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Numéro
Pédagogie Médicale
Volume 18, Numéro 2, Mai 2017
Page(s) 47 - 50
Section Tribune
DOI https://doi.org/10.1051/pmed/2018001
Publié en ligne 5 juillet 2018

© EDP Sciences / Société Internationale Francophone d’Education Médicale, 2018

Introduction

Les MOOC (Massive Open Online Course ou Cours en Ligne Ouvert à Tous) sont des ressources didactiques et pédagogiques de plus en plus utilisées dans le cadre de l’éducation à distance. Le centre de pédagogie des sciences de la santé de l’Université de Montréal (U de M) a choisi d’y recourir pour permettre à un grand nombre de cliniciens de s’approprier un modèle du processus de raisonnement clinique développé par des chercheurs de l’U de M [1]. Cette modélisation, qui permet d’expliciter les tâches cognitives qui sous-tendent le raisonnement clinique (RC), a suscité un vif intérêt auprès des superviseurs cliniciens, qui la perçoivent comme un outil structurant pour soutenir le développement du RC. Un format MOOC a été choisi pour que cette formation puisse être largement suivie, accessible gratuitement partout dans le monde, sans inscription préalable dans une université et pour favoriser les liens entre les participants. Avec le soutien du centre de pédagogie universitaire, cinq facultés des sciences de la santé de l’U de M ont participé à l’élaboration de cette formation en 2015. Il s’agit du premier MOOC en français portant sur la pédagogie médicale.

Dans cet article nous présenterons les principales caractéristiques des MOOC, leurs forces et leurs limites. Nous ferons ensuite un retour d’expérience sur le MOOC-processus de raisonnement clinique (MOOC-PRC) en analysant sa conception, ses retombées et les difficultés rencontrées.

Mieux comprendre les MOOC en milieu universitaire

Qu’est-ce un MOOC ?

Les MOOC constituent un format de dispositif pédagogique adapté à la formation à distance. Le premier MOOC, portant sur le connectivisme, a été offert en 2008 par Siemens et Downes. C’est l’un des participants, Dave Cormier, qui a proposé le terme MOOC pour désigner cette expérience [2]. Le M de MOOC − pour massive – fait référence au nombre illimité d’étudiants qui peuvent participer, se chiffrant parfois en centaines de milliers. Dans le premier MOOC, Open faisait référence au fait que le contenu était en grande partie créé par les participants. Désormais, Open indique plutôt que les cours sont accessibles gratuitement à toute personne ayant un accès Web [3]. Avec le temps, on constate que plusieurs MOOC sont moins « ouverts » et plus tout à fait gratuits, notamment avec l’apparition de certificats payants [4]. En fonction de leur design pédagogique, on distingue les MOOC connectivistes, désignés par l’acronyme cMOOC, dans lesquels les étudiants participent à la création des contenus et les xMOOC, de nature plus transmissive où l’expérience éducative consiste à écouter et regarder des vidéos, faire des exercices puis évaluer ses apprentissages [5]. En pratique, cette distinction n’est pas facile à faire puisque le format des MOOC varie maintenant grandement [6].

La majorité des MOOC ne permettent pas d’obtenir de crédits universitaires ou de diplômes. Néanmoins, les participants qui remplissent les critères de réussite reçoivent des certificats de participation. Les MOOC utilisent des plates-formes conçues à cet effet. Pour diminuer les frais d’exploitation, les universités établissent souvent des partenariats avec un fournisseur de service MOOC. Les plates-formes le plus utilisées en santé sont Coursera, Udacity, Canvas, Edx, France Université Numérique (FUN) et Future Learn. Parmi celles-ci, notons les particularités suivantes. Coursera, plate-forme la plus utilisée, met en avant une pédagogie basée sur l’utilisation de vidéos, de quiz et d’exercices pratiques [2]. L’utilisation d’Open Edx, une plate-forme libre et ouverte utilisée par FUN en France et Edulib au Québec, est gratuite et les outils développés par les concepteurs des cours sont mis à la disposition de tous. Enfin, Future Learn, fondée par des universités anglaises, a la particularité de favoriser la collaboration par l’utilisation des médias sociaux.

Que sait-on des participants ?

La curiosité pour le sujet et la gratuité constituent les deux principales raisons d’inscription aux MOOC [7]. Basée sur le comportement des participants, une étude a mis en évidence cinq profils : le « butineur » ; « l’auto-évaluateur » ; le « lecteur sérieux » ; « l’actif indépendant » et « l’actif social » [8]. Dans un échantillon de six MOOC francophones, 87 % des participants provenaient des pays francophones développés, 3 % des pays émergents en développement et 10 % des pays en développement avec de faibles revenus [7]. Dans les pays développés, on retrouve une proportion de femmes semblable à celle retrouvée dans les programmes universitaires. Dans les pays en développement, les hommes représentent une proportion plus importante. Dans les pays développés, 11,5 % des participants n’ont pas de diplôme universitaire au moment de s’inscrire, ce qui fait des MOOC un vecteur d’accessibilité pour cette clientèle spécifique.

Les avantages des MOOC

Les MOOC favorisent l’accès à l’éducation en offrant gratuitement des cours conçus par des universités reconnues. Ils sont particulièrement intéressants pour la formation des professionnels puisque les apprenants peuvent accéder aux cours selon un horaire flexible [9]. Ils favorisent aussi la création de communautés d’apprentissage [10]. Dans EDUlib au Québec, on a constaté qu’ils favorisent le développement professionnel des concepteurs et des équipes d’accompagnement. Ils permettent de faire connaître des travaux de recherche et de développer des collaborations internationales. Enfin, ils favorisent l’accessibilité à la formation de niveau universitaire dans plusieurs pays francophones en voie de développement, notamment en Haïti [11].

Les limites des MOOC

On reproche aux MOOC d’utiliser trop souvent une pédagogie transmissive. Certains auteurs déplorent aussi la faible interactivité avec les professeurs [12]. Les critiques les plus sérieuses concernent cependant l’engagement des étudiants puisque seuls 10 % des personnes inscrites à un MOOC le termineront. Par ailleurs, la capacité des MOOC à « démocratiser » l’accès à l’éducation doit être nuancé puisque la grande majorité des participants ont un diplôme d’études supérieures [13]. Au sujet de la certification, le principal défi concerne la garantie que les participants atteignent les objectifs d’apprentissage visés. Finalement, en dehors d’un financement public, aucun modèle de financement ne semble pour l’instant permettre d’assurer leur pérennité [10].

Le MOOC-processus de raisonnement clinique (MOOC-PRC)

Le MOOC-PRC vise les étudiants et les professionnels dans le domaine de la santé. Composé de huit modules, sa durée est de 25 heures. À l’aide de vignettes cliniques illustrant le RC d’un médecin, d’une pharmacienne, d’un vétérinaire, d’un dentiste et d’une infirmière, le premier module présente une version simplifiée du modèle théorique du processus de RC. Puis, les modules 2 et 3 amènent les participants à s’approprier graduellement la modélisation théorique. De multiples exemples, entrecoupés par des questions, permettent la contextualisation des informations présentées. Enfin, à l’aide de vignettes pédagogiques, d’entrevues avec des experts du RC et d’une table ronde réunissant cinq professionnels de la santé, le MOOC aborde le rôle des compétences transversales dans le RC, les concepts théoriques du RC et les principales difficultés observées chez les étudiants. Depuis 2015, le MOOC a été ouvert trois fois en français et une fois en anglais sur la plate-forme EDUlib (www.edulib.org) pour une durée moyenne de huit semaines à chaque itération. À ce jour, 2463 participants provenant de 23 pays différents ont participé au MOOC-PRC.

La réalisation du MOOC s’est étalée sur une année et a requis un investissement considérable de ressources. Son développement a mobilisé 17 experts de contenus, deux technopédagogues, une équipe technique responsable des tournages, un réviseur linguistique, une traductrice et un intégrateur multimédia. Des contraintes liées à la plateforme Open EdX ont obligé l’équipe pédagogique à adopter un mode plus transmissif que souhaité au départ, en limitant notamment les interactions pédagogiques et médiatiques. Par contre, un forum de discussion et des rencontres virtuelles avec le professeur ont favorisé l’implication des participants.

Depuis l’ouverture du MOOC-PRC, plusieurs programmes ont intégré la modélisation du RC dans des cours, soit : la médecine, la médecine dentaire et la médecine vétérinaire à l’Université de Montréal et la médecine à l’Université de Genève.

Plusieurs rétroactions nous ont permis de constater que cette formation permettait, pour la première fois, à des professionnels de la santé et à des étudiants d’avoir accès à un enseignement formel sur le RC. Même si le MOOC n’a pas permis de constituer une communauté d’apprentissage, il a favorisé plusieurs collaborations dont l’ajout d’un module en physiothérapie dans le MOOC-PRC et l’élaboration d’un deuxième MOOC sur la supervision du RC.

Malgré des efforts pour animer le forum de discussion, l’interactivité s’est limitée à un faible nombre de participants. Elle s’est cependant améliorée grâce à des questions hebdomadaires dans le forum de discussion, des réponses rapides (maximum 48 heures) aux questions et « l’utilisation » de participants actifs pour susciter des discussions. Lors de la première itération, 6,1 % des 1215 inscrits ont réussi le MOOC et à la deuxième le taux était de 9,6 % des 1000 participants [11]. Pour ce qui est du nombre de demandes de certificats de participation en payant les frais associés, il varie entre 3 et 10 % des participants d’une itération à l’autre.

Conclusion

Notre expérience confirme que les MOOC favorisent la diffusion de contenus éducatifs et de résultats de recherche à large échelle. Ils permettent aussi d’établir des collaborations. Par contre, l’engagement des étudiants demeure un défi. Enfin, la réflexion par rapport au modèle de financement doit se poursuivre, notamment pour trouver un modèle durable qui permette le partage sans restriction des contenus éducatifs tout en assurant les ressources nécessaires pour la création, la mise à jour et la diffusion des cours.

Contributions

Tous les auteurs ont participé solidairement à la rédaction de cet article.

Déclaration d’intérêts

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

Approbation éthique

Non sollicitée car sans objet.

Références

  1. Charlin B, Lubarsky S, Millette B, Crevier F, Audétat M-C, Charbonneau A, et al. Clinical reasoning processes: unravelling complexity through graphical representation. Med Educ 2012;46:454‐63. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
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Citation de l’article : Caire Fon N., Poellhuber B., Audetat M.-C., Charbonneau A., Crevier F., Berube B., Les Massive Open Online Course (MOOC) sont-ils une méthode utile en pédagogie médicale ? Éléments de réponse avec l’exemple du MOOC-Processus de raisonnement clinique. Pédagogie Médicale 2017:18;47-50

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