étude PRENOP, la méthode de recueil retenue qui repose sur une collection des données en temps réel par les praticiens de garde comporte un potentiel biais de déclaration et ne permet pas de garantir l’exhaustivité du recueil. Le monitorage hebdomadaire du nombre d’examens rapporté au volume d’activité de la salle de naissance mis en place a d’ailleurs conduit à des prolongations des périodes d’audit du fait de ce manque d’exhaustivité probable. Notons également que la période de recueil prévue pour la constitution des carnets de bord a été affectée par la mise en place des mesures de confinement en lien avec l’épidémie de Covid-19. Les modifications majeures de l’organisation des soins et le redéploiement du personnel de soins pendant cette période ont limité le nombre de praticiens participant à cette dernière partie de l’étude. Le caractère monocentrique de l’étude et l’absence d’évaluation à distance des indicateurs (évaluation de la pérennité des améliorations constatées à l’issue du programme de formation) modèrent également la portée des résultats de cette étude.

thumbnail Fig. 4

Représentation sous forme de LC-CUSUM (Learning curve–cummulative summation) des courbes d’apprentissage obtenues à l’issue de la formation pour la pratique du Contrôle échographique de la position de l’occiput fœtal (fetal occiput position – FOP).1 Valide: position de l’occiput fœtal confirmée par un second praticien ou à l’accouchement / Non valide: position erronée ou échec de réalisation.2 Contrôle échographique de la position de l’occiput fœtal.

Applications pratiques

Les retombés cliniques de l’étude PRENOP sont doubles. Sur le plan local, l’impact bénéfique de la formation au sein du Centre hospitalier régional et universitaire de Nancy a conduit à mettre en œuvre un plan de diffusion du modèle au sein du Réseau périnatal Lorrain. Ce plan permettra de financer la réalisation d’études de type PRENOP au sein de maternités de type 1 et 2. L’objectif est de promouvoir la pratique de l’échographie par les praticiens sages-femmes et d’améliorer la qualité des soins au sein du réseau. La mise en œuvre de ces projets permettra parallèlement de vérifier que le bénéfice observé lors de l’étude initiale est retrouvé au sein de structures hospitalières de taille et d’organisation différentes.

Sur le plan scientifique, l’étude PRENOP vient étayer la réflexion concernant l’utilisation de la simulation de haute technologie pour la formation des praticiens à la pratique échographique. Les contraintes initiales identifiées dans le cadre de l’étude PRENOP (présence des praticien sages-femmes au lit de la parturiente mais manque de formation et de pratique) sont largement partagées au sein des établissement français et la simulation apparaît comme une solution efficiente pour répondre à ces besoins. L’intérêt de cette solution réside notamment dans possibilité de décliner simultanément différentes modalités de représentation du fœtus (image échographique, représentation 3D et mannequin). Bien qu’il n’existe pas à l’heure actuelle de publication permettant de quantifier le gain d’apprentissage obtenu par cette méthode, l’analyse pragmatique de l’expérimentation conduite dans le cadre de l’étude PRENOP témoigne du fait que l’acquisition des notions de bases indispensables au repérage échographique semble plus homogène lorsque ce dispositif est intégré à la formation. En effet, les formations cliniques classiques ne permettent pas toujours de pallier les différences préexistantes de compétence en matière de repérage et de coordination chez les apprenants. La multiplication des possibilités de représentations, la diversité et la modularité des exercices permis par les simulateurs de haute technologie semble offrir des garanties pour acquérir le niveau de formation requis pour des actes d’échographie simples. Ce gain d’homogénéité de l’apprentissage est par nature difficile à quantifier et rarement mis en avant dans les formations médicales. Cependant son intérêt pour la pratique clinique est évident car il permet mécaniquement de contribuer à maintenir un niveau de soin homogène. Ce modèle pourrait être transposé à d’autres spécialités en favorisant, grâce à une rationalisation de la formation, la réalisation des échographies au lit du patient (par exemple, en médecine d’urgence la réalisation d’examens d’orientation sur le lieu d’intervention – « point of care » – par le médecin en charge permettrait de limiter les demandes d’imagerie) [4]. Cette approche permet d’envisager la présence systématique de praticiens formés aux actes d’échographie de base (repérage, échoguidage) et de limiter ainsi les coûts financiers et logistiques, et les pertes d’informations liés au recours à un second praticien.

Pour finir, l’étude PRENOP apporte un argument supplémentaire en faveur de l’enseignement conjoint et concomitant de l’examen obstétrical et de l’échographie intrapartum [27]. Les résultats confirment en effet que l’étroite intrication de ces techniques d’exploration (qui permettent au praticien de mettre en corrélation les informations cliniques et les données échographiques) conduit à une synergie des apprentissages. Cette synergie se manifeste dans PRENOP par un apprentissage particulièrement rapide du contrôle échographique de la FOP pour les praticiens sage-femme de salle de naissance.

Pour conclure, l’étude PRENOP confirme la faisabilité d’une formation systématisée des sages-femmes de salle de naissance à la pratique de l’échographie intrapartum sous forme d’ateliers. Cette approche permet d’optimiser les ressources en personnel (diminution des recours) et de réduire les délais de prise en charge. L’utilisation large de la simulation dans ce cadre pourrait contribuer à garantir la présence d’un praticien formé à l’échographie à proximité immédiate de toute parturiente quel que soit le type de structure.

Contributions

Gaëlle Ambroise-Grandjean, Olivier Morel et Emilie Gauchotte ont élaboré le protocole. Gaëlle Ambroise-Grandjean a élaboré et dispensé le programme de formation. Elisa Corini, Jocelyn Germain et Joanna Michel ont collecté les données. Gabriela Hossu a conduit les analyses statistiques. Justine Rolin, Elisa Corini et Joanna Michel ont analysé les résultats. Tous les auteurs ont contribué à rédaction du manuscrit et ont approuvé la version définitive.

Remerciements

Les auteurs remercient les femmes enceintes qui ont accepté de participer aux ateliers ainsi que les membres de l’équipe du Centre universitaire d’enseignement par la simulation (CUESIM).

Liens d’intérêts

Aucun auteur ne déclare de conflit d’intérêts en lien avec le contenu de cet article.

Approbation éthique

Cette étude a fait l’objet d’une déclaration à la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) sous le numéro A2017-3. Les patientes s’étant portées volontaires pour les ateliers pratiques avaient reçu une information éclairée rédigée sous couvert du service judiciaire de l’établissement.

Références

  1. Soni NJ, Lucas BP. Diagnostic point-of-care ultrasound for hospitalists. J Hosp Med 2015;10:120–4. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
  2. Morgan BB, Kao A, Trent SA, Hurst N, Oliveira L, Austin AL, et al. Effect of emergency physician-performed point-of-care ultrasound and radiology department-performed ultrasound examinations on the emergency department length of stay among pregnant women at less than 20 weeks’ gestation. J Ultrasound Med 2018;37:2497–505. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
  3. Vinayak S, Sande J, Nisenbaum H, Nolsøe CP. Training midwives to perform basic obstetric point-of-care ultrasound in rural areas using a tablet platform and mobile phone transmission technology – A WFUMB COE Project. Ultrasound Med Biol 2017;43:2125–32. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
  4. Shah S, Adedipe A, Ruffatto B, Backlund BH, Sajed D, Rood K, et al. BE-SAFE: Bedside sonography for assessment of the fetus in emergencies: educational intervention for late-pregnancy obstetric ultrasound. West J Emerg Med 2014;15:636–40. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
  5. Moore CL, Copel JA. Point-of-care ultrasonography. N Engl J Med 2011;364:749–57. [Google Scholar]
  6. Jensen JK, Dyre L, Jørgensen ME, Andreasen LA, Tolsgaard MG. Simulation-based point-of-care ultrasound training: a matter of competency rather than volume. Acta Anaesthesiol Scand 2018;62:811–9. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
  7. Østergaard ML, Rue Nielsen K, Albrecht-Beste E, Kjær Ersbøll A, Konge L, Bachmann Nielsen M. Simulator training improves ultrasound scanning performance on patients: a randomized controlled trial. Eur Radiol 2019;29:3210–8. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
  8. Girault A. Term prelabor rupture of membranes: CNGOF guidelines for clinical practice – Methods for inducing labor. Gynecol Obstet Fertil Senol 2020;48:48–58. [PubMed] [Google Scholar]
  9. Youssef A, Ghi T, Pilu G. How to perform ultrasound in labor: assessment of fetal occiput position. Ultrasound Obstet Gynecol 2013;41:476–8. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
  10. Vayssière C, Haumonte J-B, Chantry A, Coatleven F, Debord MP, Gomez C, et al. Prolonged and post-term pregnancies: guidelines for clinical practice from the French College of Gynecologists and Obstetricians (CNGOF). Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol 2013;169:10–6. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
  11. Sherer DM. Intrapartum ultrasound. Ultrasound Obstet Gynecol 2007;30:123–39. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
  12. Haute Autorité de Santé (HAS). Mesure de la longueur du col de l’utérus par échographie endovaginale. Saint-Denis La Plaine: HAS, 2010 [On-line]. Disponible sur: https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2010-12/mesure_de_la_longueur_du_col_de_luterus_par_echographie_endovaginale_-_rapport.pdf. [Google Scholar]
  13. Youssef A, Ghi T, Pilu G. How to perform ultrasound in labor: assessment of fetal occiput position. Ultrasound Obstet Gynecol 2013;41:76–8. [Google Scholar]
  14. Sherer DM. Intrapartum ultrasound. Ultrasound Obstet Gynecol 2007;30:123–39. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
  15. Vintzileos AM, Chavez MR, Kinzler WL. Use of ultrasound in the labor and delivery. J Matern-Fetal Neonatal 2010;23:469–75. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
  16. Riethmuller D, Roth P, Martin A, Maillet R, Schaal J-P. Benefits of ultrasonography in the delivery room. Gynecol Obstet Fertil 2004;32:427–32. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
  17. Viossat P, Dommergues M, Lansac J. Report of the French « Conférence nationale de l’échographie obstétricale et fœtale » (CNEOF) – recommendations for focused prenatal ultrasound. Gynecol Obstet Fertil 2015;43:469–71. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
  18. Bertholdt C, Gauchotte E, Dap M, Perdriolle-Galet E, Morel O. Predictors of successful manual rotation for occiput posterior positions. Int J Gynecol Obstet 2019;144:210–5. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
  19. Rozenberg P, Porcher R, Salomon LJ, Boirot F, Morin C, Ville Y. Comparison of the learning curves of digital examination and transabdominal sonography for the determination of fetal head position during labor. Ultrasound Obstet Gynecol 2008;31:332–7. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
  20. Zimmermann R, Mousty E, Mares P, Letouzey V, Huberlant S. E-learning et simulation en échographie focalisée pour la formation continue des sages-femmes en salle de naissance. Gynecol Obstet Fertil Senol 2019;47:836–40. [PubMed] [Google Scholar]
  21. Di Pasquo E, Ramirez Zegarra R, Kiener AJO, Gobbi L, Dall’Asta A, Fieschi L, et al. Usefulness of an Intrapartum Ultrasound Simulator (IUSimTM) for midwife training: results from an RCT. Fetal Diagn Ther 2021;48:120–7. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
  22. Biau DJ, Williams SM, Schlup MM, Nizard RS, Porcher R. Quantitative and individualized assessment of the learning curve using LC-CUSUM. Br J Surg 2008;95:925–9. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
  23. Bertholdt C, Morel O, Zuily S, Ambroise-Grandjean G. Manual rotation of occiput posterior or transverse positions: a systematic review and meta-analysis of randomized controlled trials. Am J Obstet Gynecol 2021;S0002937821012308. [Google Scholar]
  24. Tolsgaard MG, Tabor A, Madsen ME, Wulff CB, Dyre L, Ringsted C, et al. Linking quality of care and training costs: cost-effectiveness in health professions education. Med Educ 2015; 49:1263–71. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
  25. Weerasinghe S, Mirghani H, Revel A, Abu-Zidan FM. Cumulative sum (CUSUM) analysis in the assessment of trainee competence in fetal biometry measurement. Ultrasound Obstet Gynecol 2006;28:199–203. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
  26. Vayssière C, Morinière C, Camus E, Le Strat Y, Poty L, Fermanian J, et al. Measuring cervical length with ultrasound: evaluation of the procedures and duration of a learning method. Ultrasound Obstet Gynecol 2002;20:575–9. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
  27. Balsyte D, Schäffer L, Burkhardt T, Wisser J, Zimmermann R, Kurmanavicius J. Continuous independent quality control for fetal ultrasound biometry provided by the cumulative summation technique. Ultrasound Obstet Gynecol 2010;35:449–55. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
  28. Peyrony O, Legay L, Morra I, Verrat A, Milacic H, Franchitti J, et al. Monitoring personalized learning curves for emergency ultrasound with risk-adjusted learning-curve cumulative summation method. AEM Educ Train 2018;2:10–4. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
  29. Goldkamp J, Vricella L, Mostello D, Tomlinson T. Ultrasound feedback training increases trainee accuracy and confidence in vaginal assessment of fetal head position in labor. Ultrasound Obstet Gynecol 2020;55:530–55. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]

Citation de l’article: Rolin J, Corini E, Michel J, Hossu G, Gauchotte E, Germain J, Morel O, Ambroise-Grandjean G. Repérage échographique du fœtus: évaluation prospective de l’impact d’un dispositif de formation continue des sages-femmes sur l’organisation des soins en salle de naissance Pédagogie Médicale. https://doi.org/10.1051/pmed/2022010

Liste des tableaux

Tableau I

Répartition des indications pour les échographies intrapartum recensées dans le cadre des audits PRENOP* avant/après.

Tableau II

Recensement des praticiens ayant réalisé les examens dans le cadre des audits PRENOP* avant/après.

Tableau III

Délais induits par le recours à un second praticien dans le cadre des audits PRENOP* avant/après.

Liste des figures

thumbnail Fig. 1

Description des deux modalités de réalisation des examens échographiques intrapartum recensées. *Praticien initialement en charge de la surveillance clinique de la patiente (sage-femme ou médecin/interne).

Dans le texte
thumbnail Fig. 2

Illustration de la session d’exercice destinée à faciliter le repérage de la position du fœtus.

Dans le texte
thumbnail Fig. 3

Déroulement des inclusions pour les audits PRENOP (Praticiens Échographies Non Programmées) avant/après. *Recensement prospectif des échographies intrapartum (maternité du CHRU de Nancy).

Dans le texte
thumbnail Fig. 4

Représentation sous forme de LC-CUSUM (Learning curve–cummulative summation) des courbes d’apprentissage obtenues à l’issue de la formation pour la pratique du Contrôle échographique de la position de l’occiput fœtal (fetal occiput position – FOP).1 Valide: position de l’occiput fœtal confirmée par un second praticien ou à l’accouchement / Non valide: position erronée ou échec de réalisation.2 Contrôle échographique de la position de l’occiput fœtal.

Dans le texte

Les statistiques affichées correspondent au cumul d'une part des vues des résumés de l'article et d'autre part des vues et téléchargements de l'article plein-texte (PDF, Full-HTML, ePub... selon les formats disponibles) sur la platefome Vision4Press.

Les statistiques sont disponibles avec un délai de 48 à 96 heures et sont mises à jour quotidiennement en semaine.

Le chargement des statistiques peut être long.